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Chapitre V

          Je récupère le cours de mon histoire, donc je décidais d’aller rendre visite à Paulo pour essayer d’avoir l’adresse de ce mec.

 

           Le lendemain matin, le jeudi 7 avril, j’étais aux 3 couleurs vers 11 heures car je savais par expérience qu’on ne le voyait guère avant l’apéro. Francine était toujours là fidèle au poste, près des escaliers  qui montaient aux chambres, une dizaine de piaules était aménagée entre le 1er, le 2eme, et sous les toits, ainsi chaque client était tenu de passer près d’elle, c’était meilleur pour le contrôle. Près d’elle, 2 perchoirs supportaient 2 perroquets et un toucan qui à eux trois faisaient un vacarme du diable.

 

           Il m’a fallu encore attendre presque une heure et c’est vers midi que Paulo se pointa aux 3 couleurs la gueule enfarinée, la veille avait du être dure et longue.

 

           Les retrouvailles furent assez sobres mais cordiales, je le trouvais amaigri encore plus que lorsque nous nous fréquentions, (maintenant, avec le recul, je comprends mieux ce qui l’a poussé au bord du trou, l’alcool faisant énormément de ravage).

 

           Je ne cherchais pas à finasser avec lui, bien qu’affaibli, son esprit était resté très acéré. Il m’écouta sans m’interrompre un seul instant et lorsque j’eus fini, il m’expliquât qu’effectivement, il avait bien eu une entrevue avec un gars de Marseille, un petit lieutenant d’un caïd marseillais qui voulait prendre son indépendance mais pas pour quelques filles, mais pour lui céder la totalité de ses affaires et cela représentait beaucoup d’argent. Il avait conscience que sa santé était vacillante (il ne pensait pas si bien dire) et voulait passer la main, Marco était un grand ami pour lui mais pas un héritier potentiel et Francine, s’il lui arrivait quelque chose à lui, elle se ferait bouffer. Il était très embêté par ma démarche, d’une part, il aurait voulu me rendre ce service en souvenir du temps passé et d’autre part, dans sa profession, la confidentialité était de mise et briser la loi du silence entrainait pas mal de complications.

 

           Il réfléchit encore un peu (j’étais sur des charbons ardents, s’il se taisait, la seule piste que j’avais s’envolait).

 

          Il finit son verre, (bon sang, il se levait et était déjà au Ricard), et me dit.

 

          -Ecoutes, j’ai toute confiance en toi et tu le sais je ne suis au courant de rien de ce que tu me parles, tu sais, la Savane, je n’y vais que rarement, ce n’est pas mon fief et Marco connait ta copine  et m’aurait averti s’il avait su quoi que ce soit te concernant.

 

           -D’un autre côté, si Paulo (du triangle) à dit que mon visiteur avait été vu avec elle, c’est qu’effectivement, ils étaient ensembles. Alors ou bien il n’y est pour rien dans la disparition de ton amie et tu feras chou blanc, ou bien il a quelque chose à voir avec et dans ce cas, je n’apprécie pas du tout qu’un étranger chasse sur mes terres sans mon consentement. Aussi, je vais te donner son nom et à défaut de son adresse, l’endroit où tu pourras le trouver. Il n’y a pas eu d’affaire conclue entre nous et je ne lui dois rien quant à toi, tu mérites bien un coup de pouce, tu n’as jamais trahi ma confiance et c‘est à moi maintenant de te renvoyer l’ascenseur. Je compte sur toi pour y allez avec tact, si vraiment il n’y est pour rien que je ne perde pas un acheteur potentiel. Il griffonna quelques mots sur papier au bar et me le tendit. Allez à un autre soleil. (Autre expression que nous utilisions pour se séparer), et n’oublies pas, nous ne nous sommes jamais rencontrés. Toujours prudent le Paulo.

 

          Ca pour la discrétion, il n’y avait pas de risque, à part Francine, le bar était vide mis à par quelques touristes.

 

          Je remontais en catastrophe aux Religieuses embrasser ma mère et filer droit chez le grand-père de Marianne. Les flics avaient enregistré la requête de Raoul mais comme je m’y attendais, l’intéressée étant majeure, ils avaient consigné la déclaration de Raoul sur une main courante et accepté de diligenter une recherche dans l’intérêt des familles. La seul nouvelle c’est qu’ils avaient obtenu, c’est la liste d’embarquement de jeudi dernier, et c’était confirmé, Marianne était bien sur la liste des passagers.

 

          Le soir même, j’étais au Lamentin pour embarquer pour la métropole,  il me fallait faire vite, une semaine déjà s’était écoulée depuis sa disparition et si je voulais la revoir, il me fallait très, très vite.

 

          En décollant cette fois là, je regardais le sol se dérober sous l’appareil sans me douter un seul instant que c’était la dernière fois que je voyais la Martinique.

 

           A peine débarqué à Paris je pris le train pour Marseille St Charles, le voyage m’avait paru durer une éternité au propre comme au figuré car en ces temps-là, il fallait compter une bonne  dizaine d’heures, je ne me souviens plus très bien. J’arrivais donc dans le milieu de l’après midi dans la capitale phocéenne, et je dus patienter le soir pour agir, car comme vous vous en doutez bien, je n’avais pas l’adresse de son domicile mais celle d’un contact dans un bar, rue du Ruffi si ma mémoire est bonne.

 

           C’était une petite rue qui ressemblait plus à un coupe-gorge qu’au quai du vieux port ou à l’avenue St Charles. Au début, je me suis posé beaucoup de questions et  j’ai vraiment pensé à cet instant, que le renseignement était pipé, que le dénommé Fred avait fourni de faux renseignements à Paulo (se qui pouvait très bien arriver si ce Fred tentait une arnaque à Paulo), si c’était le cas, cela ne ferait vraiment pas mes affaires.

 

          D’un autre côté, je suppose que le prénom était valable et je pourrai toujours m’en servir le cas échéant pour entreprendre une recherche. Ma couverture était claire, j’étais mandaté par Paulo pour venir me rendre compte discrètement de la solvabilité des futurs clients de Paulo. Comme cela, les gens ne seraient pas trop étonnés de voir fouiner un étranger dans leurs affaires.

 

          Il y avait aussi la possibilité que ce Fred ou un de ces acolytes  tente de vérifier auprès de Paulo la véracité de mes déclarations. Dans ce cas, ma réponse était toute trouvée, comme je savais de mon ami démentirait m’avoir envoyé, à Marseille, je pourrai toujours soutenir la thèse   que Paulo voulait que cela reste confidentiel et n’avouerait  jamais par fierté que c’est lui qui m’avait envoyé. Mais que la pratique, bien que manquant d’élégance était courante aux Antilles. Ce qui pouvait démontrer que Paulo était mûr pour céder son affaire et qu’il voulait s’assurer discrètement avant de conclure.

 

          Rue du Ruffi, il existait plusieurs bars et ne connaissant pas lequel était le bon, il ne me restait plus qu’a tous les faire, après tout, la rue n’était pas très grande et il n’y avait que 3 bars, je devais théoriquement localiser ma cible dans la nuit. Paulo m’avait donné un signalement de ce Fred et je ne devrais pas avoir trop de mal à repérer mon bonhomme. S’il était là, (on était le vendredi 8 avril et il y avait 8 jours qu’il était revenu des Antilles), mais je suis parti du principe, qu’on ne partait pas en vacances en avril même quand l’on est maquereau. D’autre part, que Fred roule pour son propre compte ou pour un comparse, il y avait un certain nombre de dispositions à prendre avant, on n’émigre pas aux Antilles sans un minimum de mises aux points.  D’un autre côté, il (ou ils) ne projette (nt) pas de rapatrier à Marseille la totalité de l’affaire de Paulo, cela saturait le marché local méditerranéen. Non, il (s) avait (aient) prévu tout au plus des échanges de personnels, et ça, cela devait prendre pas mal de temps à mettre tout ça sur pieds.

 

          Mon crâne rasé de para ne manqua pas d’attirer la curiosité des autres clients, d’un autre côté avec ma silhouette athlétique et mes cheveux courts, je pouvais très bien passer pour un malfrat en quête de petits boulots. Et j’eu de la chance, au deuxième bar je trouvais mon client, le dénommé Fred était attablé au fond de la pièce entouré de deux à trois filles et il semblait s’amuser sec. Il parlait aussi fort qu’il buvait et tous les clients du bar pouvaient entendre leurs conversations si bien que je n’ai eu aucun mal à l’identifier. Il parlait haut et fort de son séjour sur l’ile et était fier de montrer son bronzage aux filles qui l’entouraient. De prime abords, le type me fit une très mauvaise impression, certes il était plutôt du genre play-boy  et il émanait de lui  un certain charisme, mais à sa façon de se trémousser sur sa chaise et surtout à entendre les conneries qu’il débitait sur la Martinique, je savais déjà que notre rencontre allait très mal finir. Je détestais les gens qui affabulent pour se faire bien voir de la gente féminine.

 

          Il me fallait trouver une astuce pour l’attraper, je ne pouvais quand même le kidnapper en plein café, surtout que si l’entretien se poursuivait tel que je le prévoyais, il risquait d’y avoir de la casse, l’interception et l’interrogation risquait d’être musclée. On avait beau être en pleine nuit, l’opération comportait quelques risques. Mais je n’avais pas fait les forces spéciales pour rien et mon affectation au grade de sergent ne m’avait pas été concédée à la légère.

 

          A partir de cet instant, je passerai sous silence le modus operendi de l’action, n’étant pas ici pour faire l’apologie du crime parfait, sachez seulement qu’il m’a fallu dérober sa propre voiture et l’emmener prendre l’air.

 

          Un jour entier il a résisté, j’ai bien cru ne pas y arriver, il m’a fallu toute « la science de l’interrogatoire » qu’on avait enseignée, il était beaucoup plus résistant qu’il n’y paraissait de prime abord, et ce n’est que le samedi soir que j’obtins les renseignements désirés. J’étais écœuré de la conduite que j’avais dû adopter pour lui arracher ces confidences, ces procédés ne me ressemblaient pas, tant qu’ils restaient dans le cadre des opérations spéciales, ceci me paraissait normal, mais cette fois, ce n’était pas dans ce cadre là, et je n’avais aucune excuse.

Mais pour retrouver mon amie, j’aurai fais pire encore et Marianne valait vraiment qu’on se souille les mains pour elle.

 

          Et puis, j’ai perdu mon sang froid quand j’ai enfin appris qu’elle se trouvait à Hambourg rue Karolinestrass au N° 3 de la rue, dans une maison de dressage. Je ne savais même pas ce qu’était une maison de dressage, lorsque Fred me l’a expliqué, j’ai failli l’occire de suite, mais à la dernière minute, je me suis souvenu in-extrémis de mon instruction militaire, ne jamais céder à la panique, quelle que soit la situation, ne jamais écouter ses sentiments, c’était primordial pour la réussite de l’opération. Si j’avais écouté mon instinct, je n’aurai jamais obtenu de détails sur  l’endroit où se trouvait retenue mon amie.

 

          C’était d’après Fred, un petit pavillon de banlieue, avec pas mal de terrain autour, idéal parait-il parce que très discret, pour ce genre d’activité. A l’intérieur de chez maison, il y avait en permanence 7 personnes, 4 hommes pour la sécurité et 3 mères maquerelles pour l’éducation proprement dite. Dans les 4 hommes, 3 kurdes et un allemand et les femmes étaient toutes allemandes.  Aucun d’entre eux ne parlait le français, seul l’allemand parlait un peu l’anglais. De toutes façons, pensais-je, je ne venais pas pour leur faire la conversation et le peu d’anglais que je connaissais devait suffire.

 

           Le plus urgent maintenant pour moi, c’était de m’extraire de Marseille et de ses environs et le plus vite possible, l’absence de Fred n’allait pas passer inaperçue, et surtout pas avec sa caisse, le plus sûr pour moi était encore le train et j’ai repris un rapide de nuit pour Paris le soir même, nous étions le samedi 9 avril et je devais être à Hambourg le plus vite possible afin d’éviter qu’à Marseille, ils fassent le rapprochement, (au cas ou j’aurais été repéré), et un étranger doré comme un pain d’épice, même si je n’ai parlé à personne dans les bars à part aux barmans, mais cela pouvait leurs suffirent pour trouver un lien avec les Antilles et dans ce cas avec Hambourg via Marianne.

 

           J’ai eu toute la nuit pour réfléchir au problème, je n’ai évidement pas fermé l’œil de la nuit, cela faisait plus de 48 heures maintenant que je ne dormais pas, comment l’aurais-je pu d’ailleurs ?

 

           Toutes mes pensées étaient tournées vers Marianne et je me demandais dans quel état j’allais la retrouver, si je la retrouvais d’abord ?

 

          Je réfléchissais tellement pendant ce voyage, que j’avais l’impression que mon cerveau faisait plus de bruit que l’express qui me ramenait sur Paris et je me surprenais à avoir peur que les autres passagers m’entendent réfléchir. Mais avant d’arriver à la gare de Lyon, un plan astucieux avait germé dans mes méninges. Ce que j’avais à faire était très simple ; 1/Trouver un moyen rapide et sûr pur me rendre à Hambourg, 2/Une fois sur place, intervenir vite et bien. 3/Revenir aussitôt par un moyen aussi sûr et aussi rapide qu’a l’aller (mais avec Marianne en plus cette fois). Aussi bizarre que cela puisse paraitre, ce n’est pas le point N° 2 qui me posait le plus de problème, mais le 1 et le 3.

 

          Comment faire pour se rendre le plus vite possible à Hambourg et en revenir ? Je ne connaissais pas l’Allemagne et encore moins Hambourg, je ne parlais pas un mot d’Allemand et il me faillait faire au plus vite.

 

           Hambourg, Hambourg, ce nom trottait dans ma tête sans vraiment que j’en sois conscient, ce nom me disait quelque chose, mais quoi ? Je n’avais jamais mis les pieds en Allemagne, pourquoi, ce mot me trottait dans la tête. Non pas parque-ce que je venais de l’entendre de la bouche de Fred, mais plutôt comme un leitmotiv. Etait-ce à la suite d’une littérature quelconque, non pas vraiment, je n’étais à l’époque pas vraiment un fan de lecture. Et à force de me torturer, je me suis remémoré d’où je tenais ce nom.

 

           Yves Mondon, oui c’était bien lui, Yves Mondon. Je l’avais revu une fois ou deux sur Paris lors de voyages que j’avais effectués lors de mon service militaire, il avait trouvé un bon job en métropole, il  travaillait à son compte comme coursier pour la presse, il livrait les journaux français à bord d’un fourgon jusqu’à Hambourg et faisait chaque nuit la route, il partait vers 18 heures si mes souvenirs sont bons et roulait jusqu'à Hambourg ou il livrait vers 1 heure ou 2 du matin et rentrait pour 8 ou 9 heures du matin.

 

          Nous étions très liés et il avait quitté la Martinique pour une sombre histoire de « tchimboi » (pour les néophytes, le  tchimboi est le mauvais sort jeté par un sorcier), ce qui était très courant aux îles), Yves, Martiniquais d’origine et de famille très moderne n’y croyait absolument pas, mais ses parents étaient moins sûrs que lui et lui avaient vivement conseillé de quitter la Martinique pour la métropole de toute urgence, on ne badine pas avec le mauvais œil.  

          D’ailleurs, c’est bien connu, « tchimboi pa jambé d’lo » (le quinboi ou kimboi ne passe pas l’eau, en gros le mauvais sort ne passe pas les rivières, ou la mer). Comme Yves de toutes les façons voulait se faire un peu oublier au pays car il n’était pas le dernier à donner (ni à prendre) des coups, plus d’une fois, nous avions fait le vide place de la Savane et les volées de coutelas n’étaient pas rares. Yves donc était parti pour la métropole, et pendant longtemps, nous avons eu  de ses nouvelles par le biais de ses parents.

 

          A propos de kimboi, j’ai une petite anecdote et croyez-moi, elle fait froid dans le dos.

 

          Dominique (je l’appellerai Dominique, car elle doit être toujours en vie et doit approcher les 70 ans et se reconnaitra sans doute si par hasard elle tombe sur ces lignes), une hôtesse de l’air au sol, était venue en Martinique envoyée par l’UNR (parti au pouvoir fondé pour soutenir la politique à de Gaulle) afin de mettre de l’ordre dans le parti local. (Certaines figures du parti confondaient allégrement la caisse du parti avec leurs propres poches. Dominique ne s’était pas faite que des amis au sein des personnalités influentes du parti. Elle le savait et se méfiait en conséquence, car l’un, un des barons de l’UNR avait promis d’avoir sa peau, promesse qui dans le contexte de l’époque était plus à prendre au propre qu’au figuré.

 

           Un samedi soir, qu’elle se trouvait au Robert (autre bourgade de l’île) dans une réception, plus de 200 personnes étaient présentes ce soir là et parmi lesquelles elle avait reconnu ce personnage en question en compagnie d’un individu des moins recommandable de l’île qui passait pour être un quimboiseur notoire. Elle fut troublée par son comportement car il semblait parler à voix basse en se retournant anormalement souvent dans sa direction.

 

          Connaissant la réputation du « quimboiseur » à tremper facilement dans moult affaires plus louches les unes que les autres, elle décida d’écourter sa soirée plus par souci d’éviter une altercation orageuse que par peur pour sa santé.

 

          En cours de route, elle fut prise de malaises violents à l’estomac et eut toutes les peines du monde à relier FDF. Avant d’arriver, elle eut le réflexe de s’arrêter pour téléphoner à un de ses amis toubib, métro comme elle pour l’avertir de ses malaises sans lui omettre la rencontre qu’elle venait d’avoir. Elle réussit à joindre son ami qui lui dit qu’il l’attendait chez un autre ami commun au Lamentin, il préférait ne pas perdre de temps et aller à son devant, ce qui lui permettait de gagner une bonne demie heure car selon lui il ne fallait perdre aucun temps.

 

           Ils se retrouvèrent donc au Lamentin, il était temps, Dominique était au bord de l’évanouissement tant les spasmes étaient violents. Il avait pris soin de se munir de sa mallette de toubib et il lui fit une piqûre en catastrophe (un tonicardiaque) et une autre pour la forcer à vomir. Un ¼ d’heure plus tard, Dominique vomissait à rendre l’âme et une heure après dormait (le toubib y était pour beaucoup) à poings fermés. Le lendemain, elle m’appela (oui à cette époque je ne fréquentais pas encore Marianne, et je sortais avec elle, elle n’était mon ainée que de quelques années, elle m’appela donc pour que je la rejoigne au Lamentin et voulait que l’on rentre ensemble à Belle Fontaine, (autre commune caribéenne entre St Pierre et Fdf). Avant de quitter le Lamentin, elle avait eu la présence d’esprit de récupérer les vomissures de la veille se promettant dès la semaine prochaine de les faire analyser.

 

           A Belle Fontaine, elle occupait une toute petite maison 2 pièces, un garage et un immense terrain qu’elle louait au Conseil Général pour une bouchée de pain, (50 f /mois, alors que le marché local en  aurait exigé pour 250 f au moins), chemin de Maniba. En pénétrant dans la maison, nous vîmes de suite que son domicile avait été visité, et que des photos d’elles avaient disparues. Nous ne pûmes pas prendre plus de risques et commençâmes un nettoyage en règle des lieux. Après avoir jeté toute la nourriture sans exception (boissons comprises), nettoyé et lavé à fond tous couverts et services servant à manger, vérifié minutieusement draps de lit, placards, passé le garage au peigne fin nous prîmes un peu de repos, remettant au lendemain une inspection des terres,  tous dangers semblaient écartés dans l’immédiat.

 

          A l’ouverture des labos le lundi suivant, AUCUN D’ENTRE EUX NE VOULURENT PRENDRE LE RISQUE D’ANALYSER  LES SOUILLURES de la soirée de samedi soir, se doutant sans doute qu’une affaire de kimboi était là-dessous. Elle dut les confier à un autre ami (sympathisant de l’UNR) pilote et métro n’accordant aucune véracité à ces affaires de sorcellerie afin qu’il puisse les remettre à un labo métropolitain.

 

          Un mois plus tard, la réponse nous parvenait (les examens en labo prenaient du temps en ces temps là), la réponse tomba comme un couperet, il s’agissait d’un oxyde de cuivre mélangé avec du planteur (pas besoin de vous expliquer, je pense que tous connaissent ce breuvage, pardon ce nectar Antillais «  a ce propos, si pour le rhum j’ai une nette préférence pour les rhums agricoles de la Martinique, pour le planteur, je vous recommande vivement ceux de Guadeloupe, question de goût et de variété).

 

          Ce jour là, nous venions de percer un des secrets des quimboiseurs locaux pour agir à distance sur leurs victimes, du simple poison dont on apprend la nocivité en CM2 (l’oxyde de cuivre est un poison violant). Il vous suffit de laisser oxyder un bout de cuivre au contact de l’humidité et de gratter consciencieusement le résidu vert qui se forme au bout de quels jours, de le récupérer et de le mélanger à une boisson quelconque fortement sucrée de préférence pour masquer le mauvais goût.

 

         Ces quimboiseurs sont excessivement dangereux et n’hésitent pas à tuer pour quiconque les paye grassement.

 

          A la suite de cet incident, Dominique préféra quitter les Antilles car elle savait qu’elle aurait peut-être  moins de chance la prochaine fois. C’est pour des raisons comme celles-ci qu’Yves a préféré obtempérer à l’injonction de ses parents, on ne plaisante pas avec les quimboiseurs. Je venais aussi de comprendre pourquoi un certains nombre de gens aux Antilles, lorsqu’ils commandaient un punch, non seulement se servaient eux même, mais de plus réclamaient une bouteille de rhum neuve, qu’ils décapsulaient eux-mêmes aussi. Pour éviter de se faire  qumboiser.

 

          Pour en revenir à mon histoire, j’espérais de tout mon cœur, que d’une part, Yves vivait toujours dans le 14ème et d’autre part qu’il faisait toujours le même boulot.

 

          Arrivé au petit matin, le dimanche, je décidais de prendre un petit déjeuner car si je voulais tenir le coup physiquement (déjà que j’avais le morale « dans les godasses ») je réalisais, que non seulement je n’avais pour ainsi dire pas fermé l’œil depuis 2 jours, mais en plus, je n’avais rien avalé de solide depuis encore plus longtemps, depuis jeudi dernier très exactement depuis la Martinique où j’avais ingurgité le matin entre chez  Blandy et Paulo, j’avais été au bord du canal vers 9 heures pour y prendre un « Ti nain la morue », (le ti nain la morue est composé de petites bananes, de morue, le tout servi avec du concombre, plus léger et plus goûteux mais plus cher qu’un macadam, riz collant à souhait et tenant à l’estomac mieux qu’un cataplasme), c’était à l’époque très courant pour un petit déjeuner créole ;  a ce moment là, j’avais encore l’espoir de récupérer Marianne assez vite (je n’avais pas encore la certitude que mon amie avait bien pris l’avion 8 jours plus tôt ) et j’avais encore un peu d’appétit.

 

           Vers 11 heures du matin je commençais à déambuler du coté de la rue de l’ouest et de Vercingétorix, non pas que je connaisse bien le quartier, mais je sais ou plutôt j’ai su que dans ce quartier là, une grande communauté d’Antillais résidait dans l’arrondissement. Vers midi, je commençais à me dire que j’avais bien fait de grignoter un morceau dans la matinée, car la seule méthode de rencontrer du monde, c’était encore de faire la tournée des bars au moment de l’apéro.

 

          La tactique porta ses fruits, sans poser aucune question à quiconque (toujours pour ne pas me faire repérer), vers 13 heures, dans un resto de la rue de l’ouest, assis près de l’entée,  se trouvait mon Yves qui apparemment, n’avait rien perdu de sa prestance et de son coup de fourchette.

 

          Il déjeunait seul, la salle était presque vide, je décidais de ne pas brusquer les choses et d’attendre sa sortie. Je m’installais dans un bar voisin avec vue sur son restaurant et patiemment j’attendis. 

 

          Vers 15 heures, mon ami sorti et cheminât en direction de la porte de Vanves.

 

          Je le rattrapais prudemment et arrivé à sa hauteur (j’avais choisi un moment ou les passants se faisaient rares, je lui glissais rapidement au passage.

 

          -Yves, tais-toi, fais comme si tu ne me connaissais pas, je suis dans la merde et j’ai besoin de toi !

 

          Il accusa le coup, puis tendit le bras en direction de Vanves et dit.

 

           -Continuez tout droit jusqu'au prochain carrefour et tournez à droite !

 

          Et plus bas, il ajoutât.

 

          -Prochain carrefour à droite le 1er bar sur ta gauche, tu vas aux toilettes !

 

           Je le remerciais et poursuivis ma route. Derrière, Yves traînait le pas pour me laisser prendre de l’avance.



29/10/2011
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