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Chapitre VI

           Arrivé au bar, je commandais une bière et je descendis aux toilettes.

 

           Quelques minutes plus tard, Yves était près de moi, il me donna une étreinte fraternelle, et sans perde de temps, je lui expliquais ce qui m’amenait à Paris et surtout ce que j’attendais de lui.

 

           --Ecoutes, ici ce n’est l’endroit idéal, remonte la rue Raymond Losserand, entre la rue de Plaisance et la rue Penety, il y a un petit bar restaurant sur la droite, tout en longueur, tu vas t’asseoir au fond de la salle, la lumière y est très tamisée et ce sera excellent !

 

            Je remontais en salle, finis ma consommation, paya et me mis en route vers le lieu indiqué.

 

            Une fois sur place, je m’installais au fond de la salle et il est vrai qu’on se trouvait assurément dans l’ombre.

 

            Yves tardait à arriver, ce qui me laissa le loisir de me familiariser avec les lieux. Il s’agissait un bar restaurant tout en longueur ne mesurant guère plus de deux mètres de large à l’entrée et un peu plus large à l’endroit ou je me trouvais sur huit à 10 mètres de long avec une partie restaurant dans la partie la plus large au fond. Apparemment ce bar  était tenu par un boxeur, des photos du patron tapissaient les murs et probablement, ce devait être un bon boxeur car de nombreuses coupes et titres ornaient l’arrière comptoir.

 

           Yves se pointa un bon quart d’heure plus tard et vint me rejoindre.

 

           --Bon, ici c’est mieux, il y a plein de monde et c’est plus facile de se planquer dans la foule, a contrario, lorsqu’il n’y a peu de monde, c’est plus difficile ! De plus, je ne fréquente pas cette partie du quartier et il devrait être moins risqué de tomber sur des gens que je connais !

 

           Je lui demandais s’il faisait toujours la route pour Hambourg, si oui, j’aurai voulu faire partie du voyage avec lui et qu’il me récupère pour le retour, me ramène à Paris en lui précisant qu’il y aurait une personne de plus pour le retour.

 

          --Ok, mais il te faudra attendre lundi soir, je ne travaille pas les dimanches soir et à voir ta tête, tu as besoin de repos sinon tu risques de tout foirer !

 

          --Et autre chose, dit-moi gros malin, comment comptes-tu entrer dans le pavillon, tu ne penses quand même pas qu’ils vont t’ouvrir les portes sans problème ?

 

           --Ben je ne sais pas trop, je pensais trouver une solution en route !

 

           --Et d’après toi, il y aurait 2 bergers allemands à l’intérieur de l’enclos !

 

           --Oh ce n’est pas d’après moi, mais d’après le Marseillais !

 

           --Bon, pour les chiens, je crois avoir ce qu’il faut, je l’aurai pour demain, des boulettes devraient faire l’affaire ! Et Yves de surenchérir.

 

           --Et après ?

 

           --Tu connais la rue Karolinestrass ?               

 

           --Vaguement, c’est une rue où il y a que des français. Les commerces sont Français, les bars sont Français, toute la rue parle Français, au début que je faisais ma tournée, je m’étais paumé et je crois bien que c’est la rue en question ; si c’est bien ça, elle est à 5 minutes du dépôt où je dois livrer !

 

            Je reprenais la parole pour lui demander.

 

            --Et il te faut combien de temps pour déposer ton chargement ?

 

           --Entre dix minutes et un quart d’heure, tout dépend du nombre qu’on est pour décharger !

 

           --Ok, c’est jouable, tu passes avant d’arriver par Karolinestrass, je balance les boulettes par-dessus le mur et on s’arrache ! En gros, une demi-heure plus tard, on peut être de retour, tu me largues sur place, les chiens seront endormis, et il ne me faut guère plus d’une demie heure pour intervenir !

 

           --« Eh ti mâl, ou pa bien, ou malade ? » ! (Eh, mon p’tit vieux, t’es pas bien, t’es malade ?

 

           --Tu crois peut-être que je vais te laisser y aller seul, t’es vraiment pas bien !

 

           --Bon, en attendant vérifies tout ça sur ton plan et on se retrouve demain, et au fait, t’as des coutelas, car là, je suis à poil !

 

           -- Ca ce n’est pas un problème, j’ai tout ce qu’il faut !

 

           Bon, demain 18 heures 30 au feu plus haut près du métro, tiens-toi sur le trottoir de droite près du bar qui fait l’angle de la rue Pernety et Losserand, je te prends au passage, trouves-toi un hôtel dans le coin, ils ne sont pas chers et reposes-toi bien tu en auras besoin.

 

           Vers 10 heures, nous approchions de Montigny-Lès-Metz, Yves avait roulé le pied au plancher (à cette époque, les excès de vitesses n’existaient pas), et nous avions fait pas loin de 400 kilomètre sur la N 3 et il était temps de refaire le plein.

 

           --Nous nous arrêterons à Montigny pour le plein, as-tu réfléchi à la manière d’entrer ?

     

           --Plus ou moins, si tu te gares sur le trottoir près du mur, en montant sur ton bahut, je devrais pouvoir passer par-dessus, je crois me souvenir que Fred m’a parlé d’un mur de 3 à 4 mètres. Ton fourgon doit faire 1 mètre 96 de haut soit quasiment  2 mètres, il me restera à tout casser 2 mètres à 2 mètres cinquante, je devrais passer, j’ai fais pire quand j’ai passé mon peloton de sous-off ! Et au pire, tu me fileras un coup de main !

 

           --Ne te casses pas la tête pour ça, j’ai mieux en magasin, tu verras !

        

           Décidément, Yves s’avérait d’une aide précieuse.

 

           --Ah autre chose, pour la frontière, je ne suis pas en règle, dans l’urgence et de plus nous autres les bidasses, on n’a pas vraiment le droit de sortir du territoire français !

 

           Pour la Martinique, il n’y avait pas de problème vue que ma carte d’identité est de Fdf, mais pour l’Allemagne il nous fallait un passeport avec visa.

 

          --« Pani problème frère »,  (pas de problème mon vieux), là aussi, j’ai une combine, tout comme pour faire le plein, je passe la frontière de la même façon, on m’ouvre les portes toutes grandes.

 

           Effectivement, à Montigny-lès-Metz, le plein dura à peine 5 minutes, Yves ne descendit même pas du camion et donna juste une simple signature et repartit aussi vite qu’on était arrivé, je n’ai eu juste qu’à m’accroupir pour éviter que le pompiste m’aperçoive.

 

          --Et à la douane, c’est pareil ?

 

          Yves rigola et répondit.

 

          --Non, c’est pire, douane et poste de police, je ne m’arrête même pas et en plus, ils préparent mon arrivée et s’assurent que j’ai une voie de libre pour m’éviter de perdre du temps.

 

           --Elle est belle la France, n’importe qui peut passer la frontière sans problème alors ?

 

           --Mais il est presque 10 heures, et t’es sûr d’être pour 2 heures du matin à Hambourg ?

 

           --Bientôt, nous serons en Allemagne, là-bas, on roulera bien mieux, c’est tout de l’autoroute, on va presque 2 fois plus vite. En France, la moyenne est de 90 et encore parce que j’ai des laissez-passer sinon ce serait à peine 80, mais en Allemagne, j’ai une moyenne de presque 130/140, vue que je roule à fond sur l’autoroute.  

 

          --Tu parles d’un boulot, et tu fais ça tous les jours ?

 

          --Oui tous les jours que Dieu fait sauf le week-end, du lundi au vendredi. Je pars tous les soirs un peu avant 19 heures et je suis de retour chaque matin vers 9 ou 10 heures c’est réglé comme du papier à musique !

 

           --T’es bien payé, j’espère ?

            

           --Je gagne suffisamment bien ma vie et en plus j’arrive à payer mon fourgon.

 

          --Mais je fais plus de 400 000 km par an et je dois l’amortir (le camion) dans l’année pour m’en sortir. Mais si Dieu veut et si mon bahut tient le coût, je pourrai le revendre (toujours le camion) au bout d’un an, en lui trafiquant un peu le compteur de moitié, je pourrai encore le vendre un bon prix, un diesel à 300 000 km c’est une affaire !

 

           --Je l’ai acheté d’occase à un pote qui à fait faillite et il a très peu roulé et uniquement sur Paris. Il me l’a laissé pour 75 000 francs à condition que je lui refile de temps à autre le week-end, sinon, j’en avais pour le double !

 

           --Ca fait maintenant plus de six mois que je l’ai, et pas un seul pépin, avant, j’avais une estafette, je ne te raconte pas la galère !

 

           --Et puis, y a des compensations, il m’arrive très souvent de revenir chargé, et ça paye bien les retours chargés !

 

           --Chargé,…………. de la drogue ?

 

           -- Et pâ, ou malade frère, ça va pas non, j’ai jamais touché à cette merde !

 

           --Non, quand je dis chargé, c’est à plein d’une façon légale ! Je suis en cheville avec un transporteur de Villejuif et quand il a de petits chargements Allemagne/France, et que ça passe dans mon bahut, cela lui évite de détourner ses camions dans le nord pour une merde de 3 ou 4 mètres cubes ! Il m’arrive parfois de prendre des chargements plus importants mais qui ne sont pas pressés et dans ce cas, je le fais en 3 ou 4 fois quand on peut les déconditionner !

 

           On continua notre route sans trop parler, ne pensant qu’à ce que nous devions faire une fois sur place.

 

           Et effectivement, comme il l’avait dit, nous étions sur place un peu avant 2 heures du matin.

 



30/10/2011
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