karfa93

karfa93

Chapitre VIII

          J’étais revenu à Bayonne pour le soir vers 19 heures, et de plus, comme je l’avais prévu, quelques heures de plus et j’étais considéré comme déserteur. J’eus droit à un séjour en cellule pour mon retard, lorsque l’adjudant de service m’en informa, je n’eu aucune réaction, J’aurai presque réussi à sourire si mes dernières 24 heures n’avaient pas été si mouvementées.

 

           Je restais en taule sans dire un seul mot, je crois bien que je n’ai pas ouvert la bouche une seule fois durant le temps de ma détention, ne répondant même pas au planton qui m’apportait à manger, mangeant un minimum refusant même de sortir durant l’heure qui m’était accordée pour aller faire ma toilette.

 

           Au bout de 8 jours, un planton m’ordonna de le suivre et m’emmena chez le colonel.

 

           Arrivé au bureau, l’officier ordonna qu’on le laisse seul avec moi.

 

           A peine sommes-nous seuls qu’il m’apostropha.

 

           --Sergent, j’ignore ce qui se passe mais il y a quelque chose que je ne comprends pas !

 

           --Les quinze jours d’arrêt que vous avez écopés sont purement administratifs et vous le savez bien, vous êtes en plus en tant que sous officiers, tenu au respect du règlement mieux que personne. Cependant les rapports sur votre comportement qui remontent à mon bureau, me laissent à supposer que la raison de votre retard semble vous préoccuper au point que votre conduite est  incompréhensible pour un simple manquement au règlement !

 

          --Vous refusez de vous alimenter et je ne parlerai même pas de votre hygiène et de votre tenue. Par l’odeur, vous tenez plus du putois que du militaire. Vous n’êtes plus digne de porter cet uniforme !

 

          --Bon sang, Simonet (mon nom de famille, aussi faux d’ailleurs que le reste des patronymes utilisés dans ce récit), bon sang Simonet que vous arrive-t-il, vous partez huit jours et à votre retour, vous revenez vous et ressemblez à un zombi, Qu’a t-il bien pu vous arriver pour vous mettre dans cet état là ? Des problèmes avec votre famille ?

 

          --A cet instant, je savais que le colon utilisait un ton plus paternaliste que militaire, mais je ne pouvais quand même pas lui expliquer dans le détail ma randonnée.

 

           --Excusez-moi mon colonel, des problèmes avec ma mère, mais je vous promets que je vais reprendre le dessus !

 

          --Je ne comprends pas, c’est le renouvellement de votre engagement qui a motivé la réaction de votre mère ?

 

           --Non mon colonel, mon renouvellement, elle serait plutôt fière, mais c’est quand elle a appris mon engagement dans les opérations spéciales et elle m’a reproché d’avoir accepté sans lui en avoir parlé au préalable !

 

           --Ecoutez Simonet, vous semblez très affecté par le différent qui vous oppose à votre mère et comme il ne vous reste aucun jour à prendre et je ne peux vous relâcher pour l’instant, cependant, voulez-vous que je vous affecte quelques temps à Bayonne avant de vous renvoyer en opérations. Vous aurez ainsi tout le loisir de correspondre avec votre mère pour la rassurer ?

 

           --En raison de vos états de service passés, je vous relève du restant des jours qui vous reste à faire, mais faites-moi le plaisir de vous doucher et de vous changer sur le champ et tachez de remonter la pente, je veux vous voir au rapport dès demain matin en bien meilleures dispositions ! Allez rompez et n’oubliez pas de changer de comportement.

 

          Je pris congé du colonel tout en songeant que c’était lui qui avait raison, ou bien j’avais assez de couilles pour me faire sauter le caisson ou bien je tournais la page et l’armée était là pour m’aider à oublier.

 

           Je décidais donc d’obtempérer et dans les jours qui suivirent, mon entourage a pu suivre les étapes de ma résurrection.

 

           J’avais envisagé de rester sur les conseilles du colon un bon trimestre avant de repartir en opération. Durant tout ce temps, j’avais des nouvelles par ma mère de la suite donnée par la police sur la disparition de Marianne. Elle m’expliqua que les gendarmes étaient venus la voir pour la questionner, qu’ils étaient passés chez Beuz et Blandy et l’enquête suivait son cours et depuis le passage des flics, elle n’avait plus aucune info concernant cette disparition.

 

          Mais environ un mois ½  après mon retour à Bayonne, nous étions fin mai et à 3 mois de la fête de Bazeilles le colonel me fit demander.

 

           Je pensais qu’il s’agissait de me reparler de ma réaffectation au sein des unités spéciales, mais je compris instantanément mon erreur lorsque, en pénétrant dans son bureau, j’aperçus 2 gendarmes qui attendaient.

 

           --Sergent, ces messieurs (bien que militaires, les gendarmes n’avaient pas vraiment la cote dans l’armée et le simple fait de les appeler messieurs les rangeaient dans la catégorie des civils), ces messieurs sont venus vous chercher pour vous emmener à Marseille ou vous serez entendu comme témoin dans une affaire de disparition et de meurtre !

 

          --Avez-vous quelque chose à dire à propos de cette réquisition ? Sa question était plus rhétorique que réelle, car il ne pouvait se soustraire à l’autorité judiciaire, il pouvait tout au plus, si j’étais inculpé, éventuellement  me faire assister par un avocat militaire.

 

           Mais ma décision était prise depuis longtemps, j’avais eu le temps de réfléchir durant la période qui a suivie mon retour. Si pour quelques raisons mon affaire venait à se connaitre, je ne me déroberai pas et j’affronterai le tribunal. Je ne me berçais pas d’illusions, si Marseille me réclamait, ce n’était pas une enquête diligentée par la Martinique suite à la disparition de Marianne, car à ce moment j’aurai été entendu à Bayonne même, si c’était Marseille qui me réclamait, c’était plus grave, cela ne pouvait être qu’en rapport direct avec la disparition de Fred. Mais dans ce cas, pourquoi me parlait-on de meurtre, avait-on retrouvé le corps, impossible, complètement impossible, là ou il se trouvait, je défiais quiconque de le retrouver.

 

          Les flics semblaient me mettre sur le dos la responsabilité de la disparition de Fred, un des barmans avait dû me mettre en cause. Mais, ils ne pouvaient difficilement m’accuser ouvertement de quelques délits que ce soit, car je les mettais au défi de retrouver le corps ; et en France, pas de corps pas de crime et là où était le corps, ils ne risquaient pas de mettre la main dessus, coulé le lendemain dans le coffrage des fondations d’un immeuble.

 

           --Non mon colonel, je vous remercie, je ne souhaite pas me soustraire à l’assignation des autorités civiles et avec votre permission, j’accepte de me présenter à leur convocation.

 

           Dans la Citroën ID19 break qui nous emmenait sur Marseille, les deux gendarmes furent muets comme des carpes. Je n’ai pas trop essayé de leur soutirer les vers du nez, afin d’éviter de donner l’alerte aux deux fonctionnaires.

 

           Mais en arrivant sur place, la simple convocation se transforma en une mise en garde à vue pour crimes multiples avec préméditation à l’encontre de quatre citoyens allemands et trois kurdes de Hambourg, ainsi que la présomption de kidnapping et de meurtre sur un ressortissant français de Marseille. Je fus de suite questionné par les enquêteurs locaux qui m’entreprirent sur l’affaire Marseillaise, étant entendu qu’il n’y avait aucun doute possible sur mon implication des meurtres d’Hambourg dans la mesure où j’aurai été officiellement reconnu par un témoin.

 

           Je pris le parti de me taire dans un 1er temps afin de savoir s’ils étaient remontés jusqu'à Yves et prouvé sa participation ou s’ils ignoraient son concours à cette affaire. Pourquoi trinquerait-il alors qu’il n’a été que spectateur dans cette affaire, tout comme les filles que nous avions tirées de ce guêpier, il n’avait pas prévu ma réaction,  personne d’ailleurs n’aurait pu la prévoir. La seule faute dont il était vraiment coupable était de n’avoir rien dit à la police.

 

           Comme ils n’avaient rien contre moi pour la disparition de Fred, la seule façon qu’ils avaient à leur disposition pour me voir craquer était de m’abattre moralement sur l’affaire d’Allemagne et espérer ainsi obtenir ma confession sur le meurtre de Fred.

 

           Aussi, ils arrivèrent donc à me donner plus de détails sur l’affaire d’Hambourg. Une de mes victimes n’était parait-il pas morte de suite lors de mon intervention, mais 8 jours plus tard et avait eu le temps de renseigner la police allemande et un portrait robot avait été dressé avant le décès de la personne. Ensuite, ils ont retrouvé les photos au Polaroïd que j’avais eu le tort de laisser sur place. Et comme la police allemande était loin d’être idiote à l’époque, ils ont reconstitué aussi en portrait robot le vissage de Marianne. Ils ont vite compris l’origine métisse de la fille sur la photo et après avoir diffusé les deux portraits robot à Interpol, ils ont attendu le résultat de leur recherche. L’information est dans un 1er temps restée rue Armengaud à St Cloud, en région parisienne et ensuite retransmise à chaque bureau de police de France et des DOM-TOM, (départements et territoires d’outre-mer).

 

          Ensuite l’information est remontée de Martinique, où la recherche de personnes dans l’intérêt des familles avait été diligentée où l’on a formellement reconnu Marianne et moi par la même occasion. Un mois plus tard, la police allemande était en possession de leur coupable, et pour eux, l’enquête était finie, comme la France n’extradait pas leurs concitoyens, ils transmirent le dossier toujours via  Interpol et cette dernière n’était pas sans ignorer (grâce aux documents de leurs collègues allemands) que les meurtres avaient été perpétrés dans une maison de « dressage de prostituées » fréquentée par le milieu marseillais. Comme à l’époque, il existait pas mal de liens entre la police locale et la voyoucratie (des indics comme ils disaient, indispensables pour bien travailler), les truands phocéens n’ont eu aucun mal à faire un lien entre la disparition de leur collègue et la tuerie d’Hambourg. La police locale non plus d’ailleurs  et c’est ainsi que je me suis retrouvé « enchristé » aux Baumettes à Marseille.

 

           Je n’ai nullement cherché à nier les faits d’Hambourg, j’ai reconnu les crimes d’Allemagne comme étant les miens, mais refusé obstinément de livrer le nom de mon complice, la pègre locale n’avait pas du tout apprécié mon intervention dans leur affaire et le seul fait qu’il restait un complice dans la nature et que la disparition de Fred n’était toujours expliquée, sans pouvoir m’incriminer, (pas de cadavre pas de crime) la pilule leur est passé à travers la gorge et ils ont fait le maximum (toujours pour l’exemple, comme pour Marianne) pour déchaîner la presse, l’opinion publique, la magistrature et les jurés contre moi, le boucher d’Hambourg et c’est ainsi que ce 04 décembre 1974, je fus condamné à mort.

 

           Au cours de mon procès, pas une seule fois, les termes de prostitution, prostituée, maison de dressage, proxénétisme n’ont été prononcés, à croire que j’ai massacré sept honnêtes commerçants. Pour certains à les entendre, Marianne serait partie de son plein gré rejoindre ce cartel, attirée par l’appât du gain et que moi, n’ayant pu l’accepter, je me serai vengé. D’autres ont même émis l’hypothèse que ce serait moi qui l’aurais mise dans cette maison pour mon propre compte et que j’aurai eu un différent avec le reste de mes complices.

 

           Quoi qu’il en soit, ce lundi 21 octobre 1977 à 6 heures 15 du matin, j’étais prêt dans la cour des Beaumettes attendant 6 heure 30 pour y être raccourci.



01/11/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 13 autres membres