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L'Olympe

L’Olympe

 

 

          Avec l’aide de Nora, elle-même conseillée par son nouvel ami, avec lequel elle partageait son espace vital, elle m’expliqua, non pas comment se servir de leur appareil à enseignement numéral, pour cela, il suffisait de s’allonger sur son matelas anti-grav et de le commander par la pensée, non, mais plutôt comment naviguer dans les arcannes des conservateurs terriens. Il fallait numériser les grandes étapes à explorer, les temps d’enseignement étaient calculés directement par la machine, de telle manière à ne pas dépasser trois heures d’hypno-enseignement par nuit de huit heures, cinq heures minimum étant indispensable pour un juste repos.

 

           Et il ne restait plus qu’à s’endormir, état qui était facilité par la machine elle-même.

 

           Dès le lendemain, au réveil, j’étais incollable sur le parcours effectué par ces terriens primordiaux.

 

          Tout d’abord, la cause qui rend cette zone galactique si différente du restant de la Voie Lactée, la spécificité de ce système, c’est qu’elle accomplit son tour sur son aire de rotation galactique par vagues successives ascendantes et descendantes sur le plan galactique, un peu à la manière de certains manèges d’autrefois, traversant le bras galactique avec une régularité de 30 millions d’années, cela fait que cette dernière ne suit pas la même temporalité que le restant du bras et son écoulement temporel est de 3,75 fois moins vite que le reste de la nébuleuse. Mis à part le moment où le système traverse le bras, et dans ce cas, les habitants de la terre vivent dans le même espace/temps que le restant de la nébuleuse, en dehors de ces moments-là, ils sont plongés en temps négatif.

 

          C’est cette particularité qui a isolé et rendu invisible le système planétaire de la Terre, ils ont dès le début de la colonisation spatiale été isolés dans leurs communications avec les galaxies voisines et c’est ainsi que le système n’est « visible » que lorsque l’on se rapproche de sa zone d’influence temporelle.

 

          Il n’est pas à proprement parlé invisible, mais, il n’y a aucune raison de le chercher  « EN DEHORS » du bras, c’est pour cette cause que Nora a bien failli le rater.

 

          Au le début de l’ère spatial, les Terriens s’apercevant qu’ils ne communiquaient plus, passée une certaine distance avec leurs navires,  ont tout d’abord cru que les vaisseaux qu’ils envoyaient à l’assaut de la nébuleuse, périssaient corps et bien. Quant aux nefs, n’ayant plus de nouvelles de la Terre, ils pensaient que leurs appareils intercoms étaient défectueux.

 

          Par le fait, la communication passait bien mais la réception des messages provenant de la Terre à destination des vaisseaux était ralentie de 3,75 fois lorsqu’ils arrivaient à bord, et inversement, les messages reçus par la Terre en provenance des vaisseaux étaient accélérés de la même valeur 3,75 fois.

 

           Les occupants des nefs, par manque de techniciens compétents à bord, n’ont jamais résolu le problème, alors que sur Terre, une génération plus tard, ils avaient  solutionné l’obstacle.

 

           Cependant, une génération pour les habitants de la Terre, soit environ 30 ans, cela représentait 3,75 fois 30 ans de plus pour les colons, c’est-à-dire un peu plus de 112 ans et lorsque les Terriens rétablirent les communications avec leurs exilés, ils tombèrent en pleine guerre spatiale, les Terriens se battaient entre eux à l’intérieur du bras galactique.

 

          Les Terriens sédentaires, échaudés par de longues années de lutte quelques 200 ans plus tôt, durant la période nucléaire où ils ont bien failli se faire sauter eux-mêmes, ont prudemment rompu leurs relations avec leurs compatriotes. Et ils ont eu l’idée du siècle, du millénaire devrais-je dire, ils n’ont jamais expliqué à leurs expatriés le pourquoi et le comment de leurs isolements et de toutes les façons, les colons étaient beaucoup trop occupés à se battre, qu’ils n’ont jamais eu le temps d’essayer de percer ce mystère et aux fils des siècles qu’ont duré leurs querelles, ils finissent par complètement oublier les coordonnées de la Terre et par la suite, n’ont jamais tenté de reprendre contact avec leur pays d’origine.

 

           Les Terriens sédentaires abhorrant toute forme de violence, ont petit à petit modifié leur comportement entre eux, et par la suite avec le restant des habitants de leur planète, les animaux pour ne pas les nommer, ils sont petit à petit devenus végétariens.

 

          Mais avant d’en arriver là, la Terre ne pouvant plus contenter la gloutonnerie énergétique de ses habitants avait cessée de fournir ces derniers en matières premières, bon gré mal gré, les habitants apprirent, aux fils des ans, à recycler leurs déchets, au point où ils en sont arrivés à recycler 100 % de leurs résidus. Ils ont réussi à mettre au point ce que la nature faisait depuis des milliards d’années, le recyclage intégral de leurs appétits, le vieux rêve de l’humanité,  rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, prenait enfin corps.

 

          A vrai dire, ils en connaissaient le secret depuis le début de l’ère spatiale, un vaisseau spatial recycle 100 %  de ses déchets, sinon, il ne pourrait pas emmener des ressources suffisantes pour la durée de son voyage, ils ne leur restaient qu’à le mettre en pratique sur Terre, mais avant d’en arriver là, les intérêts des grosses firmes passaient en priorité au mépris total des exigences de la nature et des masses populaires bien plus raisonnables qu’eux.

 

          Ils en sont donc venus à recycler, devenant végétariens et rendant peu à peu la nature à la nature sans plus chercher à l’exploiter et ont recommencé à pactiser avec la faune, comme le racontaient, certaines vieilles légendes.

 

          Ils ont construit des fermes citadines, des immeubles de 500 mètres de haut, sur 500 mètres au carré, en sous-sol, les unités de productions alimentaires, les unités permettant la maintenance, ventilation, chauffage, climatisation, distribution d’eau chaude et froide dans les étages. Au RDC se trouvait tous les commerces, ensuite venait une dizaine d’étages à usage de bureau, il existait encore quelques services bureautiques, et ensuite venait les étages d’habitations. En terrasse, vivaient quelques animaux domestiques. La terrasse entièrement herbée, non seulement  servait de pâture aux animaux mais était conçue  aussi pour récupérer les eaux de pluie. L’énergie utilisée étant de l’énergie noire ne risquait pas de faire défaut.

 

          Les eaux usées, de consommation, de ruissellement, même les urines étaient récupérées en période de sécheresse, filtrées et redistribuées, en période de pluie, d’immenses réservoirs recevaient ces excédants d’eau, si bien que plus jamais, les hommes ne manquèrent d’eau.

 

          La consommation de viande ayant disparue, la nécessité d’élever des bêtes pour la boucherie n’était plus indispensable, cela permit de récupérer une partie de la surface au sol pour répartir équitablement les surfaces agraires, 5 % seulement des terres sont nécessaires pour nourrir le milliard et demi de l’humanité.

 

          Le reste, hormis la place récupérée pour bâtir de quoi loger cette même humanité, est réservé à la faune sauvage. L’agriculture et les endroits de villégiatures sont concentrés dans les parties tempérées tandis que, les animaux, eux se répartissent dans toutes les zones du globe, bien que la faune polaire et équatoriale  soit très réduite, suite aux mauvais traitements que les hommes leur avaient fait subir, le repeuplement naturel, prenant du temps.

 

           Il a fallu presque 150 ans pour réparer les dégâts causés par l’imperméabilité des sols, durant la période de l’ère spatial, l’imperméabilité des sols avait atteint un pourcentage record, entraînant des catastrophes naturelles de tous genres, inondations entre autre, ainsi que le transfert des sédiments vers les cours d’eau, appauvrissant au passage les surfaces des sols traversés, sans compter les dégâts occasionnés par le déferlement de ces boues dans les secteurs urbanisés, concentrant par la même occasion, engrais azotés, phosphatés, hydrocarbures, métaux lourds, produits phytosanitaires, saturant d’autres endroits, terres, cours d’eau ou nappes phréatiques.

 

          L’imperméabilité des sols entraîne par la même occasion, par la destruction d’espaces boisés et le fort ruissellement  qu’elle provoque, le déstockage intensif du carbone responsable du réchauffement climatique, sans parler des dommages irréversibles causés sur la biodiversité.

 

          Mais grâce à la volonté des hommes de la période post-spatiale et surtout à leur détermination à reprendre leur destin en main, la nature petit à petit  a repris ses droits, la faune est revenue peu à peu peuplée, ce que lui avait été dérobé.

 

          Mais l’homme n’y a pas perdu au change, bien au contraire, il a, lui aussi retrouvé la place qui était la sienne au sein de cette nature. Moins de pollution des rivières, des fleuves, des océans ont permis aux poissons de revenir vivre dans ces eaux qui leur avaient été spoliées, détournées, empoisonnées. Les mers ainsi épurées, ne transportaient plus à leur surface des quantités industrielles de plastique en tous genres, ces pièges à tortues flottants. Les espèces en voie de disparition ne se comptaient plus que sur les doigts de la main, le nombre de leurs ressortissants augmentait d’année en année. Pour les espèces les plus menacées, les zoologues ont dû utiliser la technique du clonage pour éviter de les voir s’éteindre à jamais.

 

          Actuellement, les choses rentraient  peu à peu dans l’ordre, mais comme la bonne santé animale dépend avant tout de son environnement, il fallait donc compter encore quelques siècles pour que les Terriens arrivent à ces fins, leurs erreurs étant sur le point d’être réparées.

 

           Le lendemain, de bonne heure, je fus réveillé par Nora, qui me prévenait que Kervial et les autres membres du groupe de la veille ne pourraient pas me servir de mentors pour la journée, les impondérables de leurs charges paraît-il, et ils me dépêchèrent Deborah,  la fille de Kervial, pour m’escorter, car, bien qu’ils étaient maintenant sûr de mes intentions, cette Terre m’était totalement inconnue et j’étais bien loin de pouvoir me débrouiller seul. La tradition, voulait que les rares visiteurs soient accompagnés lors de leur séjour par une des personne du directoire et Deborah s’était portée volontaire pour remplir cette responsabilité.

 

          Je ne me hâtais donc afin de ne point la faire attendre en avalant mon petit-déj en quatrième vitesse et prévenais Nora que j’étais prêt à la recevoir.

 

           A peine cinq minutes plus tard, Deborah frappait à ma porte ; un petit détail, les sonnettes, les timbres et les carillons de portes de toutes sortes n’existaient pas, il suffisait de le déclarer à l’ordinateur central et la personne chez qui vous vous rendiez était prévenue instantanément, cependant, il n’y avait pas de communicateur en dehors des immeubles et de plus, je n’ai jamais vu aucun téléphone portable et rien qui de près comme de loin pouvait remplir ce rôle. Il me faudra éclaircir ce mystère.

 

           -- Bonjour, Derek, tu es prêt, je connais un endroit magnifique pour prendre un excellent petit-déj ?

 

           Là, c’était la tuile, comment lui expliquer que je m’étais déjà restauré ce matin ; comme dab, Nora m’avait préparé une solide collation et je comprends maintenant pourquoi elle avait insisté pour que je ne parte pas le ventre vide, elle était sûrement au courant par son nouveau pote, l’ordinateur terrien , avec lequel elle partageait, non pas sa couche mais son espace vital, son colocataire en quelque sorte, je vais être obligé de m’en ingurgiter un autre pour ne pas paraître trop mufle, juré, elle va me le payer. Elle serait un peu jalouse que cela ne m’étonnerait pas, va savoir avec ces nouveaux ordinateurs, déjà qu’elle m’avait fait tout un speech sur sa zone centrale biotronique, son fameux centre des émotions.

 

           -- Voilà, voilà, j’arrive, je suis prêt !

 

           Tout en maugréant contre Nora, je sortis de mes appartements en réalisant subitement que Deborah  venait de me tutoyer,  il y avait  une  certaine notion de la convivialité plutôt rapide ici, qui, je dois bien le reconnaître, me prenait un peu de court, mais honnêtement, cela n’était pas fait pour me déplaire, décidément, cette planète me réservait bien des surprises

 

           Contrairement à la veille où elle était habillée d’une jupe longue terminée par des lanières de cuir tombant sur les chevilles et un juste au corps assorti à la jupe, les manches garnies des mêmes lanières que la jupe, partant du poignet et remontant  à l’épaule en passant par l’arête du coude,  aujourd’hui, elle revêtait une jupe plus courte à mi-mollets qui semblait être de coton, un bustier de coton, ressemblant à celui de la veille mais sans les lanières, recouvert d’une veste entrouverte sans manche. Des mocassins en guise de souliers, comme la veille mais d’un autre coloris.

 

           -- Pardonnes-moi, il est peut-être trop tôt pour toi, tu es sans doute habitué à un autre rythme de vie !

 

          -- Heu, non pas vraiment, non, non c’est parfait pour moi, où allons-nous exactement ce matin ?

 

           Deborah ne répondit pas de suite, et paraissait  beaucoup s’amuser de ma gêne.

 

           -- On a le choix, forêt, mer, lac ou montagne ?

 

           Me remémorant brièvement la journée d’hier, un léger frisson me parcourra l’échine, de bas en haut et je te pris de croire que ce n’était pas la silhouette de mon guide qui en était la responsable.

 

           -- Pourquoi pas la montagne dis-je et où exactement ?

 

           -- Quand je dis montagne, je devrais plutôt dire moyenne montagne, sur un volcan, ça te va ?

 

           -- Sur un volcan, t’es sûr, les émotions d’hier m’ont suffit, tu es certaine que c’est bien raisonnable ?

 

          -- Pas de problème, il n’y a aucun risque.

 

           C’est en refermant ma porte que je me rendis compte que je n’avais pas de clef et le fis remarquer à Deb (Deborah, ici, les prénoms semblaient tous tronqués sur cette planète).

 

           -- Au fait, je n’ai rien pour fermer l’appartement, comment fait-on ?

 

           -- Mon cher Derek, le dernier vol remonte à plus de 350 ans, ce serait pas de bol, que cette période d’accalmie s’arrête juste aujourd’hui, non, sérieux, ne t’inquiètes pas, non seulement, il n’y a plus de vol, mais en plus, l’ordinateur veille, quiconque essayant d’entrer ici sans avoir ton empreinte cérébrale, se verrait refuser l’accès.

 

           -- Alors, tu m’as dis volcan… tu verras, ça vaut le détour !

 

           Nous étions encore dans le couloir que je ressentis les picotements révélateurs de la dématérialisation de la téléportation.

 

           Instantanément, nous nous retrouvons dans une immense prairie entourée de montagnes, où paissait un troupeau de bisons.

 

           -- Nous voici sur le continent américain, dans le Yellowstone, un super- volcan dort caché en sous-sol de cet endroit, il s’étale sur plus de 8 000 kilomètres carrés, il est toujours actif et c’est grâce à cette activité du sous-sol, que la diversité de la flore et de la faune, en toutes saisons, est si dense. 

 

           -- Et ce n’est pas dangereux de se balader sur cette cocotte minute en puissance ?

 

           -- Non plus maintenant, le Yellowstone est un des rares endroits où nous intervenons pour contrôler la nature, sans cela, une explosion de ce volcan serait la destruction totale de la planète, aussi, pour simplifier, nous avons installé une soupape de sécurité, qui dès que la poussée de la lave en sous-sol devient trop forte, un clapet s’ouvre, laissant passer l’excédent de pression, nous régulons ainsi les impulsions de ce super volcan, nous ne pouvons prendre le risque de le voir exploser car bien que nous pourrions prévoir ce type d’incident plusieurs jours à l’avance, nous aurions tout juste le temps d’évacuer les personnes qui vivent sur Terre. 

 

           La plaine s’étendait sur plusieurs kilomètres, et les bisons qui pâturaient se comptaient par dizaines de millier.

 

            -- Nous avons réussi leur réimplantation, ils avaient presque disparu il y a 1 000 ans et il a fallu se battre pour convaincre le gouvernement de l’époque de les réintroduire. Les lobbys d’éleveurs de bovins bataillaient sec et préféraient leurs activités lucratives de commerce de viande à la sauvegarde de cette espèce. Le plus dur, a été lors de la réintroduction de loups dans la même région. De véritables luttes rangées entre antagonistes s’engagèrent dans tout le pays, cependant, quelques années plus tard, les détracteurs de la réintroduction des loups, se sont rendus à l’évidence, les troupeaux qui, au début,  avaient du mal à s’implanter, se développèrent plus rapidement ; les loups, avaient  joué un rôle de régulateur, prélevant les bêtes les plus faibles ou malades et avaient ainsi renforcé les troupeaux, et la race s’en trouva régénérée !

 

           -- Nous avons réellement réussi lorsque nous sommes devenus végétariens, les conflits s’estompèrent et tout le monde y trouva son compte ; depuis, les troupeaux n’ont cessé de prospérer !

 

           Je regardais ces bêtes puissantes  vaquer ça et là, à leurs occupations ; petit à petit, quelques bêtes se détachèrent du groupe et se dirigèrent vers nous.

 

           Je regardais Deb du coin de l’œil, quelque peu inquiet. Elle me sourit, et ajouta.

 

           -- Il faudra t’y faire, si tu veux rester quelques temps sur cette planète, les animaux quels qu’ils soient, ne nous veulent aucun mal, c’est plus par curiosité qu’ils viennent vers nous, mis à part les félins, comme hier, eux, ils ont un tempérament de joueur et c’est uniquement pour se divertir qu’ils viennent nous aborder !

 

          -- Il te faut rester calme, et essayer de ne pas avoir peur, les animaux sauvages sentent la crainte des humains et dans ce cas, non qu’ils te prennent pour un quelconque repas, mais pour profiter de ta faiblesse et t’imposer leur supériorité ; mais il ne faut pas non plus exprimer de la colère ou de la violence, car dans ce cas, ils prennent cela pour un défi et eux, non aucun mal à le relever !

 

          -- Ils ne sont plus chassés depuis un millénaire et leur crainte de l’homme a disparu, ils n’ont, pour nous que de la curiosité. Notre nombre aussi les rassure, et bien qu’ils nous connaissent, si l’on se présente devant eux en très grand nombre, leurs appréhensions reviendraient et nous ne pourrions plus prévoir leurs réactions !

 

           -- Ton attitude parle pour toi, si tu les défies du regard, ils te chargeront, si tu veux les regarder dans les yeux, il te faut te baisser à leur hauteur, ce simple geste les rassure et si en plus tu chantonnes, ils sont complètement détendus !

 

           -- Nous avons remarqué que tous les animaux sont sensibles aux harmoniques, ils ne retiennent de notre voix que le ton sur lequel tu t’adresses à eux, as-tu déjà fait l’expérience d’appeler un animal domestique en lui criant dessus du style « viens ici, tout de suite » et ceci sur un ton violent, l’animal ne viendra jamais à toi ?

 

           -- Si par contre, tu lui dis sur un ton doux « va t’en, va t’en », tu peux être sûr qu’il sera sur tes genoux dans la minute qui suit !  

 

           Entre temps, les bêtes s’étaient rapprochées à les toucher et c’est d’ailleurs ce que fit Deb ; gagnée par sa témérité, j’en fis autant et je m’enhardis en caressant un grand mâle, d’au moins 1 mètre 10 à 1 mètre 20 au garrot. Je pouvais sentir toute la puissance de l’animal sous ma main, son cuir chaud sous ma paume, émanait une force considérable, frémissait à mon contact. Son œil rond me regardait et j’ai cru y voir une lueur de surprise ou de reconnaissance, je ne sais et j’avais vraiment l’impression qu’il appréciait ma caresse.

 

          Soudain, il releva son crâne, humât l’air, tourna la tête de part et d’autre, son regard allant du troupeau à l’orée d’un bouquet d’arbres sur sa droite à une cinquantaine de mètres et brusquement s’élança en direction du reste de la troupe.

 

          Deb tourna elle aussi vivement la tête vers le bosquet et me dit.

 

          -- Ne bouge surtout pas Derek, tu vas assister une chose que tu n’as certainement jamais vu de ton existence et rappelle-toi de ne jamais montrer ta peur tu ne risques rien !

 

           Pendant qu’elle disait ça, elle me prit la main et me montra la futaie proche, entre temps, une meute d’une vingtaine de loups sortait à vive allure du couvert des arbres et s’élançait dans notre direction.

 

          -- Ne t’inquiètes surtout pas, ce n’est pas pour nous, ils ont lancé la chasse et ils ont dû repérer au sein du troupeau une vieille bête ou une bête malade qu’ils vont isoler du reste de la troupe.

 

          Les loups avaient déjà parcouru une quinzaine de mètres et ne se trouvaient plus qu’à une trentaine de mètres de nous, lorsque l’ensemble du troupeau de bisons s’ébranla lourdement. La distance entre les fauves et nous se réduisait à vue d’œil, les bisons s’animaient à peine, les plus vifs n’ayant parcouru que quelques mètres. Quelques secondes plus tard, les loups étaient déjà près de nous, gueules ouvertes en accélérant à chaque foulée. Je n’ai même pas eu le temps d’avoir vraiment peur, seule une légère crispation de ma main trahissait mon inquiétude, que déjà, la meute à notre approche se scindait en deux groupes, vraisemblablement dans le but de nous contourner, Deb et moi.

 

          Ils nous dépassèrent sans un seul regard, les yeux rivés sur leurs proies, les bisons couraient maintenant ventre à terre, ayant réussi à prendre leur pleine vitesse.

 

          Les loups s’étaient rapprochés à quelques mètres seulement des bovins et cherchaient, tout en pénétrant à l’intérieur du troupeau, à éloigner les bêtes les plus dangereuses d’un vieux bison qui déjà perdait du terrain sur le restant du troupeau. La manœuvre d’isolement fonctionna à merveille, et bientôt le vieux mâle se retrouva entouré par la meute.

 

          Le vieux bison se défendit vaillamment et ne cédait que très peu de terrain, donnant ça et là de furieux coups de cornes et coup de pieds. Trois loups roulaient déjà sur le côté, apparemment blessés, mais parvinrent quand même à se relever mais leur hardiesse semblait calmée, le reste du clan avait déjà pris la relève et harcelait sans relâche leur victime et firent si bien que le vieux bison mit un genou à terre et ce fut la curée.

 

          Deborah, me tenant toujours par la main, m’entraînait déjà loin du théâtre des affrontements.

 

          -- Il vaut mieux les laisser maintenant, le reste n’est pas beau à voir, rentrons !

 

          -- Tu sais Derek, mon peuple et moi détestons ce genre de scène, mais nous ne pouvons intervenir, l’équilibre du Yellowstone en dépend, la seule chose que nous faisons pour ces pauvres bêtes et c’est la moindre des choses est d’abréger leurs souffrances !

 

          -- Mais comment vous y prenez-vous pour réduire leurs calvaires, sans participer directement ?

 

          -- Nous y arrivons, c’est là où je voulais en venir en t’amenant ici, je t’ai volontairement fait venir ici pour t’expliquer certaines choses, regarde une dernière fois la bête qui est tombée, théoriquement, elle devrait vivre encore, les loups ne donnent pas la mort comme un fauve, par étouffement carotidien mais dévorent leurs victimes encore vivantes. Nous ne pouvons supporter cela sans intervenir, aussi, lorsque nous sommes présents et que la proie  est sur le point de défaillir, elle émet une multitude d’onde bêta, nous demandons à notre ordinateur qui surveille sur la planète d’intervenir, il travaille un peu comme le fait Nora lorsque tu dors, elle t’a expliqué ça je crois ?

 

           -- Oui et alors ?

 

           -- Alors, pour lui épargner des souffrances inutiles, chaque fois que nous le pouvons, nous demandons à notre ordinateur de saturer la victime d’ondes Alpha, tant et si bien que la bête meurt en s’évanouissant, sans s’en rendre compte, presque heureuse !

 

          -- Vous pouvez faire cela ?

 

          -- Oui, je sais ce n’est pas grand-chose, mais nous ne supportons pas de voir souffrir les bêtes, quel que soit l’animal, nous ne pouvons supprimer ni loups, ni bisons, ni qui que ce soit comme créature animale d’ailleurs, sinon la nature elle-même se détruirait et nous-mêmes, ne  pourrions survivre à un tel désastre !

 

          Deborah pleurait presque en me disant cela, et je pouvais voir dans ses yeux, la souffrance qu’elle éprouvait, et je réalisais à cet instant, que la défense de leur monde animal ou végétal, n’était pas un vain mot pour ces gens-là, ils ne faisaient pas semblant, ils étaient vraiment sincères.

 

          Je la pris dans mes bras et j’essayais de la calmer, elle frissonnait et je savais que ce n’était pas de froid.

 

           Quelques minutes plus tard, elle s’était complètement rétablie et marchait à mes côtés.

 

          -- Excuses moi, je dois te paraître bien émotive, mais c’est comme ça, je ne peux pas me refaire, nous sommes tous ainsi, mes contemporains et moi, nous sommes hypersensibles, c’est dans nos gènes !

 

           -- Bon, arrêtons de nous attendrir, j’ai encore des choses à te dire, tu t’es s’en doute rendue compte que, parfois nous faisons preuve, mes congénères et moi, d’une très grande prémonition  qui a tes yeux pourrait te paraître suspecte, la raison en est très simple, on ne peut parler de télépathie, mais notre hypersensibilité alliée avec le secours de notre ordinateur, pourrait nous faire passer  presque  pour des télépathes, tu as dû remarquer, que sans prononcer un seul mot, nous nous sommes téléportés jusqu’ici et hier, dans la cabine de téléportation, il n’y avait aucun bouton et personne n’a dit un mot et cependant, nous nous sommes bien téléportés dans la clairière où tu as vu le chat sauvage !

 

          -- La machine nous sert de relais, elle fonctionne, comme je t’ai déjà dit un peu comme Nora, mais en plus élaborée, nous pouvons entrer en communication entre nous, voir, d’une certaine manière, avec les animaux, oh bien sûr ! Avec ces derniers, nous n’avons pas de conversation, mais nous sommes tout de même capables de connaître leur humeur du moment et à l’inverse, les animaux sont capables de détecter nos intentions !

 

          -- Mais ne va surtout pas croire qu’en temps normal, nous passons notre vie à nous surveiller les uns les autres, bien au contraire, nous avons un respect total de nos pensées et l’ordinateur est programmé dans ce sens-là, sans le consentement express de l’accord des communicants, par respect de l’individu !

 

          -- La seule chose que nous sommes capables de faire par nous-mêmes, sans le secours de la technique, est que notre hypersensibilité nous permet de « voir » l’aura de chacun. L’aura est en quelle sorte la rémanence des ondes électromagnétiques alpha ou bêta qui se trouvent en auréole autour du siège de notre cortex et en fonction de sa coloration, nous en déduisons l’émotion instantiel de nos contemporains, mais saches qu’en aucun cas, nous n’avons cherché à violer tes pensées les plus secrètes !

 

          -- Même les animaux possèdent une aura et lors de leur mort, cette aura est d’un rouge écarlate insoutenable, nous assistons en direct aux affres de ces  bêtes comme si c’était notre propre souffrance, notre propre mort. Tu comprends pourquoi maintenant nous haïssons la guerre et toute forme de violence.

 

          -- Pour tout te dire, je pensais bien à un truc comme ça, car je vous ai surpris vous adresser des sourires de connivence  qui cachaient une trop grande complicité, aussi, j’avais opté pour de la télépathie pure et dure, j’ai d’ailleurs eu l’occasion au cours de mes pérégrinations, de croiser un peuple non humain, dont les membres étaient télépathes, ils m’avaient expliqué eux aussi, qu’ils ne passaient pas leur temps à s’espionner mutuellement, ils ne s’en servaient que pour s’assurer des intentions de leurs visiteurs, ils communiquaient d'ailleurs par ce truchement, lorsqu’ils ne voulaient pas que leur conversation soit entendue par d’autres personnes, sortis de ce contexte, ils n’utilisaient guère leur don !

 

          -- Tout ça pour te dire que je ne t’en tiens pas rigueur, au contraire, à ta place, possédant ta technologie, j’aurais agi de la même façon et pour tout te dire, cela m’arrange que vous ayez ce code de conduite entre vous, car je dois bien le confesser, parfois mes pensées n’ont pas toujours été très nobles, surtout celles qui te concernent !

 

          -- Attends une seconde, si je comprends bien, tu…et je commençais à réaliser.

 

          Deborah, répliqua en adoptant une légère moue. 

 

          -- Oui, je n’ai pas vraiment besoin de l’aide de l’ordinateur pour connaître le fond de ta pensée me concernant, ton aura t’avait déjà trahi dès le premier jour de notre rencontre, sans que tu ne t’en rendes compte d’ailleurs !

 

          -- Si je comprends bien, ta famille, tes amis, ainsi que les personnes que nous avons croisées sont au courant de ce que je ressens pour toi ?

 

          -- Tous, jusqu’au dernier, pourquoi crois-tu qu’ils aient eu tant de travail aujourd’hui, au point de nous laisser seul !

 

           -- Le privilège de siéger au conseil du directoire de la planète, ne nous prend que très peu de temps, et je dois dire que ta venue a brisé quelque peu la routine de cette fonction, charge qui soit dit en passant ne dure qu’un mois, avant de céder la place à un autre groupe, et je peux t’assurer que le travail est loin d’être une corvée, nous devons nous assurer que tout le monde puisse vivre en paix et les décisions que nous avons à prendre, ne sont jamais très extraordinaires, un peu de coordination des services, surtout de l’intendance quotidienne !

 

          Je ne l’écoutais déjà plus, je n’étais en principe pas prude, mais je sentis la honte me monter aux oreilles.

 

          -- Ne t’en fais pas outre mesure, tu n’as pas en avoir honte, ici, comme il nous est impossible de cacher nos attirances  réciproques, ceci à cause de nos auras, aussi nous nous y sommes habitués et de plus, nous avons compris depuis des siècles que l’excitation de la glande de l’hypophyse, apportée en autre, par les rapports sexuels, permet la sécrétion de dopamine dans des secteurs bien précis du cerveau, le V.T.A ou Ventrale Tegmentale Aire si tu préfères, qui fait partie intégrante de la zone de récompense de notre cerveau, cette dopamine modifie et régule par la même occasion, la synthèse des hormones de stress qu’elle a tendance à diminuer, permettant ainsi une détente nerveuse de l’organisme !

 

          -- Mais nous avons constaté beaucoup plus que cet état de plénitude et d’apaisement des sens et de l’âme, nous avons aussi le moyen imparable de trouver le bon ou la bonne partenaire avec qui nous sommes sûr de vivre durant notre vie entière, le fait de multiplier les expériences sexuelles, jusqu’au moment, où, avec le ou la même partenaire, l’excitation du V.T.A devient systématique à la simple vision, la simple évocation du partenaire, une autostimulation en quelle que sorte, dès que cela se produit, nous sommes sûr d’avoir trouvé la bonne personne !

 

          -- C’est pour toutes ces raisons, que, loin d’être tabou ou banni, l’acte sexuel est pour nous indispensable à notre équilibre de jeune adulte, dans la mesure où  nous savons que nous devons vivre plus d’un siècle de vie commune avec notre partenaire, autant être sûr de la personne avec qui nous allons passer le reste de notre existence !

 

           -- Eléonore ma mère et mon père Kervial, ma tante Sharode et mon oncle Krant,  pour mes parents 80 et pour mon oncle et ma tante, 102 ans de vie commune et ils s’aiment comme au premier jour de leur rencontre !

 

          -- Je te remercie pour ta franchise, et au fait, tu me parles de 102 ans de vie commune pour ta tante et ton oncle, pourtant ils paraissent encore bien jeunes, combien de temps vivez-vous sur Terre ?

 

          -- Environ 150 ans et ceci toujours en bonne santé, nous avons aussi une grande avancée dans le domaine médical et nos thérapies reposent sur le principe de la médecine douce, mais si au début de cette science, nous nous aidions du support des plantes, très vite nous avons pu nous en passer ; en effet, nous nous sommes rendus compte, que notre hypersensibilité, grâce à nos actes sexuels répétés, avait été développée par notre système limbique, augmentant à chaque fois, au moment de l’orgasme, le taux de sécrétion d’endorphines dans notre cerveau, et nous avons constaté que durant la période qui succède l’orgasme, outre l’état d’apaisement et de détente de l’organisme provoqué par la dopamine, cette endorphine saturait notre cerveau et celui-ci dans ces moments-là, devenait plus réceptif, plus clair et en un mot plus dispos, ce qui a eu pour effet de doper notre créativité et notre intelligence !

 

          -- Nous avons réussi à localiser les neurotransmetteurs responsables de la production d’endorphines et par un procédé vieux de plus de 1 000 ans déjà, issu du programme H.A.A.R.P,  développé par un gouvernement des années 2 000, procédé qui consistait à alimenter en énergie, à distance, un  quelconque récepteur sans le concours inévitable d’un support matériel, nous avons fait exciter ces neurotransmetteurs par notre ordinateur, pour en provoquer volontairement ces zones, en apprenant à diversifier les différentes zones neuronales, nous avons multiplié les différents stimulus, jusqu’au jour où nous étions capables de nous passer de l’apport des plantes, notre propre cerveau possédait en lui tout ce dont nous avions besoin ; résultat, petit à petit, non seulement nous avons développé notre intelligence, mais en outre, augmenté notre hypersensibilité et la faculté de lire nos auras !

 

          -- Désolée Derek, nous aurions dû te le dire plus tôt, mais nous devions te jauger avant, tu ne m’en veux pas trop j’espère ?

 

          -- Non, mais j’ai plutôt l’air idiot maintenant, ce n’est pas très glorieux de ma part !

 

          Deborah ne me répondit pas, mais tendrement m’enserra la tête de ses deux mains et délicatement posa ses lèvres sur les miennes.

 

          Au même instant, un maelström de plaisirs m’envahit le cerveau, une déferlante d’extase dans ma boîte crânienne, quasiment douloureuse tant elle était forte et violente, tout mon corps s’embrasa, toutes mes terminaisons nerveuses furent sollicitées, pas une once de mon système nerveux ne fut épargnée, de véritables décharges électriques me parcoururent l’échine, partant du plus profond de mes reins et remontant ma colonne vertébrale pour finir dans un bouquet d’explosions dans mon cortex cérébral, je faillis défaillir, mon cœur se mit à battre si fort que j’ai bien cru qu’il allait exploser, l’afflux d’adrénaline sur mon système pubien fut si puissant et si violent qu’une fulgurante douleur prit naissance à l’intérieur même de mes testicules et mit plusieurs minutes à se résorber.

 

          Lorsque nous nous séparâmes, je réalisais qu’en quelle que sorte j’avais la très grande chance à cet instant d’être assis, car c’est tout juste si mes jambes auraient pu me porter. Je réussis à sortir de ma torpeur et petit à petit, je repris contact avec la réalité. Pantelant, exsangue, la décharge d’énergie avait été telle que j’avais la curieuse impression d’être vidé de toute mon énergie. Mes yeux se mirent à clignoter, jamais encore, je n’avais eu cette sensation d’être aussi fatigué, j’avais l’impression de sortir d’un rêve et je ressentais encore comme une douleur rémanente au creux de mon bas ventre.

 

          Je secouais énergiquement la tête et m’aperçus enfin que Deborah était en train de me parler.

 

          -- Derek, j’ai faim, si nous allions déjeuner ?

         

           Au diable les femmes, penser à manger dans un moment pareil, décidément, cette planète et surtout ces habitants me réservaient bien des surprises. Enfin, quand on y réfléchit bien c’est partout pareil.  

 

          Je bredouillais quelques mots pour essayer de gagner du temps.

 

          -- Manger, à cette heure !

 

          -- Il est presque douze heures et je me meurs de faim, pas toi ?

 

          Je réussis à me relever.

 

          Le repas fut comme celui de la veille, beaucoup de verdure, de couleur, de choix, mais toujours végétarien et toujours excellent. A la fin du repas, j’en profitais pour questionner encore Deborah.

 

           -- Dis-moi Deb, je suis à la fois surpris et un peu gêné en même temps, qu’à chaque fois que nous avons déjeuné, je n’ai vu personne régler le prix du repas, qui paie, comment cela se passe-t-il ici, quelle est votre monnaie ?

 

           -- Monnaie, elle resta silencieuse un instant et répliqua !

 

           -- Excuses-moi, il a fallu que je fasse appel à ma mémoire, oui la monnaie, cette unité de compte qui servait autrefois d’étalon pour échanger des marchandises, des services ou des créations, je vois ce que tu veux dire, non, nous n’utilisons plus ce type de troc !

 

          -- Les biens, les services et toutes les créations sont la propriété de tous, l’ancien système entraînait trop de désaccord, chacun voulant posséder encore plus de monnaie, d’argent comme on disait, les gens thésaurisaient au point de spolier leurs propres concitoyens, leurs amis, leurs familles, créant sans cesse des conflits et ces luttes fratricides menaient la plupart du temps à des conflits armés ; le plus ridicule et le plus révoltant dans ce système, c’est que certains gagnaient tellement d’argent qu’ils leurs étaient impossible de le dépenser au cours de leurs vies, ni dans plusieurs d’ailleurs, alors que les personnes qu’ils lésaient, non seulement c’étaient ces personnes qui le gagnaient, qui le fabriquaient et qui le méritaient par leurs labeurs, mais ce sont ceux-là qui souffraient du manque de cette monnaie d’échange, vivant plus que misérablement !

 

          -- Des sommes considérables de cet argent n’étaient pas uniquement  spoliées, mais dormaient inutilement sans pourvoir être profitables, non seulement à ceux qui l’avaient mérité mais, par leurs immobilités, manquaient cruellement au développement et à l’essor de l’humanité !

 

           -- L’argent a été remplacé par l’échange de service, et non par la possession, la possession peut être stockée, thésaurisée et cette thésaurisation signifie que le capital travail à laquelle elle correspond dort, quelle est improductive, autrefois, l’argent stocké produisait des intérêts, et les intérêts d’autres intérêts. Cet argent et ces gains, s’autofécondaient entre eux et ne retournaient plus dans le cycle productif et de créativité,  Il y avait détournement du pouvoir créatif, aussi, en engendrant des services à la place d’argent, le service retournait dans le circuit de création de richesse !

 

           -- Il y a quand même un problème, si j’ai bien compris, votre travail engendre la possibilité d’obtenir en retour la jouissance de service, mais que se passe-t-il lorsque il n’y a pas production de travail pour un individu en échange de ces services, exemple, pour les enfants, et je suppose les personnes très âgées qui ne peuvent plus travailler, ou encore la maternité ?

 

          -- Dans tous les cas, ils sont pris en charge par la collectivité, les anciens ont fourni tout leur potentiel dans leur vie active et sont donc en retraite, ils sont dispensés de l’obligation de fournir la collectivité en capital travail !

 

          -- Tout travail est donc source de service pour la collectivité, il n’y a pas d’effort de créativité qui ne soit perdus dans la thésaurisation

 

          -- Pour les enfants, s’ils sont exemptés de capital travail, ils doivent en retour, fournirent par leurs études, un capital investissement, ils seront les futurs créateurs et travailleurs de notre société, l’enfance est donc naturellement l’étape la plus importante pour nous, d’elle, dépend la bonne évolution de notre peuple !

 

          -- Quant à la maternité, les futures mères sont préservées des travaux les plus pénibles et peuvent à leur choix, s’arrêter ou continuer un emploi moins laborieux.

 

          -- Pour le travail lui-même, les plus gros travaux sont assurés par des machines, et la part d’obligation de créativité pour chaque citoyen, n’est que de quatre heures par jour sur 5 jours de la semaine, au choix de l’individu ! Et il doit en changer de type chaque année de telle manière que son poste ne soit pas rébarbatif et que les bons travaux ne soient affectés qu’aux mêmes individus.

 

          -- Le reste du temps, les gens font ce qu’ils désirent, beaucoup d’entre eux, travaillent bénévolement à un autre poste ; quand je dis bénévolement, c’est-a-dire, sans aucune obligation quelconque, choix, durée ou rotation !

 

           -- Au cours de notre existence, nous serons passés à tous les travaux régissant notre vie, travaux agricoles, soins aux animaux domestiques, activités industrielles, commerciales ou même scientifiques, nous apprenons tout au long de notre vie, nous sommes en stage de recyclage en permanence ou à l’école comme tu veux !

 

           -- Grâce à notre société sans argent, notre peuple a pu se regrouper, capitaliser ses ressources, ses forces  pour le plus grand bien de la collectivité et prospérer. Notre avance dans le monde scientifique est sans limite, nous avons progressé au-delà de toute espérance comparée au reste de l’Univers !

 

           -- Excuses-moi, mais comment pouvez-vous affirmer une telle chose, comment faites-vous pour comparer justement ?

 

          -- Derek, tu es désarmant, tu viens d’arriver et déjà tu mets en doute les capacités du peuple qui t’as recueilli, tu as encore beaucoup de choses à apprendre de nous, si je te dis que nous avons une avance de près de 4 000 ans sur vous, me croirais-tu ?

 

           -- Quatre milles ans, je suis prêt à le croire mais éclaire un peu ma lanterne, car je ne vois pas comment on peut avoir un écart technologique  de 4 000 ans!

 

          -- Nous n’avons pas de flotte de vaisseaux spatiaux comme vous, mais nous en avons quelques-uns quand même, et nous nous déplaçons dans non seulement notre voie lactée, mais nous en avons visité beaucoup d’autres, dont ta galaxie entre autre, nous connaissons outre la totalité de notre groupe local, mais nous avons réussi à visiter l’ensemble de l’Univers !

 

           Je ne puis m’empêcher de partir dans un grand rire tonitruant.

 

           -- S’il te plait chérie, ne me prends pas pour un idiot, je sais que je viens de débarquer, mais quand même, vous êtes certainement très doués dans la manipulation cérébrale, mais de là à me faire croire une chose pareille, il y a un pas, un grand pas même, que je ne peux franchir !

 

          Deborah restait silencieuse.

 

          -- Voyager dans d’une galaxie à l’autre entraîne déjà des écarts de temps de l’ordre de 1 pour 1 000, d’Andromède à chez toi, il faut un bon mois de mon temps négatif et plus de 11 000 ans positif pour un simple mortel qui reste sur la planète, alors que dans l’Univers, c’est de l’ordre de 1 pour 100 000 000!

 

           -- Nous, tu ne me feras pas avaler ça, ou alors, il faudrait maîtriser le temps, voyager dans un espace/temps supérieur, un sub-espace, pour des voyages instantanés et ça, nous ne l’avons jamais trouvé !

 

          Deborah se taisait, me regardait en souriant avec un petit air de moquerie.

 

          -- Tu ne vas pas me faire croire que vous avez… !

 

          Deborah ne disait toujours rien, souriant encore.

 

           -- Non, c’est vrai, vous l’avez découvert ?

 

          -- Mais alors, c’est énorme, mais pourquoi ne pas en faire profiter le reste du cosmos, ce serait extraordinaire de pouvoir se promener à sa guise sans ce foutu problème de temps, c’est justement ce problème-là qui divise les sociétés, ce même problème qui m’a poussé à chercher un autre monde pour me poser où il n’existe pas de ségrégation temporelle !

 

          -- Non, Derek, non, cela serait hélas pire, désolée pour les victimes qui comme toi souffrent de cet état de décalage temporel, mais se n’est rien à comparer à ce qui pourrait arriver !

 

          -- Actuellement, cette barrière temporelle contribue à la non-agression entre les galaxies, de mémoire d’homme, lorsque les galaxies sont proches, il y a de la tension et seul ce barrage du temps a réussi à calmer les belligérants, aussi il n’est pas question que nous partagions ce secret, si nous dérogions à cette règle, tu peux être sûr que très peu de temps après, c’est l’ensemble du cosmos qui s’affronterait, non Derek, le monde n’est pas prêt à une telle révélation  !

 

          -- Mais rasures-toi, nous sommes à l’origine de beaucoup de vos trouvailles, comment crois-tu que nous ayons si facilement pénétré ton ordinateur central, ta fameuse Nora, avec son centre des émotions, d’où vient-elle d’après toi, sans parler du convertisseur et du propulseur à matière noire, de la maîtrise des ondes directionnelles et des synthétiseurs vocaux que vous utilisez?

 

          -- Tu as une idée ?

 

          Cette fois, c’est moi qui restait silencieux, quelle leçon d’humilité je venais de prendre, car je venais de comprendre que non seulement, nous descendions d’eux, mais d’après ce qu’elle venait de m’apprendre, c’est en quelque sorte,  eux qui présidaient à notre destinée et, le plus fort, c’est que je n’avais aucune raison de ne pas la croire.

 

          -- Tu sais, nous n’avons jamais cessé de veiller sur vous, pour les raisons que je t’ai expliquées, nous avons évité de vous fréquenter, mais nous nous angoissons toujours pour vous, et tant bien même, nous n’intervenons pas directement dans votre vie, nous vous influençons à distance, un peu comme des parents qui voient leurs enfants partir hors du foyer maternel, cela n’empêche pas ces parents de s’inquiéter de leurs progénitures et de chercher à leur promulguer encore des conseils pour qu’ils s’épanouissent au mieux !

 

          --  Si tu as réussi à prendre contact avec nous, et tu n’es pas le premier à l’avoir fait d’ailleurs, ce n’est pas à la faveur d’une meilleure électronique, mais grâce à ton esprit supérieur,  plus malin qui a réussi à tromper la vigilance de notre informatique !

 

          -- Et pour être franche, je ne le regrette absolument pas du tout, loin de là !

 

          Et tout en disant cela, elle se pencha sur moi pour m’embrasser.

 

          Après un long moment, après avoir refait surface, Deborah rajouta.

 

          -- Fais-moi penser Derek, demain je te montrerais notre système éducatif, tu verras comment et surtout ce que nos jeunes enfants apprennent, et comment nous mettons en place dans nos ateliers les futures inventions qui demain conduiront le monde dont tu viens !

 

          -- L’histoire a voulu que nous soyons à la fois vos ancêtres et vos contemporains, les précurseurs de l’humanité et en même temps les gardiens et les pasteurs du monde. Nous sommes les protecteurs de l’humanité sans que cette dernière ne s’en doute, certains d’entre vous, nous affublent du titre de dieux, de protecteurs, sans se douter le moindre du monde que nous ne sommes que de simples humains, mortels tout comme eux, nous sommes les anciens, les ancêtres, les primordiaux !

 

          -- Notre anomalie temporelle a fait de nous ce que nous sommes devenus, sans cette fantaisie du temps, qui nous permet de vivre presque 4 fois  moins vite, mais 4 fois plus longtemps que vous, nous a éloignée de vous mais permet aussi de veiller sur vous à votre insu, et parfois si la nécessité s’en fait sentir, pouvoir intervenir pour vous aider ; et nous l’avons compris, c’est un privilège, un devoir même que la nature nous a donné et nous ne pouvons pas nous dérober !

 

           -- Oui, je commence à comprendre, si vous vous déclarez au monde, demain ce serait l’anarchie dans l’Univers. Il vaut mieux vous tenir à l’écart.

 

          -- Moi qui étais si fier de mon vaisseau, j’étais loin de me douter que vous étiez derrière tout ça !

 

          -- Ne dis pas ça Derek, nous ne faisons que vous suggérer l’idée, et une certaine marge à suivre, le reste, c’est vous qui vous vous débrouillez seuls, nous n’intervenons en aucun cas dans vos affaires, nous nous contentons de veiller et de prendre soin de vous et n’agissons qu’en cas de grosse difficulté !

 

          -- Et pourrais-je les voir un jour ces vaisseaux, ça doit être quelque chose de voir ça ?

 

          Deborah leva le bras, l’index tendu en direction du ciel.

 

          Je levais les yeux et je les aperçus.

 

          Trois immenses vaisseaux en forme de sphère aplatie, d’une cinquantaine de centimètres de diamètre apparurent doucement dans une espèce de brouillard, suspendus silencieusement dans les cieux tout en planant doucement.

 

          -- Ils sont vraiment magnifiques, mais est-il bien prudent de les faire orbiter à si basse altitude ?

 

           -- Ca, je n’en sais rien, tu t’y connais certainement mieux que moi en vaisseaux spatiaux, mais je pense que mes amis qui sont à bord savent ce qu’ils font. Et puis 10 000 mètres, c’est déjà pas mal comme altitude !

 

          Pour la seconde fois en moins d’une heure, je pris un coup à l’estomac, et celui-ci me laissa complètement groggy.

 

          -- Co-co-comment, dise-je en bégayant, 10 000 mètres, tu plaisantes ?

 

          Je m’imaginais ma propre nef qui était loin d’être dans les plus petites, à cette distance n’étant guère représenté que par une sphère de 1 centimètre à peine.

 

          Deborah répliqua.

 

          -- Dix mille mètres, c’est tout au moins ce qui m’a été rapporté !

 

          -- Mais combien de diamètre ont-elles ?

 

          -- Mille cinq cent mètres, pourquoi ?

 

           Bon sang, 1 500 mètres, c’était incroyable, encore un coup de massue derrière la tête.

 

          -- Mais pourquoi dans ce cas un tel diamètre, c’est la place nécessaire pour l’appareillage de ce moteur sub-temporel?

 

          -- Non du tout, mais ils sont prévus pour 150 000 passagers !

 

          Et ça continuait, cent cinquante mille passagers, décidément, j’avais la nette impression que je raccourcissais à chaque déclaration de Deborah. Ou je raccourcissais ou je m’enfonçais un peu plus en terre, je ne sais pas, mais quoi qu’il en soit, j’étais nettement plus petit.

 

          Je me permis de questionner encore Deb, mais ma voix s’était transformée à la manière d’un joueur de rugby qui aurait prit un coup au bas ventre.

 

          -- Et 150 000 mille, on peut savoir pourquoi, vous comptez déménager ?

 

          -- Bien que certains des hommes que nous avons rencontrés nous prennent peut-être pour des dieux, nous sommes loin d’en être, et il y a encore des phénomènes que nous ne maîtrisons pas, un astéroïde un peu trop gros que nous ne serions pas en mesure de dévier, le soleil qui se transforme brusquement en novae, l’explosion d’un super volcan, que sais-je encore !

 

          -- En cas de pépin, de ce genre, nous serions prévenus plusieurs jours à l’avance, pour le soleil et la météorite un ou deux mois à l’avance, le super volcan, une dizaine de jours, aussi, nous avons mis au point la possibilité d’évacuer la terre si cela devait arriver !

 

          -- Mais ma chérie, votre population est de 1 milliard et demi d’individus, comment vous y prendrez-vous ?

 

          -- Grâce à la téléportation, il nous faut 5 minutes pour charger 150 000 personnes, 20 minutes pour sortir du système solaire, on ne peut entrer en sub-espace à l’intérieur d’un système planétaire au risque d’absorber le système avec nous, aussi nous ne volons qu’en vitesse sub-aluminique, cinq minutes en sub-espace, compte encore une vingtaine de minutes pour aborder la planète d’accueil et cinq pour débarquer les passagers ; aller/retour cela fait une heure, autant pour revenir, cela nous amène à 2 heures par voyage et le transport de 150 000 personnes, en huit jours sans interruption,  on doit pouvoir déplacer la population entière. C’est juste mais jouable !

 

           -- Mais ma chérie, votre population se monte à 1 milliard et demi d’habitants, comment faites-vous pour la totalité ?

 

          -- Bof, on a environ 100 ou 110 appareils de ce genre, je ne sais pas exactement, ça devrait allez, non !

 

          Cette fois, c’est sûr, j’avais touché le fond, j’arrivais à peine à respirer, je devais être au moins au trente sixième niveau, ma tête tournait comme une toupie folle en fin de course.

 

          Deborah voyant mon malaise, annonça.

 

          -- Bon rentrons, il est temps, nous avons assez travaillé pour aujourd’hui !

 

          Avant que la téléportation ne se soit emparée de nous, elle m’avait déjà enlacé et recommença à m’embrasser, comme si je n’avais pas assez de mal à respirer et nous disparaissons.

 

 

 



29/10/2011
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