La fin du maraudeur
La fin du Maraudeur
A bord du Maraudeur, son seul et unique caboteur, Derek Thalys comptait les jours qui le séparaient encore du rêve de sa vie. Si tout allait bien, dans une dizaine d’heures, il devait conclure sa toute dernière affaire, sa dernière livraison avec le Maraudeur, cet antique cargo qui avait traîné sa carcasse dans toute la galaxie d’Andromède. De planète en planète sans jamais le laisser en rade de façon sérieuse. Oh bien sûr, il a bien eu deux ou trois fois où son convertisseur de matière noire à bien failli lui claquer à la figure durant ces moments là, mais le modèle qu’il utilisait était un des premiers à être mis au point et était d’une solidité à toutes épreuves supportant des écarts de température énormes que hélas les nouveaux prototypes ne pouvaient encaisser.
C’est comme pour tout, au début les fabricants font dans la solidité pour promouvoir leurs produits, ensuite, quand le modèle a bien séduit la clientèle, ils passent à la phase 2, la phase d’esthétique, là le matériel est encore le même que celui de la phase 1 mais plus beau, plus fini et surtout beaucoup plus cher. Ensuite vient l’étape 3, la phase de rentabilité, durant cette période, les fabricants récupèrent le fric investi et rognent sur la qualité au mépris parfois de la sécurité de l’utilisateur et le prix varie encore à la hausse. Et c’est ainsi depuis que le monde est monde et quelque qu’en soit le produit ou le pays.
Pour en revenir à mon convertisseur, par deux fois j’ai dépassé allégrement la zone rouge et ceci pendant plusieurs heures, je savais par expérience que si je l’arrêtais, il ne repartirait pas et je préférais encore une mort rapide, transformé en électrons libres flottant dans l’espace à la suite d’une explosion de ce dernier que de me voir paralysé dans l’espace intersidéral sans espoir de pouvoir repartir. Oh bien sûr, il y avait bien mon Hypercom, mais le temps qu’on me localise j’avais le temps de voir le soleil le plus proche se transformer en Supernovae.
Bon, là, je suppose que tu planes un max, je m’en vais t’affranchir. Le convertisseur de matière noir avait remplacé depuis plus de 7 000 mille ans le bon vieux moteur subatomique (trop lent et beaucoup trop dangereux, un ou deux voyages sur cent finissaient en panne entre deux systèmes solaires), ne dépassant pas la vitesse de la lumière il ne convenait guère plus que pour des déplacements interplanétaires. Pour les voyages extra planétaires, il fallait compter plusieurs années pour relier deux systèmes solaires entre-deux et le personnel à bord devait se cryostaser. Nos têtes pensantes ont donc mis au point le convertisseur de matière noire.
Au début, le convertisseur de matière noire convertissait la matière noire en énergie noire et nos propulseurs de vaisseaux consommant cette énergie noire nous permettait de nous propulser plus vite que la lumière. On avait bien trouvé l’hyper propulsion mais pas l’hyperespace. Ce légendaire sub-espace, au grand dam de tous bons auteurs de science fiction qui nous en bassinais depuis des siècles, cet hyperespace n’existait pas.
Pour faire court, l’énergie noire est dotée d’une pression négative, qui la fait se comporter comme une force gravitationnelle négative; une force gravitationnelle négative, tu piges … non, allez, réfléchis encore un peu, force gravitationnelle négative ! Ça te dit rien, bon mon vieux, mets s’y un peu du tien, je veux bien faire un effort en t’expliquant, mais si tu fais aucun effort, ça va pas le faire du tout ; la force gravitationnelle négative c’est en quelque sorte de l’anti-gravité.
Toujours pour faire court, tu connais tout je suppose sur la loi de la gravité, mais si tu connais, mais si fais pas ton timide c’est le père Newton qui l’a trouvée.
Tu te rappelles :
Deux corps s'attirent entre avec une force proportionnelle à chacune de leurs masses, et inversement proportionnellement au carré de la distance qui les sépare. Un truc comme ça, si c’est pas ça, on n’en est pas loin.
Donc, tous les corps s’attirent entre eux, tous les corps de matière baryonique (atomes, protons, électrons etc.) corps visibles si tu préfères, jusque là, tout le monde suit, je peux continuer, donc tous les corps de matières baryoniques s’attirent entre eux (oui je me répète, c’est pour être sûr d’être bien compris) et grande nouvelle, tous les corps de matières non baryoniques s’attirent aussi entre –eux CQFD, tu as tout compris. Mais, il y a une autre grande nouvelle, c’est que la matière baryonique et la matière non baryonique ne s’entendent pas entre-elles (mais ça tu t’en doutais, je suppose), et j’irais jusqu'à dire qu’elles se détestent à tel point qu’elles se repoussent violemment l’une de l’autre (un peu comme des aimants de mêmes polarités).
Ca y est, tu commences à piger, ben oui, c’est très simple, notre vaisseau est composé de matière baryonique (tout comme nous autres d’ailleurs l’être humain), notre convertisseur de matière noire transforme cette matière en énergie noire (tu suis toujours, bien je continue), le convertisseur converti donc en énergie noire et l’énergie noire, (la matière non baryonique) interagit avec la matière baryonique de notre vaisseau. Et voila la réaction, produit une force négative de gravité, de l’anti-gravité et votre navire par ce moyen dépasse largement la vitesse aluminique.
Bon, la c’est rien mais mine de rien, il nous a fallu pas moins de 2 000 ans pour comprendre cela.
Pour faire simple, c’est ce qui produit le phénomène de l’expansion de l’Univers, mais ça, tu l’avais compris par toi-même, je suppose ; tu n’as quand même pas cru qu’il s’agissait de la puissance de l’explosion du big-bang qui produisait la dilatation de l’Univers, depuis le temps, cette croissance se serait arrêtée, plus de treize milliard d’années plus tard quand même, faut pas pousser.
Allez, je te livre un secret, imagines, un cocon, un cocon un peu comme celui des vers à soie, tu as le cocon et à l’intérieur la larve. C’est bon, tu vois le topo, et bien une galaxie est comme un cocon, la larve est la galaxie et autour de cette galaxie une couche d’une espèce de brouillard qui l’enveloppe, avec une petite précision, le brouillard est présent aussi bien à l’intérieur (avec la larve qui n’est pas compacte) et en partie à l’extérieur (une fine couche, faut pas exagérer).
Toutes les galaxies sont donc sur ce modèle là, et maintenant, entre les galaxies, (entre les cocons, si tu préfères) de l’énergie noire (énergie de matière non baryonique), qui se repousse avec la matière baryonique (le cocon ou la galaxie comme tu préfères) et, toutes ces galaxies se refoulent les unes des autres, c’est ce qui produit l’expansion de l’Univers.
Pour comprendre comment ça marche, songes que tu es dans ta douche, la savonnette tombe et tu mets le pied dessus par inadvertance, que ce passe-t-il ? Ta savonnette part comme un boulet de canon (si le sol de la douche et ton pied sont mouillés sinon, cela ne marche pas).
Alors, comment cela se passe avec les galaxies, elles ne sont pas « mouillées » elles ? Facile, la matière noire qui enveloppe la galaxie (notre cocon) fait office d’eau et facilite le glissement dans l’énergie noire qui se trouve entre les galaxies et qui permet la dilatation de l’Univers.
Tu me diras, j’ai écrit plus haut que les galaxies se repoussaient, alors pourquoi certaines d’entre elles se rapprochent au point de s’interpénétrer et parfois se fusionner entre elles. Toujours CQFD, reprends l’exemple de la sable de bain, pour cela fais-toi aider par une autre personne car tout seul, la chose n’est pas aisée, débrouilles-toi pour que les savonnettes aillent l’une vers l’autre, de telle manière qu’elles se rencontrent, qu’elles se percutent même.
Et bien c’est exactement la même chose avec nos galaxies, cependant, nos galaxies sont si énormes et surtout (pleines de vide) à nos yeux, mais ce vide est en réalité de la matière noire (à l’intérieur, rappelles-toi) et matière noire contre matière noire, il ne se passe rien et nos deux galaxies peuvent s’imbriquer entre elles sans aucun problème de collusion (les distances entre systèmes solaires sont tellement immenses, que les probabilités que ces systèmes se percutent entre eux sont quasiment nulles). Seule la gravité va piéger un certain nombre de ces systèmes ce qui provoquera des réorganisations planétaires et une nouvelle répartition de ces galaxies.
Bon, c’est fait, je ne te casserai plus les burnes, c’est promis, juré, craché, mais si mon petit laïus peut faire gagner quelques 2 000 ans à l’humanité, c’est du temps qu’ils ne passeront pas à se battre entre eux, c’est toujours ça de pris.
Je reprends donc mon récit, il y a plus de 7 000 ans, on soupçonnait donc l’existence de cette matière noire (ou sombre) mais on ne savait pas l’utiliser. Quel dommage, car c’est la matière, bien que l’on ne la voit pas, la plus nombreuse, la plus présente dans l’Univers, beaucoup plus que la matière visible, la baryonique on estime qu’il y aurait entre 10 %, et 20% de matière baryonique alors qu’il y aurait 80 à 90 % de matière non baryonique, notre fameuse matière noire.
Un réacteur nucléaire ou subatomique utilise de l’énergie nucléaire (traditionnelle) et l’utilisation de cette matière est non seulement extrêmement dangereuse, mais quoi que l’on fasse, il était impossible de dépasser le seuil aluminique avec ce type d’équipement. Un peu plus tard, nos fusées furent équipées de moteurs à plasma, beaucoup moins dangereuses mais guère plus rapides. Tant que l’on utilisera de la matière baryonique, nous n’aurons aucune chance de dépasser ce foutu seuil aluminique.
C’est à cette époque que nous avions trouvé comment utiliser directement la matière noire (non baryonique) car cette matière à une particularité étonnante, celle de se mouvoir plus vite, beaucoup plus vite que la lumière. Elle rapprochait les systèmes solaires entre-deux d’une façon considérable, si bien que les voyages intra-galaxie ne duraient que quelques jours.
Cependant, les déplacements entre galaxies posaient plus de problèmes. Cette matière noire englobe les galaxies et se trouve donc en grande quantité à l’intérieure et en périphérie de chaque galaxie. Si la galaxie voisine ne se trouve pas trop loin, si les deux halos de matière noire se rejoignent, l’expédition peut s’effectuer avec ce type de locomotion, on ne peut guère s’éloigner de l’amas local en jouant à saute mouton (à saute galaxie, devrais-je dire), sinon, lorsque les galaxies sont très éloignées comme on ne sait pas stoker la matière noire, c’est mission impossible.
Il y a en gros 5 000 ans, nos petits génies du bocal, poussés par les Holding commerciaux, (toujours plus vite, toujours plus loin et surtout, toujours moins cher), nos petites bouillottes du ciboulot, ont réussi le tour de force ultime, la création d’un propulseur à énergie noire. Au lieu de convertir de la matière noire en énergie noire, nos allumés du bocal ont réussi le miracle que tous attendaient, de pomper directement la matière noire lorsqu’elle était présente et de la transformer en énergie noire.
Bien que faisant partie (tout comme la matière noire) d’éléments invisibles, l’énergie noire a le très gros avantage, à contrario de la matière noire, de se trouver en très grande quantité entre les galaxies elles-mêmes.
C’est ainsi que depuis 5 000 ans en gros, grâce à nos propulseurs à énergie noire, nous nous déplaçons entre les galaxies. Pour ma part, je suis natif du système And 2 542 N45 S06 W 789 (Andromède 2 542, Nord 45° Sud 06° et W 789 est le Numéro d’ordre). Ma planète s’appelle And 2 542 III ou plus simplement Ophélia et nous vivons en confédération intergalactique depuis 3 000 ans environ. De – 5 000 à – 3 000 (2 000 ans) nous avons vécu en guerre avec le restant de l’Univers, car évidement, nous n’étions pas les seuls dans ce bas monde, il existe plus d’une dizaine de races différentes, et encore, à ce jour, nous n’avons toujours pas la prétention d’être sûr de toutes les connaître. Il nous a fallu 2 000 ans d’affrontement entre nous avant de vivre en paix. Deux mille ans pour s’apercevoir, que nos besoins (à part quelques uns, l’eau pour n’en citer qu’une) étaient complémentaires et non compétitifs. Et que cette complémentarité était bien supérieure (et de loin) à notre rivalité, tout le monde y trouvait son compte, pour le bonheur de chaque espèce.
Ou en étais-je, ah oui, suite à la surchauffe de mon convertisseur, (car si tu te souviens, ce que j’ai écrit plus haut, je ne possède qu’un convertisseur de matière et non un propulseur à énergie), si j’avais interrompu mon voyage quelque heures pour lui permettre de repartir après refroidissement, je courais le risque de ne pas repartir et mon convertisseur de matière noire ne convertissant plus de matière noire en énergie noire, mon hypercom qui lui aussi consomme de l’énergie noire se serait retrouvé muet par la même occasion. Ah oui, pour les ramollis de la coupole qui n’ont jamais quitté le sol de la planète qui les a vue naître, l’hypercom, c’est un hypercom pas un hyper con, à ne pas confondre, c’est tout simplement un appareil de transmission qui utilise de l’énergie noire pour émettre une communication sub-spatiale et ses ondes sont portées par l’énergie noire et vont donc plus vite que la lumière. Ouf, j’espère que tu m’as suivi, car je ne le répèterais pas.
Mon vieux rafiot n’est vieux que par son âge (50 ans cela commençait à peser pour un vaisseau spatial), mais pas par sa technicité, la nef à convertisseur de matière noire était parfaite pour la navigation intra galaxie et surtout, son prix d’achat est environ un quart de moins que l’acquisition d’une nef intersidérale à propulseur d’énergie noire.
Ah oui, au faite, Je ne me souviens pas si je t’ai dit de quoi je vivais, en quoi consistait mon boulot. Mon travail consiste à me promener de planète en planète pour les approvisionner en matières premières.
Ne vas surtout pas t’imaginer qu’il s’agit d’une sinécure, si c’est une activité très bien payée, si si, très bien payée même, mais il y a un petit problème (un gros devrais-je dire). Ben oui, tu connais la loi sur la Relativité (je ne sais pas qui l’a inventée, mais si je pouvais mettre la main dessus, il passerait un mauvais quart d’heure, attends…oui, c’était un dénommé Einstein… je crois, Albert même de son prénom), il c’est bien fait oublier celui-là mais il ne nous a laissé que les inconvénients.
Enfin, la loi sur la relativité, si pour toi cela ne te dit rien, pour moi, ça veut dire beaucoup, exemple : Un voyage entre deux systèmes planétaires de 8 ou 10 jours ne dure que 8 à 10 jours, un voyage aller-retour de la même durée pour moi-même et c’est 15 à 20 ans minimum qui s’est écoulé pour mes commanditaires. Cela ne pose pas de problème au point de vue finances, (les systèmes politiques sont stabilisés depuis plus de 2 000 ans), et les planètes ont appris à gérer leurs stocks sur des centaines d’années, mais pour ce qui est d’avoir une vie de famille ce n’est pas le pied, à moins, que ton ou tes partenaire veuillent bien partager ton quotidien et moi, je n’ai pas trouvé la perle rare qui accepte ces conditions de vie.
Aussi, ce voyage que j’effectue en ce moment, devrait être le dernier. Il s’agit d’un chargement de plus de 50 000 tonnes d’iridium lourd, élément extrêmement rare, aussi rare que dangereux, d’une radioactivité très élevée si bien que les candidats transbordeurs ne sont guère légion et ce qui a pour effet de booster les prix de transport. La valeur de ce transfert à 10 000 solars la tonne, dépasse les 500 000 000 solars. Etant rétribué en pourcentage du fret transporté, entre 10 et 15 % (en fonction des cours), les cours étant au plus haut, cela devrait me faire dans les 75 000 000 solars pour ma pomme. De quoi m’acheter une planète pour moi tout seul.
Avec une somme parelle, j’envisage de me doter d’une nef dernier cri avec propulseur à énergie, ce qui me permettrais de me rendre dans une autre galaxie, chose qui m’étais complètement impossible avec mon engin spatial, qui il faut bien l’admettre, était non seulement vieux, et de technologie ne me permettant pas ce saut, mais après un voyage comme celui-ci, impossible de le décontaminer, il était vraiment bon pour la casse.
Bon, j’ai bien une autre raison qui m’a poussé à effectuer ce voyage, je dois bien vous l’avouer c’était bien pour une question d’argent. Car pour le projet que je convoitais, j’avais besoin d’un tel navire. Je prévoyais effectivement de faire le grand saut, de quitter la galaxie d’Andromède pour allez à la recherche de la Terre originelle, cette planète d’où aurait essaimée la race humaine, il y a maintenant pas loin de 7 000 ans.
Une légende disait qu’a cette époque, la totalité de la race humaine vivait sur une planète appelée Terre et qu’ils auraient conquis d’abord dans un premier temps leur système planétaire et 500 ans plus tard grâce à cet antique convertisseur de matière noire, ils auraient colonisé le restant de leur galaxie et auraient 2 000 ans plus tard grâce au propulseur à énergie, effectué le grand saut il y aurait 5 000 environ.
C’était au cours d’un voyage aux confins d’Andromède, sur une des branches les plus reculées de cette galaxie, sur la planète And Alpha (elle portait ce nom, car elle était parait-il, la toute première planète où nos conquérants rampants avaient posé le pied pour la première fois dans la galaxie d’Andromède, Derek y avait rencontré un peuple qui prétendait descendre parait-il directement en ligne droite de ces expatriés de leur planète originelle jusqu'à cette nouvelle Terre qu’ils avaient surnommée And Alpha (la première) . Il faut dire que chez lui, toute la population savait que pour arriver jusqu'à And 2 542 III (Ophélia), les «Passeurs» (oui, c’est ainsi qu’ils surnommaient les astronautes passant d’une planète à l’autre), lui-même faisant partie de ces « Passeurs » , pour émigrer ou pour caboter le terme était le même, ces « Passeurs » n’étaient pas venus en ligne droite de cette fameuse Terre originelle, mais auraient « sauté » plusieurs fois avant de coloniser, leur propre planète natale. L’occupation d’Ophélia remontait à quelque 1 500 ans et tout ce qu’il savait sur l’endroit ou était parti ses ancêtres, c’est qu’ils venaient d’une autre poche galactique d’Andromède, et tous savaient qu’il ne s’agissait pas de la Terre O (originelle).
Derek apprit par la même occasion, qu’une dizaine d’individus était passée avant lui sur cet astre et qu’ils étaient eux aussi à la recherche de cet Eden primitif. Pourquoi, il ne savait pas trop, certes, il avait envie de s’arrêter, mais pourquoi à Terre O, peut être, une façon pour cet homme sans passé, ni avenir de réconcilier les deux, alors pour arriver à cela, pourquoi pas Terre O.
Depuis, cette quête ressemblait un peu à la recherche du saint Graal, et Derek s’était juré de le découvrir et si c’était possible, pourquoi ne pas s’y installer définitivement.
Toujours d’après les habitants d’Alpha, leurs ancêtres à eux seraient venus d’une galaxie voisine toute proche appelée M 33 située dans notre amas local. Etait-ce là qu’il fallait chercher Terre O.
La seule certitude que nous ayons, c’est que nous sommes tous natifs (même les races non humaines), de notre amas local, car aucun écrit ne semble corroborer la thèse d’une origine au-delà de l’amas local.
Si cela s’avérait exact, il ne lui était pas nécessaire de se rendre acquéreur d’un nouveau vaisseau, mais le BCMI (le bureau de control des matières irradiées) avait été formel, mon vieux caboteur, l’Espérance ferait son dernier voyage si je transportais cet iridium lourd. J’ai longuement hésité à le faire ce déplacement, mais au cas où cette info serait erronée, que la Terre originelle ne se trouvait pas dans ce secteur, et si il me fallait faire le grand saut mon Espérance ne serait pas adaptée. Et une autre raison m’a finalement décidé à le faire ce voyage, car pour entreprendre cette recherche, il lui fallait beaucoup d’argent. Du fric, Derek en avait mais sûrement pas suffisamment, surtout s’il voulait s’installer sur place par la ensuite.
M 33, je ne savais pas grand-chose de cette petite galaxie (pour être franc, je ne connaissais rien aux autres galaxies d’une façon générale), n’ayant jamais effectué le grand saut au cours de ma carrière.
Et pourtant, j’en ai effectué des bonds depuis que je naviguais, depuis que j’avais racheté ce navire il y a 45 ans. J’avais dû l’acheter d’occasion, n’ayant pas les moyens de m’en payer un neuf. Mais j’avais fait une bonne occase, 5 ans qu’il avait le rafiot lors de mon acquisition ! Et il était comme neuf. Son proprio, était décédé quelques temps après l’avoir acheté et comme il ne n’avait pas fini de le payer, le vendeur l’avait tout simplement récupéré. Et le vendeur était un bon ami à moi.
Dimitri, je l’avais rencontré au cours d’une viré nocturne, j’avais alors 23 ans à l’époque, et traînais sa carcasse dans les faubourgs d’Ophélia. Je faisais un peu déjà le même boulot mais plus terre à terre, j’assurais le transport de marchandise sur la planète même. Routier que j’étais en ces moments là, pas avec un camion, mais avec un tout petit aéronef privé, du moyen courrier pourrait t’on dire en quelque sorte.
Cette nuit là, Dimitri Petrovic rongeait son frein dans une bouteille de Zorg, un alcool local de très bonne qualité et semblait dans un état éthylique fort avancé lorsque je me suis pointé dans l’estaminet.
Je connaissais très bien Dimitri, qui d’ailleurs ne connaissait pas Dimitri Petrovic sur Ophélia, un des plus grands concessionnaires astro de la planète, pour ne pas dire le plus grand. Il venait assez souvent dans les bas fonds de cette banlieue, c’est là ou il y faisait ses meilleures affaires, il était sûr d’y rencontrer les plus grandes têtes brûlées planétaires. Moitié commerçant, moitié receleur, on lui prêtait une vie plutôt sulfureuse mais il était incontournable pour qui voulait se procurer un engin spatial de bonne qualité ou pour s’approvisionner sur n’importe quelle pièce d’occasion. Bien sûr, il n’était toujours pas trop bon de se préoccuper de la provenance de ces pièces détachées, mais il était, s’il n’était pas regardant quant à l’origine de ses acquisitions, d’une férocité exemplaire en ce qui concernait la sécurité et toutes les pièces qu’il proposait étaient de très bonnes factures et leurs faisaient subir de très nombreux tests. Ancien pilote et compétiteur de talent, il était très à cheval sur la sécurité, c’est d’ailleurs à cause d’un problème de sécurité qui avait été estropié à vie et pour rien au monde, il ne se serait permis de mettre en péril la vie de ses clients.
Je l’avais donc rencontré cette nuit là et il m’avait abordé plutôt jovialement, il fêtait je ne sais plus quoi, une très bonne affaire sans doute. Il m’aborda avec une idée bien arrêtée, celle de me faire partager son ivresse.
-- Hé Derek, que fais-tu là seul dans ton coin, viens me rejoindre, aujourd’hui, c’est jour de fête, on boit à l’œil, c’est moi qui régale ?
Il recommanda une bouteille de Zorg et remplit les verres.
-- Alors, tes affaires vont bien depuis la dernière fois que je t’ai vu ?
Il avait une mémoire d’éléphant et se souvenait d’une nouvelle tête aperçue plusieurs années auparavant. Je l’avais rencontré lors de ma première acquisition, mon premier aéronef mon tortillard comme je l’appelais à l’époque, et bien sûr je suis passé chez lui, pas moyen de faire autrement.
Il avait été d’une grande honnêteté, j’étais jeune et il aurait pu profiter de mon inexpérience pour me refiler une merde, mais sa mauvaise réputation était due plus à ses relations qu’à ses opérations ou il se montrait d’une droiture à toute épreuve.
On avait fini la nuit chez lui où il m’avait tenu la jambe avec ses trophées gagnés une dizaine d’années auparavant lorsqu’il faisait encore des courses interplanétaires ou il excellait. Il avait remporté 3 années consécutives, le grand prix interplanétaire du cinquième bras galactique, le plus risqué mais le plus prisé. Il était connu dans plusieurs régions galactiques comme étant le meilleur compétiteur de cette épreuve et ses titres faisaient beaucoup d’envieux.
A 35 ans, il avait arrêté suite à un accident qui lui avait coûté sa jambe droite, son convertisseur avait explosé suite aux mauvais traitements qu’il lui avait fait endurer. Il avait été récupéré de justesse, 6 mois plus tard ou il n’avait dû sa survie qu’en se plaçant dans un caisson de cryocongélation après avoir lancé ses balises de détresses, son hypercom ne fonctionnant plus comme je t’ai expliqué plus haut. A un mois près, il y restait, ses réserves de batteries arrivaient au plus bas, si la maintenance en état de cryocongélation ne consomme pas grand-chose dans espace, l’appareillage de surveillance consommait quand même un peu de courant.
Lorsque les secours le retrouvèrent, il ne lui restait que 5 % de réserve d’énergie, chose qui ne serait pas arrivée de nos jours car la sécurité interstellaire (après une lutte acharnée qu’il avait menée auprès des autorités compétentes), contraignait toute nef neuve qui prenait l’espace d’avoir un convertisseur de secours qui prenait automatiquement le relais en cas de problème du convertisseur principal.
Quand il m’avait cédé ma toute première acquisition, la loi n’était pas encore rigueur et la mise en conformité sur les anciennes nefs (comme la mienne), n’était pas encore obligatoire, ce qui m’avait occasionné deux ou trois sueurs froides lorsque j’ai eu des problèmes de convertisseur à mon tour.
Par la suite, lors de mon deuxième coup de semonce, j’ai pris la décision de me procurer un convertisseur de secours, si le vieil adage était vrai, jamais 2 sans 3 et bien que je sollicitais moins mon moteur que Dimitri ne pouvait le faire avec le sien, j’avais le sentiment que cette fois serait la bonne, aussi, j’ai décidé de ne pas tenter le diable et bien que je n’ai jamais eu le loisir de m’en servir, j’ai opté pour un convertisseur de rechange.
Cette nuit là, Dimitri me confia qu’il pouvait me faire obtenir un aéronef d’une qualité exceptionnelle à un prix défiant toute concurrence. Le propriétaire venait de décéder prématurément sans héritier comme il se doit pour un passeur et il lui restait 5 ans d’échéance sur son acquisition ; si bien que comme c’était Dimitri qui lui avait vendu à tempérament, (petit détail qui à son importance, les « Passeurs » qui ne pouvaient pas payer cash leur acquisition se voyaient systématiquement refusé leur crédit même si ils possédaient des biens personnels car la profession était considérée comme ayant un facteur de risque de niveau 10, soit le plus élevé existant et les professionnels du crédit en avaient marre de se retrouver propriétaire de vaisseaux très souvent en mauvais état ou héritiers de biens se trouvant à l’autre bout de la galaxie, avec peu de chance de revoir leurs billes si la chose était possible un jour et bien souvent en triste état de délabrement, n’oublies pas le décalage temporel, cette fameuse relativité ), Dimitri à donc récupéré comme il se doit l’aéronef et me le proposait pour une bouchée de pain (n’étais-je pas son meilleur ami depuis bientôt 5 heures).
Devant mon hésitation, il me proposa de me reprendre mon vieil astro et me cédait cette merveille pour le quart de sa valeur sur une période de 5 ans sans intérêt avec en prime la tournée qu’assurait l’ancien proprio.
Je ne manquais pas de lui demander pourquoi une telle mesure de mansuétude à mon égard.
Dimitri éclata d’un grand rire tonitruant.
-- Ne te considères pas comme un privilégier, cette faveur n’en ai pas une en réalité mais plutôt une garantie pour moi !
-- Non seulement, ton vieil appareil se revendra très bien et je compte bien gagner ma vie sur cette transaction, mais si je te refile la tournée en plus, c’est qu’elle représente une bonne rentrée d’argent pour toi, ce qui te permettras d’une part, de me rembourser plus facilement et de plus, elle consistera à assurer la liaison sur la planète la plus proche de la notre, And 2 542 IV (Séphora) qui se trouvait à peine à une heure lumière d’ici, la proche banlieue quoi !
Je ne voyais pas, mis à part l’assurance d’une bonne rémunération ce qui pouvait bien le réjouir dans cette situation, pourquoi il semblait si confiant dans le fait que je pourrai le rembourser.
-- Tu vois mon garçon, une heure lumière ne vaut pas le coup de voyager en vol sub-aluminique, et il n’y a donc pas de décalage temporel entre le pilote et Ophélia ou si peu (quelques minutes sur l’ensemble du déplacement), si bien que lorsque tu reviendras de ta ballade interplanétaire, temps de déchargement et rechargement compris, une semaine se sera écoulée pour toi comme pour moi et je n’aurai pas le souci de te courir après pour me faire payer, d’autant qu’il n’y a qu’un astroport sur notre monde et il se trouve à une heure de route d’ici, donc toutes les semaines tu rentreras au bercail, et chose que tu ignores, c’est que le contrat que tu va signer te contraindras à assurer cette navette pendant 5 ans et si l’envie te prenait de prendre la poudre d’escampette, 24 heures plus tard, tu aurai toute la police intergalactique à tes trousses.
Je savais qu’il ne plaisantait pas, qu’il avait le bras assez long pour obliger les signataires du contrat à ce genre de conditions, de plus, la menace d’envoyer la police intergalactique n’était pas une parole en l’air, car de nos jours, personne ne pouvait s’échapper nulle part, grâce ou à cause comme tu veux, à l’hypercom, une information pouvait être transmise instantanément dans toute la galaxie et arriver en même temps et très souvent avant sur n’importe quel point de l’Univers, que le pilote délinquant. Plus personne ne pouvait fuir de nos jours sans être sûre d’être rejointe dans les heures qui suivent. On avait beaucoup plus de chance de passer inaperçu dans une grande ville d’une planète quelconque, noyée dans la foule, que de choisir l’exil planétaire, ou alors il fallait disparaître définitivement en préférant une planète ne faisant pas partie de la confédération, s’il en existait une et ceci était sans aucun espoir de retour.
L’affaire fut donc faite, et je signais un mois plus tard. Quarante cinq ans après cette nuit, je me souviens du chemin parcouru avec une certaine amertume, j’ai vécu effectivement comme je l’avais voulu, gagné pas mal de fric, mais le plus dur, c’était qu’avec ce genre de vie, on ne garde pas ses amis longtemps, car après avoir rempli mon contrat qui me liait pour 5 ans, j’ai revendu mon traité d’exclusivité et je me suis lancé dans un commerce plus lucratif en devenant Passeur à mon tour et quand on est Passeur, plus question d’avoir une vie de couple, c’était marqué défendu, très peu de femmes acceptaient de suivre leur compagnon dans cette aventure et celles qui affectionnaient ce genre d’existence se comportaient comme leurs collègues masculins et formaient rarement une famille.
Tous ceux que je connaissais, et qui ne sont pas morts en chemin se sont arrêtés relativement jeunes 35, 40 ans maxi, ce qui correspondait en gros entre 400 et 900 ans de vie pour un terrien en fonction des secteurs galactiques visités (n’oubliez pas que le temps est local et donc différent selon la zone). Dans mon cas, j’ai 45 ans de service, mais comme tous mes confrères on avait trouvé une parade au vieillissement, une sorte de botox des plus efficaces, la cryocongélation.
Pour des distances n’excédant pas une semaine, la cryo n’était pas obligatoire, et il était très rare que mes missions ne se prolongent au de là de cette période, mais, j’ai pris l’habitude de me cryostaser même pour une distance de 24 heures ce qui à pour conséquence de stopper le vieillissement des cellules de l’individu qui y est soumit, et de plus au moment du réveil, des substances chimiques fortifiant le métabolisme humain sont ingurgitées, si bien que chaque fois que je me réveille, à défaut de rajeunir, je ne vieilli pas et j’ai toujours 25 ans ou plutôt j’ai l’air d’avoir 25 ans, mon corps a 25 ans alors que mon esprit à 68 ans et pour l’état civil de ma planète j’ai 784 ans. Difficile à avaler mais il faut s’y faire.
Le plus épineux problème que les gouvernements de la confédération ont eu à réglés entre eux pour s’organiser dans la vie quotidienne a été de mettre un système de décompte du temps Universel. Le temps étant local et s’écoulant de manière différente pour chaque bras galactique, voir dissemblable par système planétaire aussi ce n’était pas évident pour les contacts, les affaires et papiers officiels.
Aussi, ils sont partis d’une base commune, l’année galactique qui était la même pour chacun, si ce n’est que le nombre de jours était différent ainsi que la durée des jours.
Une année galactique durait très exactement 225 millions 432 mile 107, 04 années d’ Ophélia et durait exactement le même temps sur un quelconque autre secteur galactique mais exprimé dans une autre unité de temps.
Bon, je vois que tu as décroché, ok, prends un disque CD ou DVD, il tourne dans le même temps au centre que sur les bords, donc il tourne dans le même temps à des vitesses différentes selon l’emplacement où tu te trouves sur la surface du disque. Près du centre il tourne à une vitesse plus lente que sur les bords, mais dans le même temps, tu suis ? Si tu te positionnes au centre et tu regardes une autre personne se trouvant sur le bord, tu tournes en même temps que cette autre personne dans le même temps mais tu parcoures moins de distance. Un tour complet pour la personne du centre (appelons-le centriste) dure une année, pour la personne du bord (comme on ne peut pas parler de droite ou de gauche, appelons-le extrémiste ou ultra), le tour dure aussi une année sauf qu’il aura parcouru plus de distance.
La distance parcourue par la personne du bord (l’ultra) est très exactement égale à la distance entre les deux personnages multipliée par deux et multipliée par trois virgule quatorze (R + R x3, 14), mais ça, tu l’avais déjà calculé et quelle que soit la distance parcourue par nos deux personnages, il s’est toujours écoulé un tour (ou une année) pour nos individus.
Pour Ophélia, l’année galactique durait donc 225 millions 432 mile 107, 04 années en années d’Ophélia, mais toute la galaxie tournait dans le même temps mais exprimé dans des unités différentes.
Un bon ordinateur aura vite fait de calculer les équivalences, donc pour faciliter la compréhension de tous, nous parlons entre-nous d’années, de mois de jours, d’heures, de minutes et de secondes galactiques et les ordinateurs recalculaient en unité locale.
Pour coordonner l’année avec les autres galaxies, bien que plus épineux, on a procédé de la même manière et on parle alors de temps Universel.
Un autre problème à vu le jour à la même époque et quoique auparavant beaucoup plus simple que ce problème de temps, nous demanda plus de temps à résoudre, ce fut la langue commune à adoptée. Certes, nos traducteurs linguistiques faisaient merveilles, mais quelle langue choisir pour ne vexer personne. Si sur chaque planète, les gens parlaient la même langue, il n’en était pas du tout de même pour le restant des planètes. Je n’irais pas jusqu'à dire qu’il existait une langue par planète ; mais presque (s’il n’existait pas une langue différente, il existait bien un dialecte différent). Comme la confédération dénombre, presque six millions de planètes (le nombre exact n’est pas connu du commun des mortels et en plus, il y a des ralliements quasiment chaque année).
Le problème a perduré quand même plus de 15 siècles et petit à petit, un espéranto a vu le jour, surtout dans la communauté des passeurs, ce qui a contribué considérablement à développer l’essor commercial de la galaxie et contribué à consolider une paix durable entre toutes ces races hétéroclites.
J’étais sorti de mon coma artificiel depuis une petite heure, (ma cryo si tu préfères), et je buvais un zac (une espèce de café régional que l’on trouve sur Ophélia car du café comme tu l’entends, il n’en n’existe plus depuis plus de 1 000 ans, faut faire avec, l’avantage, c’est qu’il n’y a pas de caféine). Brontex, mon ordinateur de bord ou X 24 3455 série A pour les intimes, m’annonça que nous approchions de la planète Sulky, destination finale de mon voyage, dans 3 heures je serai posé, 1 heure plus tard la clairance serait terminée et le déchargement pourra commencer et si tout va bien, d’ici 2 jours, j’aurai achevé ma course. Une simple signature et mon compte seraient approvisionnés 3 jours plus tard, je remettrai le cap sur Ophélia.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 13 autres membres