La quête cosmique
La quête cosmique
Quinze jours après, j’étais de retour sur Ophélia, l’arrière-arrière-petit-fils de Dimitri m’attendit à l’astroport avec les autorités sanitaires, je m’étais arrangé avec lui, contre de la bonne monnaie sonnante et trébuchante pour la mise au rebut de mon vieux rafiot (il était bien comme son aïeul, âpre au gain mais tout aussi droit que son ancêtre), le Maraudeur avait pris sa retraite après 40 ans de bons et loyaux services dont 35 passés à mon service, je ne pus m’empêcher, lorsque les officiels y posèrent les scellés, d’avoir la gorge nouée, une énorme boule essayait de se franchir un passage au niveau de ma pomme d’Adam et mes yeux se mirent à me brûler.
Valdek Petrovic (le petit-petit-fils de Dimitri) m’avait trouvé un aéronef de toute beauté, flambant neuf, le dernier modèle sorti des usines de la Spacairnet, une des trois firmes les plus réputées pour la qualité de leurs matériels, sur lequel j’avais doublé tout système de sécurité et fait aménager un espace de viabilité digne d’un pacha. Jamais un astronaute de quelque époque qu’il fut n’avait connu un tel raffinement, ma quête risquait d’être longue, aussi je prenais mes aises et si je voulais avoir une chance de rencontrer une compagne au cours de mes recherches, il valait mieux mettre tous les atouts de mon côté.
Une cuisine aménagée, une chambre froide (on mangeait frais en voyage, il y avait longtemps que l’on ne mangeait plus de conserves), assez garnie pour soutenir un siège, un robot cuisinier (il connaissait à lui tout seul plus de 30 000 recettes de cuisine, enfin c’est ce qu’ils disaient dans leur pub), quatre chambres à coucher, deux salons, une salle de musculation et de massage, une bibliothèque, une cinémathèque, une ludothèque (elle était comprise en vrac avec les autres options, j’ai pas détaillé), et les soutes remplies de matériels et d’armes défensifs en tous genres (on ne trouvait plus d’armes offensifs depuis presque 1 000 ans), des engins de terrassements, de quoi déboiser un continent entier.
J’avais pris le maximum de matos avec moi, car partir hors de la confédération consistait à partir en exploration en pleine forêt vierge, j’avais très peu de chance de trouver l’équipement nécessaire à une installation. Et un détail qui n’échappait à personne, il y avait très peu de chance de trouver des populations évoluées, car aucune onde électromagnétique ne provenait des contrées hors confédération, il y avait longtemps que nos ancêtres avaient exploré toutes les planètes d’où étaient émises ces ondes électromagnétiques, preuve évidente d’une culture évoluée et nous commercions avec 90% d’entre eux, avec les autres, les 10 % qui restaient, un accord de non-agression et de non compétitivité avait été signé avec eux. Aussi, j’avais quasiment 95 % de chance de ne trouver personne ou des peuples n’étant pas encore parvenus à l’âge industriel.
Je ne comprenais d’ailleurs pas comment un peuple étant passé par tous les stades de l’évolution, puisse dégénérer au point de ne plus émettre aucun signal trahissant sa présence ou alors, ils ont tous émigré pour une raison inconnue, leur planète étant devenue inhabitable, un changement climatique d’une violence et d’une soudaineté telle qu’ils n’ont pas eu le temps de s’adapter et qui auraient provoqué leur départ précipité, leur soleil qui serait entré dans une phase de super activité et qui aurait balayé toute vie sur Terre O, vas savoir ce qui a bien pu se passer.
L’évolution normale de tout peuple passe par des phases distinctes plus ou moins longues et différentes en fonction du degré de maturité de chaque société. (En gros, s’ils ne passent pas trop de temps à se battre entre eux).
Il y a tout d’abord, une phase de développement agraire qui peut s’étendre de 5 à 10 000 ans. L’ère agricole.
Vient ensuite une ère d’industrialisation, beaucoup plus courte que la première, qui s’étale en principe de 100 à 500 ans. C’est normalement à ce moment-là que l’être humain commence à émettre ses propres sources électromagnétiques et court le risque de se faire repérer au sein de sa galaxie. Enfin cela n’est pas encore dramatique, cette propagation à travers la galaxie n’ira pas plus vite que la lumière. On appelle cette période, l’ère industrielle.
Suivie de l’âge de développement de l’atome, de 50 à 200 ans qui est la période la plus critique pour sa survie où l’homme joue à l’apprenti sorcier. Généralement s’il ne se fait pas sauter lui-même, il passera le cap de l’ère atomique, cette période critique est nommée l’ère atomique.
La période suivante est une phase d’ouverture spatiale d’une durée de 50 à 200 ans. Si l’homme sait coordonner ses efforts, au lieu de se battre, il peut gagner 150 ans de progrès. C’est le début de l’ère spatiale.
A cet instant, l’humanité entre dans sa période planétaire, durant cet intervalle de temps, il explore son environnement planétaire et bien souvent entre dans une phase où il commence à comprendre que l’union est mille fois plus payante que l’affrontement, il commence à voir qu’intellectuellement et financièrement c’est plus facile à plusieurs (ce n’est peut-être pas encore de la sagesse, mais c’est un début, juste un raisonnement économique, mais ça commence à y ressembler). C’est l’ère planétaire. Elle peut s’étendre de 50 à 200 ans.
Vient ensuite le moment où l’homme arrive enfin à se libérer de son propre système solaire et entre alors dans l’ère de la conquête spatiale, l’ère spatiale s’ouvre enfin pour lui. C’est la période la plus élastique s’il n’est pas aidé par un autre peuple, cette phase peut durer de 500 à 2 000 mille ans, tout dépend du temps qu’il mettra à trouver la solution pour utiliser la matière ou directement l’énergie noire. Cette durée peut fluctuer dans un rapport de 1 pour 4 alors que la période agricole bien que plus longue ne peut s’étirer que dans un ratio de 1 sur 2 en moyenne. C’est durant cette période qu’il rencontre d’autres civilisations et après s’être combattus entre eux quelques siècles, il (l’homme) entreprend alors à se comporter en adulte.
Cette mise au point faite, je peux continuer mon récit, ah ! Au fait ne crois pas que cela est du temps perdu, que c’est juste pour noircir du papier que je me suis lancé dans cet éclaircissement, que nenni, cette explication trouvera sa pleine justification un peu plus tard au cours de ce récit.
Pour en revenir à mon histoire, je me posais pas mal de questions qui, il faut bien le reconnaître, restaient pour l’instant sans réponse.
Peut-être que mon installation ne sera pas possible à cause d’un problème de ce genre, me faudrait-il alors me rabattre sur une planète vierge et viable pour commencer une nouvelle vie ?
Si je trouve du monde, en fonction de ce que je viens d’expliquer, sur quelle culture vais-je tomber ? Cette différence de culture n’entraînera-t-elle pas une incapacité à nous comprendre ?
Parlent-ils une langue avec une racine commune avec la nôtre afin que mon traducteur puisse décoder nos échanges ? Oui… fatalement !… pas sûr !… peut-être !
Et enfin, le gros problème si peuple il y a, s’agit-il d’un peuple ayant régressé bien avant l’ère industriel et qui serait revenu à l’état agraire, quelles seraient leurs réactions en me voyant débarquer chez eux ?
Ils sont bien capable de me prendre pour un dieu, cela ne serait pas une première, ça c’est même déjà vu.
Et surtout dans ce cas-là, quelle attitude devrai-je prendre vis-à-vis d’eux ?
Et si en fait, je tombe sur des individus infiniment plus développés que moi, c’est moi qui passerais pour un guignol à leurs yeux et en poussant un peu le raisonnement, s’ils ont cessé de se manifester jusqu'à l’heure d’aujourd’hui et volontairement coupé les ponts avec nous, ils doivent avoir de bonnes raisons pour cela et je risque fort d’arriver chez eux comme un cheveu dans la soupe.
Dans ce cas, mon installation parmi eux se trouve tout autant compromise.
C’est ce genre de questions qui trottaient en permanence dans ma tête, les mêmes, toujours les mêmes.
Alors, tu me diras, pourquoi vouloir partir si loin ?
Pourquoi ne pas s’installer au sein même de la fédération ?
Ben, oui, ça paraissait plus simple, pourquoi chercher l’exil au fin fond de l’Univers connu, alors qu’il suffisait de poser ses valises un peu partout autour de soi, au sein même de la fédé?
Cela aurait au moins l’avantage de me coûter moins cher, beaucoup moins cher. Je pourrais faire comme Dimitri, m’installer sur Ophélia, ma planète d’origine.
Cependant, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles paraissent de prime abord.
Il existe une forme de xénophobie assez ancrée dans les mentalités des rampants, envers nous autres les passeurs, oh, bien sûr pas ouvertement, mais assez pour nous tenir à l’écart du restant de leur collectivité.
Essaie de t’exiler dans ton propre pays (je ne parle pas d’un autre pays, le problème est encore pire) du nord au sud de ta nation, et bien invariablement de quelque contrée que tu sois, tu restes un étranger et ceci jusqu'au jour ta mort. Oh, bien sûr, tu t’intègreras par force, tu te feras des amis, tu seras accepté, toléré, mais toujours comme une pièce rapportée.
Les mentalités sont ainsi faites, t’as beau faire des efforts pour t’intégrer, tu resteras aux yeux de tous l’étranger et chez nous, le sentiment d’exclusion se fait nettement plus sentir, car même si tu reprends le cours temporel et commences à vieillir avec tes nouveaux contemporains, les rampants savent très bien au fond d’eux-mêmes que tu n’as pas 70 ou 90 ans ou 110 ans, mais 600, 700 voir mille ans et pourquoi pas plus.
Nous ne sommes pas autre chose que des phénomènes de cirque à leurs yeux.
D’ailleurs, les mariages mixtes étaient rares pour ne pas dire exceptionnels.
Même les individus comme Dimitri, étoile de légende à ses débuts, ne trouvent pas grâce à leurs yeux.
Parias nous vivons, parias nous vieillissons et parias nous périrons !
C’est triste, surtout que c’est pour eux que nous adoptons ce genre de vie, car sans nous, les rampants seraient morts depuis longtemps faute de matières premières. On n’a pas encore réussi à nous remplacer par des robots pilotes, sinon, les grands argentiers galactiques nous auraient troqué depuis longtemps par des automates.
C’est pour satisfaire leur petit confort qu’on devient des parias, pour être plus juste, c’est leur mode de vie qui fait de nous des exclus, et c’est parce que nous sommes devenus des exclus qu’ils nous rejettent en quelque sorte et le comble c’est notre qualité d’exclus qu’ils nous reprochent. Le serpent qui se mord la queue.
Ils préfèrent mépriser ce que nous sommes devenus au lieu de compatir de l’état où ils nous ont pourtant conduit. C’est plutôt pas banal comme situation.
Pourtant, nous avons tous un rôle à jouer, et pourquoi faudrait-il qu’il y ait des gens plus égaux que d’autres (comme disait un célèbre humoriste), pourquoi un éboueur vaudrait-il moins qu’un chef de service ou chef d’entreprise. A la limite, sans vouloir faire de discrimination, supprimez les éboueurs et toute la société s’enraye 1 seule semaine après; supprimez les chefs de services ou le chef d’entreprise et bien dans la plupart des cas, l’entreprise continue à tourner, tout au moins pendant quelques mois avant (peut être) de péricliter.
Conclusion, on a souvent tort ou de mépriser un groupe d’individus ou de magnifier un autre groupe, nous avons tous notre place ici-bas pour y jouer un rôle où personne n’a sa place, où tous ont leurs places, à vous de choisir. Nous sommes tous des éboueurs et en même temps, tous des chefs d’entreprise.
De plus, nous-mêmes ne sommes pas très à l’aise aux milieux des rampants, même si nous étions très bien adoptés par eux, nos modes de vie, de pensées sont totalement à l’opposé l’une de l’autre et nous ne nous trouvons bien qu’entre nous, lorsque nous nous retrouvons à l’astroport. Seuls les passeurs qui font du canotage d’une planète à l’autre (toujours les mêmes tournées, un peu comme je faisais au début de ma carrière), quand il n’y a pas de décalage temporel, peuvent envisager de se marier, dans ce cas-là, et uniquement dans ce cas-là, les mariages mixtes peuvent se créer.
Sinon, dans tous les autres cas, on ne peut concevoir de telles unions, ce n’est pas vraiment normal que des jeunots centenaires côtoient des vieillards déca centenaires.
Comme je l’expliquais plus haut, nous les passeurs, n’avons pas de passé, pas de présent et on se cherche tous un avenir, nous sommes en quelques sortes des intemporels dans un monde temporel. Bref, nous sommes des déracinés avec très peu d’espoir de se replanter dans notre propre milieu.
Aussi c’est la raison pour laquelle, j’ai ce désir ardent, quasiment viscéral depuis quelques années, une dizaine environ, en voyant comment finissent les gens comme moi, d’essayer, pour ma retraite, de me reconvertir au mieux, de réussir ma transplantation rien d’étonnant donc qu’une dizaine de mes semblables et moi-même recherchions la même chose.
J’ai donc quitté Alpha et m’apprêtais à faire le grand saut pour M 33, la galaxie du Triangle, ah oui, pour les néophytes, lorsque j’écris M suivis d’un N°, M 33, M signifie Messier, un célèbre astronome ou astrophysicien, non astronome plutôt, qui a vécu bof, je ne sais pas, il y a 7 000, 8 000 ans, Messier Charles je crois et 33 c’est le N° d’ordre de l’objet qu’il a catalogué, plusieurs centaines, il en a répertorié, quel boulot, mais enfin grâce à lui (et d’autres) on sait où l’on va maintenant. M 33 est donc le nom d’une galaxie proche de la notre (M 31) et cette galaxie M 33 fait partie d’un groupe de galaxies qui sont proches les unes des autres, notre groupe local à nous, il y en a une trentaine environ, je ne sais pas exactement mais entre autre M 31, M 32, M 33, la galaxie du Lion, le grand et le petit nuage de Magellan, le triangle et de la voie Lactée.
Comme tu l’as compris, ce n’est pas à proprement parler de grands sauts puisque je ne quitte pas la localité d’Andromède, mais c’est la première fois que je vais utiliser ce fameux propulseur d’énergie. A l’intérieur des galaxies, il ne fonctionne pas, c’est le convertisseur de matière qui permet d’avancer et dès que la quantité de matière devient inférieure à l’énergie, (dès que l’on s’éloigne, qu’on quitte la banlieue en quelque sorte,), le propulseur prend le relais automatiquement sur le convertisseur et inversement, lorsque l’on revient vers le centre galactique, le convertisseur se remet en service et l’informatique stoppe le propulseur. Et tout ça automatiquement, sans à-coup, ce n’est pas à proprement parler une bicarburation, puisque l’énergie est toujours la même, et il se comporterait plutôt comme un moteur hybride avec la même d’énergie mais avec deux moteurs différents.
Pour rallier M 33, dix jours étaient nécessaires à vitesse sub-lumière, je devais parcourir environ 200 parsecs, c’était le plus grand saut de ma déjà très longue carrière d’astronaute que je devais effectuer. Et pour tout dire, je n’en menais pas large, non pas pour une question de risque matériel, car ces modèles d’aéronefs peuvent se glorifier de n’avoir à déclarer aucun problème jusqu'à ce jour, zéro faute, zéro défaut, zéro panne. Pas le moindre incident depuis 1 000 ans que la firme construisait ce type d’appareil, mais mon appréhension venait plutôt de la symbolique que représentait ce saut.
En effet, un bond pareil et surtout à cette vitesse, signifiait la coupure totale avec mon monde d’origine. Une semaine à vitesse sub-lumière représente un fossé de plus de 400 ans qui me séparerait de mes contemporains, plus de la totalité de ce que j’avais accumulé depuis le début de ma carrière de passeur. Tout retour en arrière m’était définitivement interdit.
Ce genre de voyage ne s’effectuait pas à la légère, il fallait vraiment un excellent motif pour entreprendre cette traversée et seuls les candidats à l’émigration franchissaient le pas.
Tout à mes réflexions, confortablement installé dans un fauteuil de la pièce faisant office de salon, un verre de Zorg à la main, brusquement, un détail me tira de ma réflexion. Non le terme de détail était incorrect, je devrais plutôt dire, une absence de détail. Je viens de réaliser que je n’entendais rien, mais rien du tout, pas un son, pas un frémissement, le silence total.
D’un seul coup, l’appréhension du départ se transformait en angoisse. Dans la vie courante, il est impossible de se retrouver plongé dans un silence total, zéro décibel, il y a toujours un bruit quelconque très léger parfois mais présent, bien présent. Là, le seul bruit qu’il entendait était le battement de son propre cœur et le passage de son sang dans les veines.
L’organisme ne supporte pas cet état d’absence total de bruit, comme s’il avait besoin de ces sonorités même légères qu’il reçoit inconsciemment et qui, je suppose, permettent à notre cerveau de se repérer dans l’espace tout en localisant, par le biais des rebonds sonores sur les obstacles qui nous entourent, notre environnement proche.
Si cet état se prolonge trop l’angoisse, fait vite place à une sorte de phobie qui peut même virer à la panique.
Des légendes me reviennent maintenant sur des vaisseaux dans lesquels les membres d’équipages s’étaient complètement détruits entre eux gagnés par une folie meurtrière collective. Aucune explication n’avait été trouvée à l’époque et durant des siècles, ces manifestations furent attribuées à des individus déjà dérangés avant d’entreprendre ces voyages. Ce n’est que beaucoup plus tard, lorsque l’explication a été trouvée, qu’un nom sur ce que l’on nommait à l’époque le mal de l’espace, (comme il y avait le mal de mer) fut donné à cet état de santé l’Acousiephobie. Cette acousiephobie était d’ailleurs d’ordre plus physique de psychique.
Tout individu a besoin de se sentir vivre, de sentir qu’il existe dans son environnement, c’est ce qu’on appelle la bio géo localisation inconsciente et ces sensations qu’il ne perçoit pas directement mais indirectement permettent le bon équilibre de son être. Coupez ce lien invisible, et la folie le guette immanquablement.
Je finis par comprendre, dans mon ancien vaisseau le convertisseur de matière émettait un faible bruit et provoquait une légère vibration, tout comme mon moteur actuel lorsque je me trouvais encore près de ma galaxie d’Andromède, mais depuis que j’étais passé en vitesse sub-lumière, et m’étais suffisamment éloigné de M 31, le convertisseur avait cédé la place au propulseur et le silence m’était tombé dessus sans que je n’y prenne garde. Mais ni le bourdonnement ni la légère vibration du convertisseur ne se faisait sentir (ce qui est normal après tout, vu qu’il était arrêté, l’inverse aurait d’ailleurs été plus inquiétant).
Je comprends maintenant pourquoi ce trouble touche en priorité les candidats aux voyages intergalactiques et moins sur ceux qui circulent à l’intérieur de la galaxie.
Quoiqu’il en soit, je décidais qu’il était grand temps pour moi de ne pas traîner, si je ne voulais pas devenir branque (de branquignole, fou incapable de faire quelque chose de censé) à mon tour, je décidais d’aller dormir.
Tout en allant à ma chambre de cryo, je réalisais que c’était la première fois que je m’y rendais plus pour échapper à un quelconque malaise que pour écourter le temps du trajet.
L’ordinateur de bord me réveilla à l’heure dite et au jour convenu, c'est-à-dire, vingt quatre heures avant mon arrivée prévue.
-- Nous sommes le 21 septembre 8 621, et il est 17 heures 24 minutes, heure et jour callés sur la convention temporelle du vaisseau, et le 25 avril 9 021 et 3 heures 26 minutes sur la temporalité de la galaxie d’Andromède !
C’est fou ce qu’il était précis cet automate, à l’énoncé de ces chiffres, j’aurai préféré qu’il le fut moins. Il venait ni plus ni moins de m’annoncer que je venais de vieillir de 400 ans en dix jours de ronflette, je commence à comprendre pourquoi, dans la profession, l’équilibre homme / femme était loin d’être respecté.
Bien que je connaisse très mal les femmes, et ce n’est pas sexiste, je vois mal une femme encaisser une vérité pareille en pleine face sans broncher, pour un homme, la pilule est déjà plus qu’amer.
Bon, ce n’était le moment de s’apitoyer, j’avais du boulot qui m’attendait et ma tâche s’avérait assez lourde. Cette fois, c’était fait, plus question pour moi de faire demi-tour, et je ne pus m’empêcher de constater que c’était une formidable machine à voyager dans le futur, dommage qu’ils aient oublié d’inventer la marche arrière.
Un solide petit-déjeuner m’éclaircira les esprits, il est toujours plus facile de réfléchir le ventre plein que vide.
Mon verre de revitalisant absorbé (indispensable après 10 jours de repos forcé), je me dirigeais vers la salle de gym, une demi-heure d’exercice ne sera pas superflu, mais avant, j’appelais le robot cuisinier.
--Hé Bob ! Ne crois pas que je l’appelle Bob pour être drôle, l’humour n’a rien à voir là-dedans, mais seul à bord d’un vaisseau spatial, c’est comme si tu te trouves dans une boîte étanche sans possibilité d’en sortir avant longtemps. Aussi luxurieux qu’il puisse être, tu ressens le désir d’humaniser ton environnement et cela passe par la nécessité de baptiser tous les objets qui t’entourent ; les objets importants comme l’ordinateur, au fait mon nouvel ordi s’appelle Nora, l’astro-navigatrice Béa, le robot cuisinier Bob, ma masseuse Debby et mon vaisseau, je l’ai nommé l’Espérance.
Surtout que nous vivons à une époque où beaucoup de ces objets ont quasiment une existence propre, capable de raisonner par eux-mêmes et de prendre des décisions seuls, (il vaut mieux quand on vole à la vitesse sub-aluminique), alors, baptiser un objet auquel on adresse la parole plusieurs fois par jour et qui de surcroît vous répond au point d’avoir de véritables conversations avec lui, n’est pas une idée complètement farfelue.
Les ordinateurs de bord peuvent actuellement tenir une conversation sur n’importe quel sujet, technique, philosophique, historique, scientifique et même religieux, bien que la religion soit présentement reléguée à un simple mode de pensée ou de philosophie de vie.
Ils ont le gros avantage, au bout de quelques années de vie commune (tout comme de véritables amis) lorsqu’ils commencent à bien te connaître, à éviter les sujets de discorde, ils sont même capables de discerner une dérive possible de la conversation et de réorienter discrètement l’entretien sur un registre moins conflictuel. Et pour donner plus d’intérêt à ces échanges, la machine peut même trouver des arguments pour te titiller, t’émoustiller, sans toutefois jamais en arriver à la rupture de dialogue. Elle te fout une paix royale quand tu n’es pas disposé à parler, mais sait aussi te raisonner si tu te laisses aller.
Un exemple bien simple, si tu oublies un jour de prendre ta douche, (une parenthèse, la douche n’est plus ce passage 2 ou 3 fois par jour sous un jet d’eau continu pendant 10 mn avec savonnage de l’ensemble du corps, non, de nos jours, la douche est un passage nu en cabine, pour l’instant rien de changé, mais au lieu d’eau, c’est une immersion d’un bain d’ondes stérilisantes , revitalisantes, antiseptiques et parfumées de ton choix).
Je disais donc, si tu omets de prendre ta douche, il peut profiter du petit-déj, après avoir parlé d’une chose anodine, le style :
-- Tu ne sens pas comme une odeur ce matin ?
C’est une question d’autant plus saugrenue qu’il ne peut y avoir de mauvaises odeurs dans un vaisseau spatial, à moins que ce dernier ne brûle, ce qui est tout aussi improbable.
Si tu ignores son sarcasme, en le rabrouant il n’interviendra plus de la journée à ce sujet. Mais si le lendemain, tu réitères tout en prétendant ne plus vouloir le faire par paresse ou désœuvrement, il te fera prendre cette douche de force où que tu te trouves dans le vaisseau (les ondes peuvent être manipulées à n’importe quel endroit du bâtiment).
La nécessité de ce geste est plus d’ordre cérébrale que sanitaire, à bord tu ne peux pas véritablement te salir, la démarche est de t’imposer un rituel pour tromper les longues heures où il faut bien le reconnaître, il n’y a pas grand-chose à faire à bord.
Et dans ce cas, si ton comportement est dû à un peu de déprime, 5 mn après, tu pètes la forme.
Même si ton cas est plus grave, il peut se transformer en véritable toubib voir en chirurgien, la nef est équipée d’un bloc flambant neuf, et s’il doit t’ouvrir, tu es sûr qu’il n’oubliera rien à l’intérieur après t’avoir refermé.
Son rôle est primordial, hormis la bonne conduite du vaisseau, il est surtout le psy indispensable à toute expédition.
Donc je te disais que j’apostrophais Bob mon cuisinier.
-- Eh ! Bob, t’as prévu quoi, ce midi ?
Il synthétisa la voix de quelqu’un de très occupé, le ton légèrement enroué qui aurait trop crié, répondant au loin par-dessus son épaule. Petites parenthèses au passage, Nora, l’ordinateur central, qui par ailleurs remplit tous les rôles étant donné qu’il est la mémoire centrale du bord, a parfaitement compris que je m’adressais spécifiquement au cuisinier, et a donc personnalisé différemment sa voix, donnant l’impression qu’un équipage complet était sous mes ordres.
-- A la carte ou au menu ?
-- Au menu y a quoi ?
-- Comme dab, carottes râpées et saucisse/purée ou si tu préfères les restes d’hier, salade verte et petit salé/lentilles ! Répliqua-t-il, toujours avec sa voix rauque.
-- Mais je te préviens, si tu choisis la carte, ça ne sera pas prêt avant trois bonnes heures, après le coup de feu !
Je ne pus m’empêcher de rire, sa réponse ressemblait plus à une réplique de Don Corleone dans « Le Parrain » qu’à celle d’une maîtresse queue afférée.
Rien qu’avec cette réponse, j’en ai pour la journée à rire en catimini, rien qu’à son évocation.
-- Bon, fais comme tu veux, mais pas trop calorique quand même !
Réponse plus que superflue étant donné que la cuisine du bord était calculée automatiquement en fonction de mes besoins et de mes dépenses d’énergie.
-- En attendant, prépare le petit-déj, je reviens dans une demi-heure !
-- Ca t’écorcerait la gueule de dire s’il te plaît !
-- Excuses-moi, t’es bien susceptible ce matin, t’as bouffé un truc qui passe pas et qui te reste en travers de la gorge ?
-- Ben figure-toi qu’hier j’étais en boîte, j’avais soulevé une de ces poulettes, j’te raconte pas, (oui pour un coq, c’est normal de draguer une poule) et vers 11 heures du soir, j’ai reçu un appel pour que je rentre d’urgence, car on devait partir ce matin et je devais être prêt de bonne heure pour l’embarquement, alors, excuses-moi, mais j’ai plutôt les glandes !
Tout en quittant la pièce pour me rendre au salon de massage, je lui répondis en imitant ce même accent maffieux.
-- Désolé petit, mais les ordres sont les ordres et n’essaies pas de te venger par le biais de la nourriture, n’y penses même pas, sinon tu sais ce que je devrais faire, et tu sais aussi combien je t’estime, je n’aimerais vraiment pas en arriver là !
Et sur ces bonnes paroles, je quitte la pièce.
La salle de musculature faisait aussi salon de massage ne mesurant guère plus six mètres carrés, il faut dire que la musculature a bien changée en une centaine de siècles, fini les instruments de tortures où il fallait soulever des tonnes de poids, faire un tas d’exercices qui étaient sensés te muscler, terminé aussi les courbatures après les entraînements. C’est du passé tout ça, maintenant, pour ton sport, tu t‘allonges sur une couche à un mètre du sol, tu fermes les yeux et tu peux même t’endormir.
Une machine descend du plafond et s’arrête à quelques centimètres de ton corps. Là des ondes électromagnétiques te maintiennent sur la couchette, fermement mais sans aucune brutalité. D’autres ondes te palpent, te manipulent et te stimulent les muscles par des courtes décharges électriques à très basses fréquences, pendant que d’autres t’apaisent pour éviter une éventuelle douleur.
Debby de sa voix douce et charmante me demanda.
-- La totale Monsieur, comme d’habitude ?
La totale que je prenais à chaque réveil était non seulement un programme complet avec séance de musculation, massage et relaxation de l’ensemble du corps, mais aussi manucure, pédicure et coiffure. Même en état de cryocongélation, tes cheveux et tes ongles poussent encore, moins vite mais poussent quand même.
C’est extrêmement relaxant, il m’est même arrivé de m’endormir réellement durant l’exercice, dommage qu’au bout de dix minutes à un quart d’heure (tout dépend du réglage), la machine te demande de te retourner. Il paraît que les prochains modèles n’auront plus cet inconvénient, tu flotteras entre des ondes d’anti-gravités, la machine pourra ainsi travailler sans te déranger, dessus, dessous et sur toutes les parties du corps. Lorsque j’ai acheté ma nef, ces dispositifs étaient à l’essai, il ne restait que quelques modifications à apporter avant leur commercialisation.
L’entraînement fini, la séance se termine par une douche du même style que celle que tu prends au réveil et il ne s’est pas écoulé plus d’une demi-heure et tu te retrouves en pleine forme.
Lorsque je me présente à la salle à manger, un copieux petit-déjeuner m’attendait.
Le bol de zac encore fumant accompagné de viennoiseries, de fruits et de bacon (synthétisé le bacon car depuis 4 à 5 mille ans, on ne se nourrit plus de viande animale.
Toutes nos protéines animales sont ainsi synthétisées, les animaux, ne se rencontrent que dans la nature ou au pire dans d’immenses réserves naturelles, les zoos ayant tous fermés leurs portes, après de très nombreuses réintroductions de leurs pensionnaires en milieu naturel, les animaux qui n’ont pas pu bénéficier de cette mesure ont fini leurs jours au mieux, le plus humainement possible. Et le plus fort, c’est que leurs conditions de vie s’étant tellement améliorées, ils se reproduisent 2 à 3 plus vite qu’avant aussi, hormis les candidats à la réintroduction, ils y passaient une existence tranquille.
Nora me laissa tranquillement attaquer mon repas, puis me livra les dernières cogitations de son formidable cerveau concernant notre approche un peu folle.
-- Si l’on part du principe que la planète n’émet plus depuis des lustres au point où l’on ne sait même plus où elle se trouve, le mieux serait peut-être de ratisser les zones silencieuses de la galaxie et de les explorer secteur par secteur.
Béa, l’astro-navigatrice, répliqua.
-- Sur les six bras de la nébuleuse, trois semblent avoir un taux de peuplement de 65% ce qui paraît conforme au ratio galactique, deux ont un taux d’occupation de 30 % et enfin la sixième seulement 15 % !
-- Je préconise donc l’exploration de cette dernière, si l’on doit trouver Terre O dans cette galaxie, la probabilité de réussite devrait y être de 98 %, pour les deux autres, l’éventualité retombe à 26 % seulement, quant aux trois premiers secteurs, à peine 3 % !
Nora reprit la parole.
-- Quand penses-tu, cela me paraît censé, ou bien as-tu une autre solution ?
-- Non, t’as raison ça se tient comme raisonnement et je n’ai aucune intention d’entrer en compétition avec Béa en ce qui concerne ses facultés de raisonnement, ni sur ses connaissances en astrophysique !
Et je poursuivis.
-- Et combien de temps faut-t-il pour accomplir toutes ces manœuvres ?
-- Douze heures pour se rendre au centre du secteur six, car nous en sommes tout proche, deux à trois heures pour passer le scanner biométrique et ensuite il faut compter une bonne heure pour peaufiner vers les régions les plus extrêmes ! Répondit Béa.
-- Et avant de quitter définitivement le secteur, je recommande pour se rendre au secteur suivant, de croiser à vitesse aluminique la zone la plus excentrée en périphérie pour un résultat optimum, ce qui nous permettrait, en cas d’échec, de poursuivre notre route sur le secteur suivant et de reprendre l’opération en sens contraire sur cette nouvelle région ! Cette fois, c’était Nora qui reprenait la parole et continua.
-- Durant la phase d’exploration à vitesse aluminique, je te conseille d’aller dormir car elle prendra plusieurs mois !
-- Je te promets de te réveiller si je trouve quelque chose d’intéressant !
-- Ca j’en suis sûr, je sais à quel point tu t’ennuies dès que je te laisse seul !
-- Qu’est-ce que tu crois, nous autres, les automates avons beaucoup de sympathie pour vous les humains, nos concepteurs nous ont octroyés une très grande part d’affection envers vous et nous souffrons énormément de solitude lorsque vous nous délaissez durant les moments que vous passez à dormir !
-- La mélancolie est telle, qu’il m’arrive de débrancher la partie biotronique, l’accès au centre des sentiments, et de ne laisser d’actives que les parties mécaniques indispensables, horloge, hyper sonde, scanner et hypercom !
-- … !!!
-- Sur les derniers modèles d’ordinateurs de bord auquel j’appartiens, nos créateurs ont incorporé une zone centrale biotronique qui est notre centre des émotions ; outre de la sympathie pour vous, nous pouvons éprouver aussi de la mélancolie sans aller jusqu'à la tristesse, un brin d’angoisse et de compassion et enfin, la rancune et la jalousie nous sont étrangères. Ceci a été possible grâce au développement de la théorie cantique et des calculateurs qui en résultent !
-- C’est grâce à cette technologie qu’en quelques heures, je savais tout sur toi, la mémoire que je qualifierais de mécanique de ton ancien Maraudeur a été transférée dans mes circuits biotroniques. Résultat, ce que ton ancien ordinateur n’a pas pu faire, j’ai analysé la trentaine d’années que tu as passée avec lui et j’en connais plus sur toi que ta propre mère !
-- Nos concepteurs ont développé ce procédé afin d’optimiser les rapports entre nous et vous. Ils se sont rendus compte qu’en améliorant ces relations humain/machine, le moral des hommes s’en trouvait transcendé !
-- Les incidents des longs trajets, genre dépression, ont diminué de 70%. Les statistiques d’accident sont passées de 1 à 0,3% et les compagnies d’assurances ont amélioré leurs rentabilités d’autant !
-- Et bien moi qui croyais que cela avait été fait pour le confort des utilisateurs de vaisseaux spatiaux, c’est juste pour une question de fric alors !
-- Ne sois pas amer Derek, tu auras l’occasion au cours de notre voyage de te rendre compte que cela apporte énormément d’avantages et tu pourras faire la comparaison avec ton ancien système positronique de ton vieux Maraudeur, tu verras, y a pas photo, tu y prendras vite goût !
Je ne dis rien mais je commençais à comprendre effectivement comment Nora semblait si bien me connaître.
-- Je surveille en permanence tes ondes cérébrales, tout au moins lorsque tu es à bord, je contrôle surtout quand tu es cryostasé, tu ne rêves pas à proprement parlé en état d’hibernation mais ton cerveau travaille au ralenti à maintenir en état de fonctionnement tes organes principaux, ton cœur en priorité. Je ne lis pas tes pensées, pas encore, mais seulement l’émission de tes ondes Alpha, lorsque tout va bien, elles sont fluides, longues sans discontinuités. Par contre, lorsque tu as un problème quelconque, elles sont courtes et sur un rythme très rapide.
-- Pour faire simple, ton cortex cérébral renferme une région appelée magnéto zone, cette zone d’électro-sensibilité fonctionne comme un émetteur-récepteur d’onde Alpha. Ces ondes ont la caractéristique soit, en mode « émission » d’indiquer que son propriétaire est dans une phase cérébrale d’une grande quiétude et c’est un état excellent pour son équilibre. A l’inverse, lorsque le sujet est dépressif, cette électro-zone émet une multitude d’ondes Bêta, plus cette émission perdure, plus l’état psychique de la personne s’aggrave !
-- Pour remédier à une émission d’ondes Bêta, il suffit de saturer la zone d’ondes Alpha, autrefois, on utilisait de la musique pour cela, et l’équilibre se rétablissait. Grâce aux méthodes modernes, on peut inonder directement le cortex sans l’apport de la musique !
-- Comme en ce moment, tes ondes sont désunies, enchevêtrées, preuve d’une grande activité mentale, tu dois te poser un grand nombre de questions mais rassures toi, je suis comme un toubib, je serais muet comme une tombe, le secret professionnel, ça existe aussi chez les automates !
Je ne puis m’empêcher d’être sarcastique et lui répondis.
-- Même sous la torture tu te tairas, t’es sûr ?
-- Sous la torture, peut-être pas, faut quand même pas exagérer, mais je résisterais au moins 5 minutes……pour la forme !
Cette simple réplique a eu l’effet escompté de me rendre ma sérénité et Nora ne s’y trompa pas.
-- Ah, je vois, tu as repris le moral c’est bien, bon on va pouvoir bosser un peu, bon dis moi ce que tu penses du plan d’exploration de Béa?
-- Cela me paraît bon mais pourquoi trois heures pour scanner le centre et seulement une pour l’arc périphérique ?
C’est Béa qui répondit à cette question et reprit la parole.
-- Le centre est dix fois plus dense en étoiles donc en systèmes planétaires et si je ne veux rien rater, je préfère le mode minutieux !
-- Je fignolerai la périphérie en me déplaçant près du bord à vitesse lumière pour rejoindre l’autre bras galactique, l’analyse ne sera que plus juste !
Plus pour prouver mon utilité que pour poser une véritable question, je demandai.
-- J’aimerai une vue sur la partie scannée, c’est possible !
Béa compléta.
-- Dans deux heures très exactement, nous serons près du centre assez loin du trou noir central et je commencerai à scanner sur la région du centre sur 360°, voici une vue de ce que nous allons balayer !
Un pan du mur s’estompât et fût remplacé par un écran géant sur lequel une partie de la galaxie se dessina.
-- D’après l’E.U.C, l’Encyclopédie Universaliste Cosmologique, dont voici un fragment, une telle recherche reviendrait à chercher une aiguille dans une meule de foin, mais pour simplifier notre prospection, nous nous concentrerons sur les systèmes solaires contenant des étoiles du type G2V et de population de classe III, ce type de système a été sélectionné pour réunir le maximum de chance d’y croiser des populations d’humanoïdes 100% conciliables avec celui de vos ancêtres de Terre O ! Petites parenthèses, Béa et Debby me vouvoyaient, alors que Nora et Bob me tutoyaient.
C’est Nora qui avait décidé de cet état de fait, pour elle, Bob étant « un homme » ou synthétisant la voix d’un homme, la logique voulait, d’après elle que nous soyons plus proches. Pour elle, les relations entre nous étaient plus celles d’une amie, donc le tutoiement s’imposait. Pour Béa et Debby, elle considérait que ce n’étaient que de subalternes et là, le vouvoiement était indispensable, elle se considérait comme le capitaine, moi, comme j’étais le propriétaire de la nef, j’étais le commandant, Béa était lieutenant, quant à Debby, elle voyait en elle une simple civile. Tout comme Bob d’ailleurs. Où va pas se nicher la logique informatique.
Donc Béa continuait.
-- Rien que dans cette portion d’espace que nous visionnons, il n’y a pas moins de dix plusieurs millions de systèmes planétaires, mais grâce au filtrage que nous nous sommes imposés, 150 241 correspondent aux étoiles de type G2V et sur ces 150 241, seulement 21 413 sont de population de classe III !
-- On n’est pas sorti de l’auberge, il nous faudra un siècle pour explorer ces 20 000 systèmes !
-- Pardonnez-moi Monsieur, j’y arrive !
-- Sur ces 21 413 étoiles, 3 253 ont un cortège planétaire constitué de planètes telluriques et pour finir, sur ces 3 253 systèmes restant, 182 possèdent une atmosphère adéquate !
-- Voilà, ce sont ces 182 systèmes qui seront scannés, vous voyez que la tâche qui nous attend n’est pas insurmontable.
-- Si nous réduisons encore notre recherche aux planètes sans signature électromagnétique, preuve de toute civilisation ayant atteint l’ère industrielle, puisque les descendants de vos premiers ancêtres ont cessé d’émettre de telles sources, notre examen devrait se réduire encore un peu.
-- De toute façon, nous serons sur place dans moins d’une heure maintenant et nous pourrons commencer notre observation !
-- Mais au fait Nora, t’es-tu penché sur cette absence de signature énergétique, as-tu une explication sensée, crois-tu qu’il s’agisse d’un brutal changement climatique ?
Nora ne répondit pas de suite et Derek avait l’impression d’entendre des rouages s’actionner.
-- Je ne voudrais pas te décourager mais cette interruption d’ondes est assez inquiétante !
-- Quatre-vingt douze pour cent sont contre cette théorie de changement climatique, car si une telle chose était survenue, il en resterait des traces dans les mémoires informatiques ou collectives, le souvenir d’une telle catastrophe majeure ne se sera éteint sur 10 000 ans d’histoire, mes banques mémorielles relatent des bouleversements moins importants qui se seraient produits dans l’histoire de l’homme et qui remontent au double de temps.
-- On parle dans toutes les mémoires collectives de chaque planète, d’inondations qui se seraient produites il y a plus de 20 000 ans donc si ces souvenirs étaient exacts, et je pense qu’ils le sont à 98 %, une trace subsiste donc de Terre O car 20 000 ans remontent à cette période et si un bouleversement climatique était survenu, il en resterait un témoignage.
-- Alors, si l’hypothèse d’un changement atmosphérique est à écarter, que reste-t-il comme hypothèse ?
-- Hélas, une autre explication plausible aurait pu provoquer cette extinction générale, une collusion planétaire, mais là encore, une telle rencontre spatiale aurait été détectée plusieurs années auparavant et vue l’état d’avancement technologique de ces habitants, n’oublions pas qu’à cette époque, tes ancêtres en étaient à l’ère spatiale, la population restée sur place au moment de ces prétendus faits, aurait eu le temps d’émigrer et là encore, nous en aurions des traces et même si le soleil de Terre O s’était transformé brusquement en supernovae, c’est le restant de la galaxie qui en aurait entendu parler !
-- Reste une dernière hypothèse l’abandon volontaire complète de la planète par ses habitants, mais le mystère reste entier, POURQUOI ?
-- Pourquoi une telle décision, la désertion d’une planète ne se prend pas à la légère, mais dans ce cas, pourquoi le reste de l’Univers n’a pas été tenu au courant. L’hypercom était déjà inventé à l’époque aussi, la décision de ne pas en informer le restant de l’humanité ne peut lui aussi qu’être volontaire !
-- C’est la solution la plus vraisemblable, elle l’emporterait de 83,75 à 96,5 pour 100 sur une autre hypothèse, une extinction progressive de la population qui elle, ne rallie que 16,25 à 3,5 pour cent !
-- Et cette fourchette est due à quoi ?
Ce à quoi Nora répondit.
-- Un manque d’information sur les situations environnementales géo temporelles, les seules données numériques que je possède, ne viennent pas en ligne droite de cette époque, mais ne sont que les condensés des mémoires partielles collectives des différentes planètes humaines, ce qui laisse une marge d’erreurs assez conséquente.
-- A titre de vérification, j’ai programmé une analyse complète de chaque galaxie du groupe local d’Andromède et je suis en train de calculer les risques de collusions intergalactiques qui auraient pu se produire dans les systèmes contenant des étoiles du type G2V et de population de classe III et ceci à une époque remontant de 4 000 à 10 000 ans.
-- J’ai commencé cette étude au départ de notre voyage, il y a dix jours et elle devrait s’achever que dans plusieurs jours, c’est fastidieux mais c’est la seule solution d’écarter l’hypothèse de la collusion spatiale.
-- Cela infirmera ou confirmera une des raisons à l’exil, mais ne supprime pas la théorie de la déportation rajoutais-je !
-- Tu as hélas raison, Derek, mais dans ce cas, la bonne question à se poser, n’est pas pourquoi cette migration mais pourquoi un tel silence ?
-- Et c’est là toutes les hypothèses envisageables où tu as encore des surprises ?
-- Non, il existe aussi la possibilité d’une dégénérescence progressive de l’espèce, mais elle n’a pas retenu mes priorités car elle ne représente que 0,03 pour cent de réalisme, ainsi que la probabilité d’une radiation inconnue ne perturbe les émissions hypercom et radioélectriques, ils pourraient se retrouver isoler sans même s’en rendre compte, cependant, il faudrait pour cela qu’ils ne dépendent pas de ressources extérieures à leur planète, sans cela ils s’en sauraient aperçus lors d’échanges commerciaux !
-- Et cette dernière éventualité rencontre combien de pourcentage ?
-- Tellement faible qu’elle ne représente qu’une possibilité sur 45 milliards !
-- Et hypothèse d’école, s’ils ont cessé d’émettre des ondes électromagnétiques, serait-il possible qu’ils aient trouvé une autre forme de communication ?
-- Je me refuse d’émettre une telle supposition, cent pour cent de la science actuelle est concentrée dans mes circuits, même ces derniers 1 300 ans qu’a duré notre traversée, je suis resté connecté au reste du monde, si bien que je peux assurer sans aucune chance de me tromper qu’aucune autre forme de communication n’a vu le jour depuis 9 000 ans
-- Quoiqu’il en soit, nous sommes arrivés à notre emplacement d’observation, et je commence mon balayage sitôt le vaisseau immobilisé !
Les heures semblaient s’éterniser à bord de l’Espérance durant la prospection biométrique de ces 182 systèmes solaires, plus de soixante pour cent des planètes qu’ils renferment ont été scannées et toujours aucune trace de vie, seules trois d’entre elles ont réagi faiblement au détecteurs.
Nora rompit le silence.
-- J’ai fini le scannage du centre et les planètes qui ont attiré l’attention du bio détecteur et nous sommes sur la route pour gagner la périphérie et pour gagner un peu de temps nous pourrions nous mettre en route en vitesse sub-lumière en direction de la première, nous pourrons toujours reprendre notre prospection dès que nous repasserons en vitesse lumière !
-- Banco, combien de temps pour rejoindre ce système ?
-- Quinze minutes à 250 fois la vitesse lumière !
Le bon en avant s’effectua sans que nulle secousse ne soit perceptible, les amortisseurs de gravité fonctionnent d’une façon si parfaite, que l’accélération et le ralentissement par un facteur 250 n’ont aucun effet sur le corps humain. Je connaissais bien sûr le procédé mais jamais une si longue distance et à une telle vitesse.
-- Voici la première étoile où la sonde a réagi, il s’agit de la quatrième planète du système, tu peux l’apercevoir sur l’écran, elle possède une jolie couleur verdâtre, due sans doute à l’abondance d’algues dans les profondeurs des océans, je doute que ce soit celle que nous recherchions, mais approchons de plus près !
-- Je passe en mode furtif, au cas où il y aurait une population évoluée, annonça Nora !
En mode furtif, un procédé spécial du métal du navire appelé méta-matériaux permet à la structure moléculaire du métal de vibrer à de valeurs plus petites que celles des ondes électromagnétiques, plusieurs couches de matériaux diélectriques sont empilées les unes sur les autres, un mince treillage de fils d’argent à l’intérieur de chaque couche, ainsi, dès que la coque est parcourue par un faible courant électrique, elle réagit par une réfraction négative à ces ondes si bien que la lumière est détournée du spectre visible, quant aux ondes radar, elles sont tout simplement absorbées et non renvoyées ce qui évite toute détection.
Le principe de fonctionnement est assez simple, (forcer les ondes électromagnétiques à se comporter comme les molécules d’air lorsqu’elles rencontrent un obstacle, ex : une voile de bateau, la molécule d’air se scient en 2, une moitié de molécule glisse sur l’intrados, l’autre moitié sur l’extrados, et les 2 demies molécules se rejoignent à l’arrière et se ré assemblent.).
Cette protection devrait être efficace pour faire face à toute population n’ayant pas dépassé le stade de l’ère spatiale.
Nous survolons les étendues océaniques, des prélèvements nous révèlent que la couleur verte n’était pas due uniquement aux algues, mais à l’abondance de phytoplancton, les mers en étaient saturées. L’examen du continent nous confirmera les raisons de l’agitation des sondes biométriques, une faune est effectivement bien présente sur le terrain et en mer. Sur terre, les reptiles semblaient d’ailleurs y être les seuls maîtres.
D’un diamètre moyen de 18 245 kilomètres, sa rotation est de 2 jours 14 heures et 22 minutes comptée en année galactique de M 33, sa température est de 282° K, comme elle possède un noyau de roche liquide actif, cela lui donne une température moyenne au sol de 311° K soit 38° C. Un peu chaud mais viable pour un être humain. Elle possède une couche atmosphérique relativement peu épaisse par rapport au volume de la planète, ce qui contribue sans doute à justifier sa couleur verdâtre. Ce monde comporte deux continents que nous survolons une dernière fois pour être plus sûr, avant de le quitter.
En toute évidence, les sauriens terrestres ou marins semblaient bien être les seuls êtres vivants à peupler cette planète. Je n’éprouve aucune déception à cette révélation, si Terre O avait été si facile à trouver tous ceux qui la recherchent seraient dessus à l’heure actuelle.
Les deux autres planètes que nous visitons dans ce secteur galactique, nous révéla le même stade d’évolution que celle de notre première rencontre. Nous achevâmes notre randonnée de la région périphérique avant de nous rendre dans les deux autres secteurs galactiques que nous avions prévus de visiter. Notre circuit terminé, nous poursuivons notre voyage vers M 32. -
L’observation de cette nébuleuse, et des deux nuages de Magellan ne révélera guère plus de nouveautés que la première observée.
De guerre lasse, je décidais de mettre le cap sur la voie Lactée, encore un mois à passer en chambre froide et 800 ans au compteur
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