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Les chiens de chasse

 

Les Chiens de Chasse

 

 

 

 

 

          Deborah et moi, à bord de l’Espérance, avions décidé de nous rendre vers la constellation appelée « les chiens de chasse » située à 14,5 Millions Années lumière de la Terre, plus exactement dans le groupe local des chiens de chasse. 

 

 

 

          Quand je dis « nous », je devrais plutôt dire Deb, car c’est elle qui avait eu cette idée saugrenue, rien qu’à l’énoncé du chiffre, j’avais eu la tête qui s’était mise à tourner, et malgré mon manque d’enthousiasme à donner mon aval à ce projet, Deborah avait fini par me convaincre.

 

 

 

          Quand je dis convaincre, là aussi, le mot est faible, ce n’était pas la persuasion qui m’a décidé, le terme de chantage serait plus approprié, mais, que veux-tu, il m’était impossible de lui refuser quoi que ce soit. 

 

 

 

          Il faut dire que le dernier moteur installé par les techniciens terriens nous permettait ce genre de prouesses, en une grosse demi-heure environ le voyage pouvait s’effectuer. Un quart d’heure pour sortir du système solaire de la Terre, quelques secondes en hyperespace, un autre petit quart d’heure pour rallier la planète désirée.

 

 

 

          Ah ce moteur ! Une révolution dans l’art de voyager, sitôt parti, sitôt arrivé et ceci sans décalage temporel, le père Albert non seulement doit en être vert de rage mais aussi se retourner dans sa tombe.

 

 

 

          Par le fait, le moteur, si j’avais bien compris n’avait rien extraordinaire, ce n’était qu’un simple moteur à propulsion d’énergie noire, le progrès lui-même venait de l’accessoire qui complétait le procédé, un second moteur en quelque sorte.

 

 

 

          Un annihilateur de temps, rien que ça.

 

 

 

          La manière traditionnelle de voyager que j’ai utilisée toute ma vie et que mes compatriotes utilisent encore, faute de posséder ce neutralisateur de temps, c’est comment expliquer ça, nous voyageons dans ce que nous avons appelé, et que nous appelons toujours à tort, le temps négatif.

 

 

 

          En effet, le temps n’est négatif que pour la ou les personnes se trouvant à bord d’une fusée se déplaçant  plus vite que la lumière, pour les autres, le temps s’écoule normalement. Si notre destination se trouvait à, disons, dix années lumière, si l’on se déplace à la vitesse lumière, cela nous prendra  dix ans et nous voyagerions sur une distance de 300 000 km seconde pendent 10 ans  soit 9 460 530 000 000 km pour un an que vous multipliez 10 pour les 10 ans, enfantin, non.

 

 

 

          Mais en plus de cette distance, tu transportes le temps avec toi, ou plutôt le temps t’accompagne, tu voyages sur deux dimensions modifiables, la distance et le temps. Si tu te déplaces à deux fois moins vite que la lumière, tu effectues toujours la même distance mais en deux fois plus de temps. Si par contre, tu navigues deux fois plus vite que la lumière, tu accompliras toujours cette même distance, mais cette fois, en deux fois moins de temps POUR TOI, car le temps s’il semble négatif pour toi, il ne l’est pas pour les autres, aussi, au terme de ton voyage, le temps pour toi aura été de cinq jours, mais dix ans se sera écoulé pour les personnes que tu rejoins.  C’est pour cela que l’on parle à tort de temps négatif.

 

 

 

          Le temps est une dimension comme les autres, liée à l’Univers Einsteinien, je t’expliquerai plus tard quel en est le lien.

 

 

 

          Pour résumer, quelle que soit la vitesse à laquelle tu voyages, au-delà de la lumière, le temps te suivra toujours, mais avec le procédé que mes amis Terriens ont mis au point, ils neutralisent le temps du voyageur, non ce n’est pas ça, neutraliser n’est pas le terme exact, ils voyagent dans un autre consortium temps que celui de l’Univers, ils contournent la dimension du temps.

 

 

 

          En temps normal, (c’est le cas de le dire), le temps est lié avec le Cosmos dans lequel nous vivons, le temps fait partie de l’Univers comme une dimension supplémentaire à la longueur, la hauteur ou la largeur, (la profondeur si tu préfères), sans cela, ces distances ne pourraient exister sans cette quatrième dimension. La seule solution de ne plus subir l’action du temps, c’est soit de voyager dans le temps, d’une façon autre que de le parcourir  dans le présent comme nous le faisons en le subissant quotidiennement, mais dans le futur ou dans le passé, chose que nous ne savons pas faire encore, même pour mes nouveaux amis terriens.

 

 

 

          Une autre solution consiste à neutraliser le temps, quoique, comme je te l’ai déjà dit, le terme neutralisé soit encore incorrect, ils ne contrôlent pas le temps, ils le contournent, voilà c’est bien la bonne expression, ils contournent le temps. Et la seule solution qu’ils ont trouvée c’est de changer de dimension, de quitter le consortium espace/temps que tout le monde connaît, pour entrer dans une autre dimension, un sub-espace, un espace situé donc dans une autre dimension où le temps n’existe pas.

 

 

 

          Tu  peux rester le temps que tu veux dans cette dimension, le temps n’aura aucune emprise sur le moment où tu rejoindras le consortium normal. Seul, le temps de pénétration et de réintégration qui se limite à quelques secondes, le temps de la dématérialisation et rematérialisation  est pris en compte. Dans la pratique, le temps passé dans ce sub-espace ne dure que le temps nécessaire à la prise de décision et au calcul du point de réinsertion dans l’espace normal. Le temps passé dans ce sub-espace est neutre, non, il n’est même pas neutre, il n’existe pas, il n’est pas pris en compte dans le consortium espace/temps dans lequel nous vivons.

 

 

 

          Ca y est j’ai trouvé la bonne métaphore pour que tu puisses piger, ce moteur fonctionne comme un by-pass de plomberie ou électrique. Ce moteur est placé sur la ligne temporelle, pas sur la ligne de déplacement physique, uniquement sur la ligne temporelle.

 

 

 

          Tu quittes le segment spatio-temporel sur une ligne de déplacement physique, matérielle, qui elle, ne varie pas, tu restes sur cette ligne de navigation spatiale, mais tu quittes  ta ligne temporelle qui évolue en parallèle avec ton déplacement physique, pour prendre une autre voie (dimension) extratemporelle.

 

 

 

          Prenons un exemple, tu dois te rendre de A à C en passant par B au moyen d’une ligne droite (quoi que droite n’est peut-être pas vraiment correcte non plus, mais considérons que c’est une ligne droite). Cette ligne droite de A-B-C est la ligne de ton déplacement physique, spatial, que normalement tu effectues conjointement avec une autre ligne parallèle à la droite A-B-C, c’est la ligne de l’écoulement du temps,  la ligne ou rail temporelle, la ligne A’-B’- C’ ces deux lignes parallèles sont un peu comparables à des rails de chemin de fer, c’est bon, tu visualises ?

 

 

 

          Le by-pass mit au point par mes amis, te fait quitter le rail qui représente la ligne temporelle A’-B’-C’ à un point que nous appellerons B’, qui se trouve côte à côte avec le point B, et ce point B’ te fait emprunter une autre voie temporelle, non, pas temporelle, mais une ligne atemporelle, une ligne où le temps n’existe pas, et tu continues ton déplacement parallèlement à la ligne de déplacement physique spatial B-C mais dans un espace de non temps sur une ligne B’-C’. La réintégration dans le consortium sur le rail spatio-temporel se fera au point C de la droite de déplacement physique spatiale A-B-C. Ton voyage aura été de A à B et  tu quittes à B pour te rendre à B’, tu suis alors un segment de B’ à C’ et à C’, tu réintègres ta ligne A- C à C, compris ?

 

 

 

          En conclusion, pour un observateur placé à un point quelconque de la ligne de déplacement A-C, le temps passé à voyager dans le consortium sub-espace, ce temps est considéré comme temps nul, ou juste le temps des calculs à effectuer pour vérifier la  bonne programmation des ordinateurs pour la ré-émersion. Voilà c’est tout, c’est simple non ?

 

 

 

          Ce matin-là, nous faisions route à vitesse lumière pour quitter le système solaire, en direction des chiens de chasse et plus exactement dans la constellation elle-même. Nous pourrions si nous le décidions, plonger tout de suite en hyper-espace, les ingénieurs terriens avaient mis au point un absorbeur d’ébranlement de consortium, ce qui permettait de plonger en plein cœur d’un système solaire. Cependant, cette manœuvre restait dangereuse et était réservée à des exceptions, dictées par des situations d’extrêmes urgences, même en cas d’évacuation planétaire et surtout dans ces cas-là, la plongée en plein cœur d’un système planétaire était à éviter.

 

 

 

          Un ébranlement ou deux étaient acceptables, une multitude de secousses pourraient provoquer une fêlure dans l’espace traditionnel et pourraient provoquer l’apparition d’un trou noir, le risque était bien trop grand pour être tenté. Dans l’hyperespace, il y régnait un vide absolu, où le temps n’existait même pas, mais par contre, c’était une zone où les pressions sont tellement basses qu’elles en sont négatives et si une brèche s’ouvrait entre ces deux mondes, la déchirure pourrait ne plus se refermer et l’hyperespace absorberait l’Univers pour le réduire à néant.

 

 

 

          L’Univers est comme un ballon gonflé de forme ovoïdale, un peu comme un œuf et plusieurs passages dans l’hyperespace au même endroit pourraient provoquer une brèche, dans le cas présent, il n’y aura pas d’éclatement  brusque de l’Univers, mais une décompression  progressive, l’absorption lente mais irrémédiable du cosmos par l’hyperespace, le non-être, le non créé.

 

 

 

          Je repends mon explication, car je reconnais que ce n’est pas facile à comprendre.

 

 

 

          Il existait avant le big-bang, une zone de vide à pression négative, à très forte pression négative et pour une raison qui nous échappe encore, cette pression négative fut si forte à un endroit donné qu’elle implosa, créant au passage une zone de pression légèrement positive, l’espace temps dans lequel nous vivons, l’Univers positif fut créé. Cet espace à quatre dimensions que nous connaissons si bien.

 

 

 

          Pour le commun des mortels donc, l’espace connu n’a que 4 dimensions, 3 dimensions en expansion que nous voyons, 1 que nous ne voyons pas mais aussi en expansion, le temps. Ces quatre dimensions sont régies par la théorie de la gravitation, théorie à quatre dimensions donc. Il existe toujours dans le néant, une force négative de pression, et cette force n’a pas disparue, elle est omniprésente, elle nous enveloppe sur un autre plan, une autre dimension, ce qui nous conduit un Univers à cinq dimensions reliées entre-elles par la force de gravitation.

 

 

 

          Les trois dimensions visibles (longueur, largeur, profondeur) à pression positive, une quatrième non visible mais ressentie par tous, le temps et enfin pour équilibrer le tout, une cinquième dimension à pression négative, l’hyperespace ou le vide, le vrai vide, sans matérialité ni temporalité mais avec une force et une énergie négative.

 

 

 

          Donc, si tu ne veux pas créer l’éclatement de ta bulle, au lieu de percer ton ballon directement avec une aiguille (car dans ce cas-là, il y aurait rupture), pour éviter cela, tu enduits d’eau savonneuse ton aiguille et oh, miracle, tu peux transpercer ton ballon sans risque d’éclatement.  

 

 

 

          Pour éviter ce désagrément, et prévenir la faille entre les deux Univers, les terriens ont élaboré une annihilation du temps du vaisseau et à tous ces occupants, cette suppression du temps remplace ton eau savonneuse, et facilite ainsi le passage. Après ton passage, la voie se referme automatiquement, mais la zone (la cicatrice en quelque sorte), reste fragile et plusieurs passages au même endroit fragiliseraient la bulle céleste, dans ces conditions, le risque est trop grand pour tenter le passage à l’intérieur d’un système planétaire.

 

 

 

          C’est un des processus possibles de la création des trous noirs et c’est donc une des raisons supplémentaires qui a poussé les terriens à ne jamais divulguer cette dernière invention, ou tout au moins de retarder sa révélation au maximum, au reste de l’humanité.

 

 

 

          La théorie des cordes est pour le reste de l’humanité encore du domaine de la théorie, c’est le cas de le dire, pour les Terriens, cette théorie est depuis longtemps du ressort de la pratique et les applications qui en résultent sont nombreuses, la navigation, les communications, sub-spatiales, toutes ces spécialités fonctionnent sur cette technique et sont donc instantanées quelles qu’en soient les distances. 

 

 

 

          -- Guitare…comment ça… guitare ? Quand je te parle de cordes, je ne te parle pas de celles de ta guitare, mais de la théorie sur les lois de l’Univers développée  par Théodore Kaluza et Oskar Klein, les pionniers qui ont jeté les bases de la physique moderne. Bien sûr, depuis cette époque on a perfectionné cette théorie et trouvé moult applications.

 

 

 

          Cette dimension ne possède ni longueur ni largeur, ni épaisseur, ni âge, ni début ni fin, éternelle, immortelle, pour tout dire sempiternelle en opposition complète, mais avec une étroite liaison gravitationnelle  avec nos dimensions   Einsteiniennes. Ce n’est pas si surprenant que ça finalement, n’oublies pas qu’au tout début, au moment même du big-bang, lorsque toutes ces dimensions venaient d’être créées, elles avaient les mêmes proportions, la même échelle et étaient toutes reliées entre elles par la force électromagnétique, ce n’est qu’après le big-bang que nos dimensions Einsteiniennes se sont misent à s’étendre et grâce à ce lien gravitationnel qui les lie encore, on peut se rendre à n’importe quel point X de l’Univers en utilisant  cette cinquième dimension grâce au lien gravitationnel qui relit encore toutes ces dimensions géo spatiales entre-elles.

 

 

 

          Les trous noirs seraient une tentative de l’Univers non- Einsteinien de reconquérir l’espace-temps Einsteinien, une sorte de rééquilibrage gravitationnel qui régirait l’Univers, ou alors, des zones ou failles qui ne se seraient restées ouvertes datant de l’époque du big-bang. Impossible de savoir s’ils agissent comme une soupape de sécurité, régulant les deux univers ou une tragédie résultant d’une anomalie spatiale. 

 

 

 

          C’est donc par prudence, à vitesse sub-lumière et non par le sub-espace que nous nous éloignons de l’orbite de la dernière ceinture d’astéroïdes du système solaire.

 

 

 

          J’en profitais pour faire le point avec Deborah afin de tenter de savoir pourquoi elle avait choisi une destination aussi lointaine.

 

 

 

          --Dis-moi Deb, que cherches-tu dans ce système si lointain, pour un premier voyage, ton choix aurait pu se porter sur une planète moins reculée, une planète de la confédération par exemple, le niveau de vie y est relativement plus élevé et te correspondrait sans doute plus ?

 

 

 

          -- Non merci, pour y faire quoi, connaître la vie que tu as vécue, elle ne t’a pas laissé que de bons souvenirs à ce qu’il me semble !

 

 

 

          Côté logique, elle n’avait rien à envier à Nora.

 

 

 

          -- Pourquoi je veux me rendre là-bas, c’est simple, il me semblait te l’avoir déjà expliqué, mes compatriotes, discrètement, se chargent très bien de tes contemporains, il serait inutile que nous en faisions autant et puis tu sais, depuis 1 000 ans que tu les as quittés, il ne s’est rien passé de spécial, et… je doute, bien que tu possèdes maintenant de quoi te déplacer à l’autre bout de la galaxie du jour au lendemain, de vouloir reprendre ton ancien métier, aussi je suppose que d’aller visiter d’autres peuples, côtoyer d’autres cultures, apprendre de ces gens est plus motivant comme programme et où avons-nous l’opportunité de le faire mieux que dans ces endroits reculés, isolés et retirés de toute route commerçante ?

 

 

 

          Là aussi, elle marquait un point, de plus sans vouloir être mauvaise langue, la vie sur Terre aussi formidable qu’elle puisse être, au bout de quelques mois, après avoir visité les sites les plus attractifs, on avait tendance à une certaine indolence, tout au moins pour les personnes comme moi qui avaient passé la plus grande partie de leur existence à vadrouiller à travers la galaxie et qui ne se sédentarisaient guère.

 

 

 

          Deborah, elle, elle ne tenait pas en place, pourtant, elle n’avait quitté sa planète et semblait disposée à rattraper le temps perdu et pour cela, elle semblait prête à me suivre jusqu’au bout du monde, ou à m’y conduire, dans le cas présent.

 

 

 

          De nombreux couples de terriens vivaient, en sentinelle dans des postes avancés de la fédération pour en surveiller les occupants ou pour les aider, les aiguiller ou de les réfréner dans leurs conneries notamment dans les domaines de la science, pas pour les détourner de leurs projets, mais plutôt pour les guider et tout ça à leur insu bien évidemment.

 

 

 

          Mais très peu choisissaient l’exploration des régions inconnues du cosmos, non à cause du risque que cela représentait mais tout simplement, car personne au sein de la communauté terrienne n’était à proprement parlé des foudres de guerre, des va-t-en guerre, des défricheurs de monde, de pionniers tout simplement, et Derek était le seul à pouvoir remplir ce rôle pour le compte des terriens et comme Deborah le suivait comme son ombre, cette tâche lui fut attribuée, c’était sa façon à lui de contribuer à la bonne marche des activités de ceux qui l’avaient accueilli.

 

 

 

          -- Oui, mais pourquoi spécialement les chiens de chasse ?

 

 

 

          -- Récemment, nos astrophysiciens ont découvert à l’intérieur de cet amas stellaire toute une armada de systèmes solaires de type G2V et tu n’es pas sans ignorer que ce modèle d’étoile est sensé abriter 99 % de possibilités d’y rencontrer une population de type humanoïde !

 

 

 

          -- Au sein de la fédération d’Andromède 38 % des populations sont de type humanoïde, 40 % de type non humain et le reste seulement 22 % ne sont que le fruit de la migration, tu vois d’ici l’intérêt de cette expédition !

 

 

 

          -- Découvrir une nouvelle souche d’humain n’est pas arrivé depuis plus de 3 000 ans, temps sidéral, et surtout dans une galaxie aussi éloignée, nous serons sûrs à 100 pour 100 qu’il n’y a pas eu d’ensemencement de gènes terriens, alors que sur les 38 % des autochtones humanoïdes de la fédération tous ont malgré tout des gènes communs aux terriens !

 

 

 

         -- Nos généticiens seraient fortement intéressés de savoir si cette caractéristique est une généralité dans l’Univers ou bien s’il s’agit d’une spécificité au groupe local galactique ! Si ce premier cas s’avérait exact et que nous retrouvions cette marque de fabrique  chez d’autres personnes aussi éloignées, cela pourrait bien signifier que l’évolution de la civilisation vers le groupe humanoïde aurait un destin génétique commun !

 

 

 

          -- Sinon, la thèse de la contagion congénitale au sein même du groupe local serait plus raisonnable, et il nous resterait à en établir l’origine et dans ce cas, savoir si cette propagation de gène est récente, propagée par des colons dont on aurait perdu la trace ou alors, plus ancienne, ce qui laisserait à penser qu’un autre groupe d’humains autre que les terriens, en serait l’origine, mais cette hypothèse est tellement invraisemblable qu’elle est à rejeter !

 

 

 

          -- Désolé de te contredire, mais il y a une faille dans ton raisonnement,  le fait de retrouver des gènes identiques à celles des terriens dans l’ADN d’un peuple d’origine des chiens de chasse, peut aussi être à l’origine d’une ancienne présence colonisatrice, et dans ce cas, vous les terriens perdraient l’immense privilège d’être les pères du genre humain !

 

 

 

          -- Tu as raison chéri, mais d’une part, tu sais ce qu’on en fait de cet honneur, tu es le seul non-terrien à en être au courant, mais sérieusement, imagines, si l’origine humanoïde venait d’une branche commune encore plus ancienne que celle des terriens, quelle épopée fabuleuse nos précurseurs ont dû avoir, je n’ose à peine l’envisager !

 

 

 

          -- Cependant, cette thèse n’est pas retenue par l’ordinateur car, fatalement nous devrions retrouver des traces de ces ancêtres, et nous n’avons rien trouvé nulle part sur aucune planète visitée et dieu sait si nous en avons explorées !

 

 

 

          Evidement, vu sous cet angle-là, l’aventure méritait d’être vécue, et le vieil instinct de pionnier  qui sommeillait en moi commençait à se réveiller et déjà les mois d’inactions passés sur Terre commençaient à s’estomper.

 

 

 

          Deborah a dû s’apercevoir de mon changement d’attitude, mon Aura a dû me trahir car elle ajouta.

 

 

 

          -- Toi, mon vieux j’ai l’impression que mon choix n’est pas fait pour te déplaire, je me trompe ?

 

 

 

          -- Non, absolument pas, comme d’habitude, tu as su lire en moi, décidément, il n’y a pas moyen d’échapper au contrôle psychique, y a pas un truc pour empêcher la fuite de mes émotions ?

 

 

 

          -- Je t’ai déjà maintes fois répété que tu n’es pas encore prêt mentalement, n’oublies pas que c’est grâce à un tour de passe-passe robotique que tu peux lire l’Aura de ton prochain et non par une capacité intérieure, comme nous il te faudra t’armer de patience si tu veux y arriver un jour !

 

 

 

          -- Allez, ce n’est pas le tout, nous plongeons dans 3 minutes !

 

 

 

          Quelques instants plus tard, nous émergeons dans la nébuleuse des chiens de chasse à quelques jours lumière d’un système solaire de type G2V nommé 12 alp 1CVn. L’écran géant mural nous renvoie l’image de M 94 la nébuleuse des chiens de chasse, le foisonnement d’étoiles presque insoutenable, et l’air quasiment circulaire de cette galaxie lui donne l’aspect d’une immense perle cosmique si dense, à tel point qu’au premier abord, il nous paraissait impossible d’y pénétrer.

 

 

 

          L’écran fit place à la vue interne du système solaire 12 alp 1CVn, ce qui nous réconcilie avec l’idée que nous avons bien infiltré ce bijou spatial. A vitesse sub-lumière nous pénétrons au cœur même du système. Le soleil était bien de type G2V, et les sondeurs psycos installés par les équipes terriennes faisaient merveille, ils permettaient la différenciation entre psychiques, animal, humain et non humain et sur les dix-huit planètes orbitant autour de l’astre, deux sont habitées par une population humaine sans aucun doute possible et vraisemblablement au stade préindustriel, correspondant vaguement d’après l’empreinte mentale des habitants à la période 18eme/19éme siècle de l’ère terrienne.

 

 

 

          Nora, qui avait réintégré totalement la machine du bord prit la parole.

 

 

 

          -- Nous devrions nous méfier, ces gens sont relativement civilisés et contrairement à l’évolution terrienne, rien ne nous interdit de penser que leur évolution n’est pas supérieure dans les domaines de la technologie ou de la neurologie à celle des terriens à la même époque !

 

 

 

          Je perdis encore une fois l’occasion de me taire.

 

 

 

          -- Neurologique et en quoi cela pourrait nous intéresser ?

 

 

 

          C’est Deb qui reprit la parole.

 

 

 

          -- Décidément mon chou, tu n’es pas prêt de raisonner comme un terrien ou une terrienne, dit-elle en insistant fortement sur le mot, tu oublies que l’empreinte mentale relevée par nos sondeurs nous apporte pas mal de précisions sur l’état psychique des sondés, leur intensité cérébrale à la limite, mais non leurs degrés, leur niveau de puissance psychique, on peut parfaitement tomber sur des zigotos télépathes qui nous repéreraient bien avant notre approche finale ! Et là, c’est loupé côté discrétion, et dans ce cas, c’est notre excursion elle-même qui risque d’être compromise !

 

 

 

          Nora qui n’attendait que ça pour surenchérir.

 

 

 

          -- Deb a raison, il nous faut envisager cet aspect du problème, car si ancêtres il y a, il est possible qu’ils se cachent un peu comme les terriens l’ont fait avec nous, pour de bonnes raisons bien sûr ! Rajouta-t-elle vivement de peur sans doute de devenir la bête noire de Deborah.

 

 

 

          Nora, depuis que nous étions deux à bord, était passée maître dans l’Art d’éviter d’entrer en chamaillerie avec nous deux en même temps.

 

 

 

          Manquait plus qu’elles se foutent  de moi, ces assemblages de mémoire ambulante.

 

 

 

          Deb, avait dû suivre le cheminement de ma pensée par mes émotions que je laissais filtrer par mon Aura et pour une fois, au lieu de souffler sur les braises comme à son habitude, tenta de désamorcer l’ambiance.

 

 

 

          -- C’est bon, Nora n’en rajoutes pas, Derek quelles sont tes directives ? dit-elle pour mettre fin à la discorde.

 

 

 

          -- Ok, Nora, passe en furtif, et cap sur la première de ces planètes habitées, vol en orbite polaire à 500 km, avec décalage de 15 ° à chaque orbite, tous les sondeurs et caméras branchés, écran électromagnétique, énergétique, récepteurs d’ondes sur l’ensemble du spectre de l’infrarouge aux rayons X et couverture neuronale enclenchée, avec ces précautions, je pense qu’on évitera le pire !

 

 

 

          -- A vos ordres Commandant ! répliqua Nora. 

 

 

 

          Cette fois c’était Nora qui semblait faire la tête, décidément j’étais bien entouré, entre la susceptibilité de Nora et l’impétuosité de Deborah, j’étais servi.

 

 

 

          Nous entamâmes nos révolutions et au bout de quelques minutes, Nora nous fit parvenir les premières images de la planète.

 

 

 

          La première chose qui nous étonna c’est, il n’existait qu’un immense continent centré en zone équatoriale et s’étalant de part et d’autre de l’équateur jusqu’en zone tempérée, et semblait beaucoup plus peuplée sur le littoral qu’à l’intérieur du pays. A l’intérieur des terres, des scènes typiques d’un passé révolu sur Terre depuis un peu plus de mille ans, ou tout au moins, comme nous nous l’imaginions technologiquement parlant. Question vestimentaire, dans les quartiers ruraux, la mode ressemblait plus ou moins à ce que l’on trouvait sur Terre actuellement, avec peut-être moins de raffinement, à la limite moins d’élégance et de souplesse des tissus. Les longueurs des jupes descendant jusqu’aux mollets pour les femmes, pour les hommes,  le vêtement semblait plus rêche, et tout aussi long et écru que chez les femmes. Chez les citadins, la mode était aux vêtements plus légers, mais aussi longs et d’aspect moins rude que ceux de leurs homologues ruraux.

 

 

 

          Dans les bourgades, les travaux des champs battaient leurs pleins, nous étions au milieu de la matinée et semble-t-il d’après l’inclinaison et la position de la planète sur son orbite et la hauteur du soleil, l’hémisphère nord se trouvait en été, ce qui semblait légitimer les travaux agricoles.

 

 

 

          Les outils utilisés, aux yeux de Derek,  semblaient sortir tout droit de la préhistoire et la traction des machines était encore animale. Dans les villes, les rues paraissaient très animées et les commerces envahissaient des rues étroites et surpeuplées, ce qui dénotait une activité marchande importante. Des charrettes en tout genre encombraient les ruelles où de nombreux passants déambulaient, slalomant autour des carrioles abandonnées.

 

 

 

          Les gens s’agglutinaient près de l’entrée des boutiques, créant de nouveaux attroupements où les discutions paraissaient fort animées. Des silhouettes plus petites, sans doute des enfants, courraient et virevoltaient autour de ces rassemblements. Des calèches tirées par des animaux ressemblant fort à des chevaux à très longues crinières et à la robe sombre pour la plupart, sillonnaient les chaussées étroites de ces villes. Une scène typique de la rue quoi !

 

 

 

          Sur l’autre hémisphère, coté hiver, peu de personne dans les champs et très peu dans les rues, ce qui semblait normal, seuls quelques enfants, chaudement vêtus, jouaient dans une neige poudreuse recouvrant une grande partie de l’hémisphère. Les rues des villes semblaient désertes et les passants beaucoup moins nombreux, les calèches se faisaient plus rare, apparemment, les gens sortaient moins l’hiver que l’été sur ce globe.

 

 

 

          C’est à ce moment-là  que je remarquais l’expression soucieuse de Deb.

 

 

 

          Les sourcils froncés, formant une ligne continue, Deborah semblait réfléchir intensément.

 

 

 

          -- Non Deborah, tu ne te trompes pas, c’est bien un dialecte issu de la terre que tu entends, ou tout au moins une langue avec une racine commune avec de nombreuses langues terriennes ! Expliqua Nora.

 

 

 

          -- Oui, ou c’est une langue issue de la Terre, ou les langages terrestres sont issus de cette langue, ou bien encore les langues parlées sur terre et celles utilisées ici ont une origine commune, si proche que je n’ai aucun mal à vous les traduire !

 

 

 

          Je regardais Deborah, qui elle-même avait les yeux rivés sur les images qui défilaient sur l’écran mural, son front toujours plissé, les lèvres curieusement pincées entre-elles, ne formant plus qu’une mince fente soudée et un air pénétré marqué par l’effort intellectuel qu’elle semblait fournir.  

 

 

 

          -- La traduction actuelle ne nous apportera rien de neuf, ajouta Nora, les gens en ville parlent de leurs affaires courantes et dans les champs se sont les préoccupations normales des gens de la terre qui prédominent.  Les gens ne semblent pas préoccupés, ni par notre venue, ni par des problèmes sortant du lot quotidien !

 

 

 

          -- Ils sont apparemment croyants, et paradoxalement, tous semblent vénérer le même dieu, de quelques endroits qu’ils se trouvent sur cette terre cependant, à l’heure actuelle, d’après les éléments que je possède, je ne peux pas savoir s’il existe des différences de rites ou d’obédiences, ils semblent tous parler la même langue, ce qui pourrait indiquer qu’ils pourraient posséder un gouvernement commun, et de mémoire, je ne connais pas de planète où il existerait une seule divinité, une seule langue et des gouvernements différents!

 

 

 

          -- Ils ne connaissent, ni la télévision, ni la radio, leurs communications en sont restées à un niveau du courrier transporté à dos de cheval, comme au temps du poney express American sur Terre. Ils cultivent du blé, de l’orge, et d’autres céréales en fonction de la région. Ils cultivent outre des céréales, des fruits, les légumes, beaucoup de légumes et sont de gros mangeurs de viande semble-t-il. Usent de boissons fermentées comme le vin qui semble le principal alcool et qu’ils apprécient semble-t-il !

 

 

 

          -- Et pour achever ma première analyse, je finirais par la certitude d’absence de communication psychique !

 

 

 

          -- Je ne peux en savoir plus concernant leurs mœurs, n’oubliez pas que je ne suis pas télépathe et bien que je puisse faire des manipulations neuronales, je ne peux lire dans leurs esprits !

 

 

 

          -- Pourtant Deb, tu m’avais affirmé que vous pouviez supprimer les souvenirs de quelqu’un lorsque que je suis revenu de mon rendez-vous avec le conseil, il y a six mois !

 

 

 

          -- Supprimer, oui, dans la mesure où les informations sont récentes, car nous travaillons sur les derniers neurotransmetteurs à être sollicités, si les souvenirs sont trop vieux, nous agissons sur certaines zones du cerveau qui relaient les souvenirs au rang de rêve, la personne semble persuadée qu’elle a rêvé, on ne peut faire mieux, c’est déjà pas si mal, non ?

 

 

 

          Nora, apporta quelques précisions et reprit la parole.

 

 

 

          -- Nous agissons dans un premier temps sur l’hippocampe, siège de la mémoire spatiale, cet organe garde l’information environnementale du souvenir, en provenance de la mémoire à court terme, durant plusieurs jours, avant d’envoyer stocker ces informations dans la mémoire à long terme. Nous agissons tout particulièrement dans le cortex cérébral, lobe pariétal, temporal et occipital, aussi, si nous intervenons à temps, une simple intervention au niveau de l’hippocampe suffit dans la plupart du temps !

 

 

 

          -- Les rares souvenirs qui filtreraient quand même et parviendraient dans la mémoire à long terme seraient analysés par le cerveau, au moment de la réminiscence, si réminiscence il y a, se ferait sous forme de trace, de souvenirs fantômes comme ces pensées ne sont pas associées à un souvenir visuel, auditif ou olfactif, ils disparaîtront relativement très vite !

 

 

 

          -- Si malheureusement, les souvenirs à neutraliser sont plus anciens, il y a de fortes chances pour que ces derniers soient gravés plus profondément dans la mémoire à long terme, la tâche est plus délicate, et nous ne pouvons intervenir directement dans cette zone sans risquer l’aliénation de la personne, aussi nous avons mis au point un autre procédé qui consiste à noyer sous hypnose légère, ou sommeil paradoxal, d’images reflétant ces souvenirs à neutraliser avec une foule d’informations annexes… et fausses bien sûr !

 

 

 

          -- Le cortex enregistrera ces nouveaux souvenirs comme complémentaires aux premiers, sur lesquels nous ne pouvons intervenir directement, et fera intervenir la mémoire associative de faux souvenirs visuels, auditif et olfactif, si bien que le jour où le sujet ainsi traité voudra se remémorer cette pensée, son cerveau lui restituera ce souvenir associé avec des images, des sons ou des odeurs chimériques, reléguant ce souvenir, chez notre patient, au stade du fantasme ou du cauchemar !  

 

 

 

          Sur ces explications, Deb reprit la parole.

 

 

 

-- Tout ça pour te dire mon chéri, que mis à part la lecture de l’Aura, nous sommes complètement dans l’incapacité de lire l’esprit de nos contemporains !

 

 

 

          -- Si je comprends bien, trouver l’origine de leur langage ne pourra se faire sans une intégration au sein de cette population ! Déclara Derek.

 

 

 

          Nora poursuivit.

 

 

 

          -- Je suggère de continuer à récolter le maximum de renseignements sur ce peuple, coutume, langue, religion, système politique et de vous confectionner une garde robe complète avant de vous lancer !

 

 

 

          La décision fut adoptée à l’unanimité (et ce fut facile de prendre cette solution car non seulement nous n’étions que deux, mais c’était par excellence, la voix de la sagesse étant donné que c’est Nora qui nous téléportait au sol, qui confectionnait nos habits et qui nous enseignerait leur langue).

 

 

 

          Trois jours pleins s’étaient écoulés, lorsque Nora nous prévient qu’il était temps pour nous de descendre et nous mélanger à nos nouveaux amis.

 

 

 

          Ces trois nuits avaient été suffisantes pour nous enseigner la langue des habitants de la planète, elle descendait en ligne droite de l’indo-européen, encore très proche de l’Anatolien. La chose la plus curieuse, est que l’ensemble de la planète parle la même langue commune, Nora n’avait relevé aucune zone disoglosses, zones géographies situées aux abords des régions où plusieurs langues sont utilisées, révélant un passé où les langues étaient multiples.

 

 

 

          A ces endroits frontières, les personnes qui y habitent sont très souvent de la même famille et utilisent donc un dialecte commun à mi-distance parfois entre les deux langues parlées de chaque côté d’une frontière. Ici aucune de ces zones n’a été repérée et plus étonnant, les ruraux n’utilisent pas de patois par rapport aux citadins, ce qui signifie qu’ils reçoivent tous le même enseignement depuis de nombreuses décennies.

 

 

 

          La Terre à la même époque, à l’heure qu’il existait déjà une langue officielle par pays, chaque région possédait son propre dialecte, ce qui n’était pas facile pour se faire entendre de tous et ce n’est que par l’enseignement obligatoire pour tous dans les écoles que les choses ont petit à petit évolué.  Des régions séparées d’une dizaine de kilomètres n’utilisaient pas forcément le même parler, si bien que lorsque les gens se sont mis à sortir de leur village, (car les hommes sortaient peu de leurs villages natals autrefois), ils étaient dans l’obligation de s’exprimer dans la langue nationale pour se comprendre.

 

 

 

          C’était un peu aussi l’histoire de Derek, où les peuples de la confédération, parlaient tous des langues distinctes et l’apparition de l’Intergalact colporté par les Passeurs a mis tout le monde au même diapason.

 

 

 

          Sur Terre le processus a presque été quasiment le même lors de l’acquisition d’un langage commun universel, cependant, les choses ont été facilitées par l’usage des traducteurs et d’un enseignement post-hypnotique ou sommeil paradoxal.

 

 

 

          Les habitants de cette planète que nous avions surnommés les Canéens,  de Canes Venatici, qui est le nom latin de la nébuleuse des chiens de chasse, possédaient bien un système unique de gouvernement, fonctionnant un peu à la manière dont fonctionnait celui de la Terre, un Directoire renouvelable, dont les membres étaient recrutés au sein même de la population citadine ou rurale et ceci pour une durée d’un an, mais à la différence du précepte terrien, ce Directoire était scindé en plusieurs équipes, réparties irrégulièrement sur le continent, mais calculées en rapport avec le nombre d’habitants, environ dix millions par division.

 

 

 

          Ces groupes de commandement restaient en contact permanent entre eux soit par relais postal, soit, en cas d’urgence, par un système de sémaphores très élaborés, si bien qu’après décryptage par Nora du code morse utilisé, nous nous sommes aperçus, qu’ils dialoguaient très efficacement entre eux avant d’arrêter une décision commune. Les sémaphores étaient dans la mesure du possible par groupes de dix situés en hauteur, et les messages étaient fragmentés en dix parties avant d’être transmis aux relais suivants, ce qui accélérait la durée de transmission par dix. Les messages étaient envoyés de jour, sauf semble-t-il lors d’une urgence, où ils allumaient de grands feux en dessous du poste et la lumière était renvoyée par de grands miroirs éclairant le sémaphore.

 

 

 

          Une énigme subsistait dans la chaîne ainsi formée, les postes étaient assez éloignés entre eux et théoriquement, la lecture ne pouvait être possible sans jumelle ou lunette d’approche, aussi, il nous faut donc considérer, qu’ils possédaient en plus, des connaissances dans le domaine de l’optique assez importantes.

 

 

 

          Le renouvellement annuel des représentants du peuple se faisait par conscription à date fixe, le nombre des conscrits était d’ailleurs assez impressionnant, plusieurs dizaines de milliers par poste divisionnaire de Directoire, car les conscrits avaient en charge non seulement les lois à édicter pour l’ensemble du groupe régional, mais le maintien des infrastructures locales, bâtiments publiques, chemins de communication, édifices religieux, écoles, sémaphores, la propreté de tous ces édifices et jusqu’au maintien de l’ordre. Une sorte de service civique en somme !

 

 

 

          Au point de vue religieux, les Canéens vénèrent non pas un dieu, mais une Entité assez mystique cosmologique, et le terme de vénérer n’est pas tout à fait exact car apparemment, ils ne la vénèrent pas mais la sollicitent seulement, Entité qu’ils surnomment la Grande Sagesse Céleste, cette révélation de l’Entité, leur fut donnée par la descente sur leur terre d’Êtres nettement plus évolués qu’eux qui se réclamaient d’essence divine, La Sagesse Céleste. Les rites y étaient des plus simples, sans ostentation, sans faste. Les Canéens, bien que tous croyants, étaient loin d’être tous pratiquants, une grande liberté de culte existait, aucune contrainte, aucune vexation n’était infligée aux non pratiquants, tous étaient libres de se rendre ou pas dans ces endroits de cultes, il n’existait pas de célébration d’offices à heures fixes et les croyants se rendaient dans ces édifices quand bon leur semblait, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, à leur convenance pour y formuler leurs requêtes.

 

 

 

          Sur le plan de la sécurité, les gens étaient relativement à l’abri de mauvais coups, les vols y étaient rares, les crimes encore plus, et lorsqu’il y en avait un, c’était plus pour une rivalité amoureuse que pour l’acquisition frauduleuse d’un bien appartenant à autrui et, annuellement, se comptaient sur les doigts d’une main dans chaque district administré par un Directoire, 0,000 000 5% très exactement, une misère.

 

 

 

          Ces Êtres leur avaient enseigné à tous, un langage unique en quelques jours, ce qui avait fortement contribué à la croyance de leurs pouvoirs divins et leur  avaient mis en place un système monétaire unique et un système éducatif pour tous, sur l’ensemble du pays. La pharmacopée leur fut révélée et depuis les souffrances étaient bien atténuées, la prévention avait pris le pas sur le curatif, et dès qu’une personne souffrait d’un mal inconnu, systématiquement l’individu était mis en quarantaine, afin d’éviter la contagion, soigné mais isolé du reste des patients.

 

 

 

          Le moment pour nous approchait, notre garde-robe était prête depuis longtemps et nous étions parés pour descendre.

 

 

 

          Nora nous donna les dernières recommandations avant notre départ pour la planète.

 

 

 

          -- Je vous ai préparé une couverture qui devrait vous permettre de passer inaperçu, celle d’un couple de marchand ambulant, je vous ai reproduit une liste d’objets couramment utilisés par la population locale, une somme d’argent vous est attribuée à chacun, il y en a suffisamment pour vous permettre de faire face à vos dépenses courantes mais pas trop, pour éviter les convoitises éventuelles. Une carriole identique à celle utilisée par les colporteurs locaux et deux bêtes de somme que j’ai récupérées d’un troupeau sauvage, n’ayez aucune crainte, ils sont dociles à souhait, c’est vrai, j’avais oublié, cela de toute façon n’aurait causé aucun problème à Deb.

 

 

 

          -- A ce propos, autre similitude avec le passé de la Terre, ils utilisent un système monétaire appelé l’électrum et ce système est décimal contrairement à la monnaie du même nom utilisée sur Terre en Anatolie il y a 3 635 ans. Ce qui nous fait deux coïncidences avec l’Anatolie ancienne, la langue et la monnaie, et à mon humble avis cela fait deux équivalences de trop, et comme je ne crois pas au hasard, la parenté entre les deux planètes est bien confirmée !

 

 

 

          -- Vous pourrez descendre dès demain… si vous avez le moindre souci, nous sommes toujours reliés par transmetteurs incorporés dans vos oreilles, au moindre ennui sérieux, je me tiens prêt à vous téléporter à bord, …des questions ?

 

 

 

          Plus habitué que Deb sur ce genre d’infiltration, je repris la parole.

 

 

 

          -- Avec l’administration, en cas de contrôle, comment réagissons-nous ? Possèdent-ils des « papiers » pour prouver leurs identités  aux autorités ?

 

 

 

          -- Non ils n’ont pas de papiers, ils sont juste recensés à l’échelle du Directoire, au niveau d’unités plus petites correspondant à ce que nous pourrions nommer couramment une ville, aussi, vous êtes sensés être originaire d’une autre contrée, la Béotie, de la ville de Nadar, elle est située un peu plus au nord de l’endroit où j’ai prévu votre point de chute, vous profiterez de cette dernière nuit à bord pour vous imprimer des détails concernant cette contrée ; au fait, la région où je vous téléporterais s’appelle la Parmélie près d’un village nommé Simley!

 

 

 

          -- D’autres questions ?

 

 

 

-- Hum, il peut y avoir un problème avec Deborah, si nous devons déjeuner avec d’autres personnes, ce qui me paraît inévitable, Deb ne mange pas de viande et moi-même, je n’ai jamais mangé de vraie viande, juste de la viande synthétisée, par contre, j’ai eu le temps de me rendre compte que ces gens en consomment beaucoup, qu’as-tu prévu à ce sujet ?

 

 

 

          -- Deborah surenchérie à ma remarque.

 

 

 

          -- Et il n’est pas question que je déroge à ma façon de m’alimenter, de plus, je risquerais d’être malade si j’enfreins cette règle !

 

Nora reprit.

 

 

 

          -- Il n’en est pas question, j’ai remarqué qu’une partie de la population n’en mangeait quasiment pas, par souci d’économie peut-être, car bien souvent, il s’agissait de personnes à faibles revenus, après tout, le métier de colporteur n’est guère rentable, mais il existe aussi, d’après ce que j’ai pu constater un mode de vie végétarienne plus citadine dictée, semblerait-il plus par snobisme que dans une intention plus pécuniaire ou sanitaire!

 

 

 

          La question est donc réglée, nous sommes prêts pour le départ.

 

 

 

          -- Dormez bien cette nuit, demain sera une toute autre journée !

 



31/10/2011
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