Le Cristal de quarks
Le Cristal de quartz
Nora nous avait téléporté, à la demande de Deborah, avec notre attirail tout près d’une petite localité de quelques milliers d’âmes afin de nous familiariser à notre nouvelle identité. Nous avons prévu de passer quelques jours ici et dès que nous estimerons être parfaitement dans la peau de nos personnages, nous partirons pour la grande métropole régionale.
Nous croisions ça et là quelques groupes de personnes s’affairant à diverses besognes, à chaque fois, ils nous saluaient conformément à la coutume locale sans nous poser d’autres questions.
Un détail que l’ordinateur ne nous avait pas fourni, et pour cause, les sondeurs nous donnent toutes sortes d’informations, sauf sur les odeurs, et c’est bien dommage, car il est certain que nous aurions remis notre excursion ; oh la vache ! Ils sont fâchés avec la savonnette ou l’eau, le savon est trop cher ou bien encore c’est un pari qu’ils ont fait entre eux de ne pas se laver durant leur vie entière.
Au début, nous ne nous sommes rendus compte de rien en plein air, et lorsque que nous saluons les gens, nous le faisions à une bonne distance, mais sitôt rendus dans la petite localité, nous avons posé notre attelage et avons pénétré dans l’estaminet le plus proche.
Oh la vache, c’est une infection, des insectes ressemblant à des mouches envahissaient la taverne, s’enivrant du vin tombé sur les tables, le sol était jonché de ce qui pourrait passer pour des mégots de cigarettes et des groupes de buveurs attablés ça et là, chantaient (quand je dis chantaient, c’est une litote, hurlaient serait le mot juste), entonnant des chansons à boire pour se donner du courage et de l’élan pour consommer un peu plus, comme s’ils avaient besoin d’encouragement, l’air était saturé de transpiration et nous renvoyait une odeur aigre et piquante, nous irritant le nez au maximum.
Je regardais Deborah et pouvais lire sur son visage une réprobation sans limite, moi-même plus ou moins habitué à certains bars de ma planète natale était dans l’obligation de me pincer le nez.
Nous nous dirigeâmes vers une table libre, et appelâmes l’aubergiste.
-- Tavernier, un pot et deux verres ! Aboya Derek, imitant d’autres consommateurs qui avaient commandé avant eux.
Ici les formules de politesse n’étaient pas vraiment de mises, l’aubergiste accourra à notre table avec le vin et les verres demandés.
-- A votre service, dit-il ! Y a t-il autre chose pour vous être agréable, … une chambre peut-être… voulez-vous que l’on s’occupe de vos bêtes… nous avons la meilleure avoine de la région, pour 10 électrums seulement, nous soignons et hébergeons vos bêtes pour la nuit….pour vous, ma meilleure chambre vous sera réservée, pour la modique somme de 25 électrums, 35 avec le souper du soir !... … Quand dites-vous ?
Devant notre hésitation, qu’il avait sans doute pris pour de la réticence, il s’empressa d’ajouter.
-- Pour les bêtes, huit électrums feront sans doute l’affaire, vous ne pensez pas !
Comme nous nous taisions toujours.
-- Vraiment si vous insistez, trente pour la chambre et le couvert !
Derek venait de comprendre, sur certaines planètes qu’il avait visitées, que le marchandage était une règle d’or, dans certains endroits, ne pas marchander était considéré comme une offense, aussi il décida de se jeter à l’eau.
-- Cinq pour les bêtes et vingt pour la chambre et le souper !
La figure du taulier se fendit d’un large sourire, il répliqua.
-- Allons, messire, à ce prix-là, je me paye tout juste l’avoine et les légumes, sept pour l’avoine et vingt cinq pour la chambre et mon meilleur vin pour le repas, quand dites-vous ?
-- Vendu, mais, pour ce prix vous nous changez les draps, vous en mettez des propres !
Le tavernier avança sa main gauche avec la ferme intention de lui serrer la main, Derek pensa qu’il était gaucher et lui présenta à son tour sa main gauche. Mais avec son autre main, (la droite), l’aubergiste, empoigna l’avant bras gauche de Derek et lui serra en un mouvement coordonné avec son autre main. Derek en conclut que c’est ainsi qu’on scellait un accord sur cette planète et il en fit de même avec sa main droite, il attrapa l’avant bras gauche de son « partenaire ».
Le tavernier lui renvoyait un sourire rayonnant, Derek considéra que l’accord était enfin conclu.
Après tout pensa Derek, c’est logique, la main gauche, c’est la main du cœur.
Le taulier repartit en leur promettant de s’occuper de leurs bêtes sans attendre, de faire monter leurs malles dans la chambre et s’éloigna sans plus s’occuper du couple.
Derek se tourna vers Déborah qui avait suivi la scène sans un mot mais d’un air goguenard.
-- J’ai bien cru, durant un court instant que tu allais l’embrasser !
-- Excuses-moi ma grande, mais si on désire passer inaperçu, on a intérêt à copier leurs faits et gestes, et ne te marres pas, demain c’est peut-être toi qui va t’y coller, alors ne me charries pas, ton tour viendra !
-- Jamais,… t’as vu ça,… ce type-là n’a sûrement pas pris de bain depuis sa naissance !
Il est vrai que pour Derek qui avait roulé sa bosse un peu de partout dans la galaxie d’Andromède, il connaissait ce genre de situation, néanmoins, cette circonstance restait malgré tout exceptionnelle.
Cependant, Derek se rendit compte qu’il allait quand même avoir quelques problèmes, ils n’avaient pas pensé à tout avant de partir, ils avaient oublié le côté sanitaire, il est vrai que pour leur défense, ce problème n’existait plus ni pour Deborah, qui sur Terre était protégée, ni pour Derek qui était vacciné pour toutes les maladies courantes de la confédération, quant à Nora, elle n’avait pas été programmée dans ce but-là, mais ici, qu’allaient-ils bien trouver.
Ils n’osaient même plus boire le vin, doutant de la propreté du verre et de la qualité du breuvage.
Derek résuma la situation à voix basse à Nora.
-- Sort un instant Derek, je vais te téléporter un détecteur de bactéries, la seule présence d’une bactérie dangereuse pour vos organismes vous sera signalée, et je vous envoie par la même occasion des granulés sous forme d’amandes qu’on trouve dans ce pays et qui se grignote comme coupe-faim, pour le détecteur, prends garde, ce n’est pas une technologie d’ici, alors ne vous faites pas prendre avec !
-- Attends-moi une seconde, chérie, je reviens de suite !
A peine cinq minutes plus tard Derek était de retour avec une petite bourse en peau qui pouvait passer pour une escarcelle comme celles que possédaient les gens du coin. A l’intérieur, quelques poignées d’amandes et un curieux objet, bien que ni Derek et encore moins Deborah ne fumaient, ils avaient tout deux reconnu un briquet.
Le briquet tout comme l’escarcelle était légèrement différent des modèles locaux mais pouvait parfaitement passer pour un objet manufacturé dans une autre région. Si bien que lorsque Derek retourna le tout sur la table, cela n’a pas vraiment troublé ses voisins de table. Il passa discrètement le briquet sur les verres, ce dernier n’eut aucune réaction, en cas de danger, le briquet devrait, d’après Nora, vibrer légèrement.
-- Si l’on fait confiance à la technologie du bord, nous pouvons boire en toute bonne foi ce qu’il y a dans nos verres,… d’après Nora et les techniciens terriens !
Malgré mes paroles rassurantes, Deborah ne put s’empêcher de faire la moue à la vue de la boisson.
Derek voyant que Deb ne semblait pas disposée à ingurgiter son verre, il décida de faire le premier pas.
Il avala une petite gorgée, s’interrompant très vite pour en estimer le goût, Deborah ne le quittait pas des yeux et semblait quêter sa réaction.
Derek fit légèrement rouler le breuvage dans sa bouche, le passant et repassant sur sa langue, là où normalement il y avait le plus de papilles gustatives et quelques minutes plus tard, il se décida à avaler sa boisson. Du fond sa gorge, une boule de saveur remonta jusqu'à son palais, envahit sa bouche, monta jusqu'à son cerveau en passant par le nez, c’était grisant de constater ce parfum grandissant sans cesse dans son cerveau et finit par éclater dans une gerbe d’arômes différents mais terriblement agréables.
Jamais au cours de ses déplacements, il n’avait goûté à un breuvage aussi excellent à déguster, même le zorg cet alcool d’Ophélia qui pourtant était d’excellente qualité et de très bon goût ne lui arrivait à la cheville, c’était tout simplement divin comme boisson, et Derek comprenait maintenant pourquoi les locaux en faisaient une si grande consommation.
-- C’est absolument paradisiaque, chérie, et de plus je ne crois pas qu’il soit très alcoolisé, il est très doux et agréable à boire, surtout très désaltérant, tu devrais essayer !
Déborah savait que ses compatriotes exilés sur des planètes de la fédération, avaient dû eux aussi déroger à leur ligne de conduite, Deborah trempa ses lèvres délicatement et bien que l’alcool ne faisait pas parti de ses préférences, consentit à en avaler une gorgée.
A la grande surprise de Derek, elle ajouta.
-- Tu as raison, mon chéri c’est absolument délicieux, je me demande comment j’ai pu passer à côté depuis si longtemps !
-- Hé ! Hé ! Trésor t’emballes pas, n’oublies pas qu’il y a quand même un peu d’alcool dedans, et on ne peut pas dire que tu y sois habituée, et je ne voudrais pas te ramener à la chambre soûle comme un cochon, cela risquerait de faire désordre !
-- Ne te pintes pas dès le premier soir, si l’on reste encore un peu sur cette planète, tu auras bien d’autres occasions de te murger (soûler) !
-- Je peux quand même finir mon verre, non ?
-- Ok, mais fis-toi à moi, je ne voudrais pas que tu sois malade dès le premier soir, bois doucement à petites gorgées, tu verras, c’est encore meilleur et tu apprécieras mieux !
-- Si mon père me voyait, il me bannirait de la planète pour le moins, ne va surtout pas lui répéter !
Et s’adressant à Nora.
Et toi, Nora, inutile de consigner ça dans le livre de bord, ce n’est pas vraiment nécessaire !
Le temps passa, et pour le tuer, ils épièrent les conversations des clients, les buveurs attablés ne leur accordaient aucune attention et ne pensaient vraisemblablement qu’à boire et à parler de leur journée.
Rien dans leurs conversations ne leur apporta des révélations sur les renseignements qu’ils cherchaient et il faut bien l’avouer, s’ils y parvenaient dès le premier soir, cela tiendrait du miracle.
Une heure plus tard, l’aubergiste les rejoint avec deux grands bols fumant de potage.
-- Voici pour vous les bols de Lecro bien chaud, vous m’en direz des nouvelles !
Ce Lecro était un potage à base de pommes de terre, enfin qui y ressemble et dont le goût s’apparente à celui de la pomme de terre, avec notre ersatz de patates, un substitut d’avocat, de fromage et de graines de lupin, de consistance assez épaisse, pas tout à fait à ce que la cuillère reste debout au milieu, mais pas loin. Le tout arrosé de vin encore meilleur que le premier.
Un rapide examen nous confirma la comestibilité de cette soupe et nous nous lançâmes, Deb et moi.
Ce plat, non seulement était plus que copieux, mais de plus vraiment excellent. Il pouvait faire office d’entrée, de plat de résistance et de dessert ; apparemment, nous n’étions pas trop mal tombés en venant sur cette planète, mis à part l’hygiène corporelle.
Voyant Deborah déjà visiblement très gaie, Derek décida d’arrêter les frais, et proposa à Deb d’aller se coucher.
Sitôt dans la chambre, Deb s’écroula sur le lit, sans même prendre le temps de vérifier la couche, comme quoi, Derek avait eu du nez en lui proposant de monter s’étendre.
Leurs malles avaient bien été montées et étaient rangées dans un coin, semblant n’attendre qu’eux.
Derek examina les draps, ils semblaient effectivement propres, c’était toujours ça de pris.
A peine arrivée dans la chambre, Deborah dormait comme un sonneur. Derek décida de redescendre pour essayer de glaner d’autres informations.
-- Nora, veille bien sur elle, au moindre bruit suspect, tu m’avertis, je ne veux pas prendre de risque, bien que la délinquance soit au plus bas, j’aimerai autant que l’on ne bouscule pas les traditions !
Cinq minutes plus tard, Derek réapparu dans la salle. Il lui semblait qu’il y avait encore plus de monde que tout à l’heure, plus d’hommes apparemment, la soirée avait débuté et les oiseaux de nuit commençaient à sortir.
L’alcool aidant, les conversations s’amplifiaient de minute en minute et les langues peu à peu se déliaient, les discussions devenaient de plus en plus intimistes.
Un homme accolé au comptoir, héla Derek d’une façon quelque peu cavalière.
-- Eh, colporteur viens un peu ici, tu ne vas pas boire seul dans ton coin !
Derek ne se fit pas prier et bientôt se retrouva mêlé au groupe de buveurs.
-- T’es pas de chez nous, toi, tu viens d’où comme ça ?
-- De Béotie, j’en suis parti il y a maintenant pas loin de trois mois !
-- Et les affaires vont bien ?
-- Par la Grande Sagesse, je ne me plains pas, ça va, ça vient, je vivote quoi !
Il n’était pas question de leurs laisser l’impression que mes affaires étaient fleurissantes, on ne sait jamais, d’autre part, il ne pouvait non plus lui dire qu’elles ne marchaient pas, valait mieux être évasif.
-- T’es bien comme tous tes pairs, pour éviter de payer une tournée et comme par hasard tu veux nous faire croire que tu es dans la dèche.
Mentalement Derek se félicitait, sa réponse était la bonne, il n’avait pas commis d’impair. Il avait volontairement utilisé cette expression locale invoquant la divinité dans l’espoir d’en apprendre un peu plus sur cette Entité.
Mais la pêche n’avait pas été bonne, ses nouveaux amis semblaient s’en moquer comme de l’an quarante, de la divinité.
Il remonta deux heures plus tard, avec une bonne charge, trainant les jambes, il réussi à gravir les marches qui menaient aux chambres. Depuis six mois passé sur terre, il n’avait pas avalé une seule goutte d’alcool, aussi la griserie l’avait surpris très rapidement. Néanmoins, il n’était pas mécontent, mise à part la cuite qu’il ramenait, il s’était fait un groupe d’amis qui, il en était sûr l’attendrait le lendemain, semblant prêt à lui faire des confidences.
A son arrivée, il prit moult précautions pour ne pas réveiller Deborah, mais sa prévenance s’avéra sans objet car Deb dormait à poings fermés.
Le lendemain, Derek se réveilla avec la nette impression d’avoir un carillon dans la tête, et ce n’était pas l’angélus du matin qui résonnait dans son crâne mais bien les restants de la veille. Il lui semblait qu’un rouleau compresseur s’était abattu sur lui, jamais au grand jamais, il n’avait ressenti une telle indisposition au réveil, décidément, il n’y avait pas que la planète à réserver des surprises, l’alcool local aussi avait son lot d’embûches.
Deborah émergeait à son tour, les yeux hagards et vitreux semblant elle aussi dans le coltard.
-- Bonjour chérie, bien remise de tes agapes d’hier soir ?
-- M’en parles pas, t’avais raison pour le vin, je ne suis pas prête à renouveler l’expérience !
-- Rassures-toi, tu n’as pas été la seule à te faire piéger, j’ai moi-même forcée la dose hier et je suis malade à mon tour !
-- Je suppose que quelques verres suffiront à l’avenir, on ne peut arrêter complètement car les gens ne nous comprendraient pas.
-- Et Nora ne peut pas nous trouver une parade à cela ?
Nora toujours vigilante répondit instantanément.
-- Dans votre état, je ne peux pas vous soigner par attouchement psychique et de plus vous êtes hors de portée à l’intérieur, je vous ferais parvenir des gélules dans la matinée. Elles seront préparées à base de plantes pour éviter les dégâts causés par la thérapie chimique, elles auront un double effet de curabilité et de protection pour les soirées à venir, vous en aurez bien besoin si vous devez continuer à vous alcooliser comme des ivrognes !
C’est Derek qui reprit la parole.
-- Ca va, n’en rajoutes pas, on s’est fait piéger, y a pas mort d’homme ; de plus, ce genre de débauche est nécessaire dans ce patelin où les gens ne pensent qu’à ça, dans une autre société, les choses seraient sans doute différentes.
L’incident étant clos, Deborah s’inquiéta pour sa toilette.
Un meuble pouvant passer pour une table de nuit, se trouvait près de l’entrée, avec posée sur le dessus, une cuvette en étain et un long broc en étain lui aussi rempli d’une eau tiède.
-- J’ai bien l’impression que la salle de bain se trouve ici dis-je à Deborah en lui versant un peu d’eau dans le bassinet !
Et d’ajouter en rigolant -- la douche de madame est avancée !
En voyant la tête de Deborah en ce moment, je pris pitié d’elle et décida d’y remédier.
Je m’habillais vite fait et sortis dans le couloir et du haut des escaliers, j’apostrophais l’aubergiste qui s’affairait déjà dans la salle du rez-de-chaussée.
-- Et aubergiste, peux-tu me quérir de l’eau fraîchement tirée du puits, celle que l’on a est trop chaude ?
-- C’est comme si c’était fait, messire !
Il prit un seau, ouvrit la porte d’entrée et héla un gamin qui passait en courant devant son échoppe.
-- Et petit, un demi sou pour toi si tu me ramènes un seau d’eau du puits !
Le gamin s’empara du récipient et repartit au galop.
Je retournais dans la chambre rejoindre Deborah.
-- C’est bon, dans cinq minutes tu auras de l’eau fraîche, le patron est parti en faire tirer au puits, elle aura au moins l’avantage d’être plus fraîche que celle-ci.
Déjà Deborah ouvrait la malle de voyage que l’aubergiste avait fait monter la veille dans leur chambre, afin d’y sortir une autre tenue moins chaude que celle qu’elle portait la veille, car décidément, il faisait vraiment chaud dans ce pays, même le matin, on sentait déjà la chaleur monter du sol, même la fraîcheur de la nuit n’avait pas suffi à rafraîchir l’atmosphère.
Après avoir fait son choix, elle étendit sa tenue sur le lit lorsque l’on toqua à l’huis de la pièce.
Derek s’empressa d’ouvrir, un gamin, une espèce de béret sur la tête, noir de crasse, alors qu’à l’origine, il devait être plus blanc semble t-il, portant un seau certainement plus lourd que lui, se tenait devant l’entrée.
-- Votre eau fraîche, messire, je la pose où ?
Derek eut pitié du gosse et le soulagea, il versa une partie du liquide dans la cuvette sur la table de nuit, posa le sceau à terre et ouvrit son escarcelle, il y sortit un électrum et le donna au môme.
-- Tiens dit-il, tu l’as bien mérité, aller files maintenant !
-- Oh merci messire, dit le gamin en se découvrant.
-- Si vous voulez un guide, je connais la ville comme le fond de ma poche, je vous ferais découvrir les rues les plus commerçantes, ça tombe bien, aujourd’hui, c’est la fin de semaine et tous les paysans viennent en ville, vous verrez, vous y ferrez beaucoup d’affaires et je peux même vous aider à déballer et remballer, tenir votre stand si vous voulez vous désaltérer à la taverne, je peux faire tout ça pour vous!
-- C’est bon, on verra, comment fait-t-on pour te retrouver si on a besoin de toi ?
-- C’est simple messire, vous n’avez qu’à demander pour la Fouine, c’est mon surnom ici, les gens ne me connaissent pas sous un autre nom.
-- C’est bon, maintenant files, on verra plus tard !
L’enfant sortit et Deborah et moi pûmes faire une toilette sommaire, l’eau fraiche eut la double utilité de finir de nous réveiller et d’estomper quelque peu nos martèlements crâniens.
Lorsque nous réapparûmes dans la salle, la clientèle commençait à arriver aussi, pour la plupart, il s’agissait de gens de la campagne, chargés et encombrés de paniers et de besaces remplis de provisions.
Divers produits laitiers, (beurre, lait, fromages), des fruits, des légumes, des volailles vivantes ainsi que des porcelets remplissaient les bagages de ces gens. Des tonneaux de vin étaient roulés à même le sol, afin d’y être remisés dans le sous-sol de l’auberge. Des caisses en tous genres faisaient la navette entre la porte d’entrée et la cave de la taverne. Les bêtes simplement attachées par une patte et à l’autre bout au pied d’une table, divaguaient à travers la salle et tout ça dans une pagaille monstre, gênant les porteurs de caisses. Tout ce remue ménage se passait dans une belle cacophonie, mélangé aux cris des enfants, la scène ne manquait pas de piquant, finalement, la journée commençait bien.
Je ne sais pas si c’est le fait que l’on commençait à s’habituer aux effluves toutes personnelles de cette foule ou que la fraîcheur relative du matin nous masquait leurs odeurs, mais j’avais l’impression que leurs émanations devenaient plus supportables.
Nous nous attablâmes Deb et moi et le patron vint vers nous.
-- Bien le bonjour messire, (décidément, les femmes ne semblaient guère compter pour les Canéens, à aucun moment, il ne s’était adressé à Deborah directement depuis notre arrivée, et j’avais peur que Deb s’en offusque et ne fasse un scandale), avez-vous bien dormi ?
Je ne savais comment répondre, fallait-il être enthousiaste ou au contraire rester plus froid, j’optai encore une fois par de l’incertitude.
-- Oui, ma fois, ça a l’air d’aller !
J’aurai voulu enchaîner sur une commande de petit-déjeuner, mais ne voulant pas commettre de boulette, je continuais.
-- Ma femme et moi, avons une faim de chien (expression locale qui signifiait faim de loup), qu’as-tu de bon à nous proposer ?
Sans se départir de son sourire, il répliqua.
Une bolée de café ou le restant de la soupe d’hier réchauffée ?
Je regardais Deborah du coin de l’œil qui tout comme moi, ne semblait pas prête à ingurgiter un potage aussi épais que celui de la veille, aussi je répondis par la négative.
-- La bolée de café me semble bien indiquée, et peux-tu nous faire une belle omelette nature, j’ai vu que tu avais reçu des œufs frais ce matin !-
-- Vos désirs sont des ordres messire !
Et il partit en courant dans l’arrière boutique.
Quelques instants plus tard, je me félicitais d’avoir eu la présence d’esprit de commander une omelette nature, car la patronne apportait à la table voisine, une omelette avec une belle tranche de lard à cheval sur le dessus.
Deborah suivit mon regard et j’ai bien cru qu’elle tournait de l’œil lorsqu’elle vit la viande de porc fumante sur les œufs. Je lui pris la main et la réconforta comme je pus.
-- Du courage ma fille, ce n’est qu’un mauvais moment à passer, il ne faut pas leurs en vouloir, cela fait parti de leurs coutumes, je sais que sur Terre, comme dans la confédération manger de la viande est un usage révolu depuis longtemps, mais ici ils semblent fort apprécier cette façon de se nourrir, nous ne devons pas les en blâmer !
-- Oui je sais, mais je m’y ferais, après tout, j’ai bien bu de l’alcool hier, mais tu ne me feras jamais avaler ce truc-là, je supporterais le fait qu’ils en consomment mais je n’irais pas jusqu’à le faire moi-même !
-- Personne ne te le demande, non plus d’ailleurs, aller l’omelette va arriver, que cela ne te coupe pas l’appétit, bois ton café en attendant !
Deborah but une grande gorgée de café et relevant la tête de son bol, me demanda.
-- Quel est le programme ce matin ?
Si sur Terre, c’est elle qui prenait en principe les initiatives, depuis notre arrivée, elle s’en remettait à mon jugement.
-- Je pense qu’il serait prudent de nous allier les services de ce gamin qui nous a apporté l’eau ce matin, il semble débrouillard et pourrait nous être d’une grande utilité, et je crois qu’en plus, c’est le genre d’habitude ici, les étrangers se font aider par les jeunes du coin, et cela doit leur permettre de ramener quelques piécettes à leurs parents !
-- Aucun inconvénient, en plus d’avoir une bonne tête, il paraît assez courageux alors pourquoi pas lui, je ne sais pas s’il est honnête, mais peu importe, nous ne sommes pas ici pour faire fortune !
Ils avalèrent leur omelette et hélèrent le patron.
-- Aubergiste, peux-tu nous trouver la Fouine, tu sais le gamin de ce matin qui nous a monté l’eau à la chambre ?
-- Rien de plus facile, messire, il fouine constamment dans le quartier afin de dénicher un petit boulot, c’est de là que lui vient son surnom d’ailleurs, c’est un excellent choix que tu as fait, il est courageux, honnête et je le connais bien, c’est mon neveu, le fils de ma sœur, la jeune femme qui travaille en cuisine, je te le fais mander de suite !
Et en plus, on travaillait en famille à l’auberge, finalement, son idée d’utiliser le gamin a peut-être du bon, au moins, cela lui permettra de mettre l’aubergiste dans sa poche.
L’aubergiste se rendit dans l’arrière salle, et hurla à la cantonade.
-- Kerva, où est ton chenapan de fils, les démarcheurs ont besoin de lui, où est-ce qu’il traîne encore ?
La fameuse Kerva sortit en courant des cuisines, en enlevant son tablier, le roula en boule, et le jeta négligemment sur le comptoir. Portant vivement les deux mains sur sa coiffe, cherchant à arranger au mieux ses cheveux, avant de disparaître sans un mot, à l’extérieur.
L’aubergiste ressortit de l’office et revint trouver nos deux colporteurs.
-- Ca ne sera pas long, il n’est certainement pas loin, il sort rarement du quartier, c’est un bon petit, je le secoue un peu mais il est très travailleur. Sa mère a souvent besoin de lui, étant donné qu’il est le seul homme de la famille, ma sœur est veuve, et c’est parfois pas facile pour elle, si elle ne se retrouve pas très vite un compagnon, elle finira vieille fille et moi je suis vieux, je ne serais pas toujours là pour l’aider !
L’aubergiste semblait être un brave homme, au début, Derek l’avait trouvé un peu fat, suffisant, mielleux et même près de ses sous ; finalement, il s’avérait être serviable et protectionniste avec sa famille défavorisée.
Un petit quart d’heure plus tard ils étaient de retour ; la mère reprit son tablier et retourna s’enfermer en cuisine et la Fouine, se tenait devant nous, tête découverte, tortillant de ses mains son béret crasseux et son regard allant de Deborah à Derek sans s’arrêter ni sur l’un, ni sur l’autre, avec un air de gaucherie sur le visage.
Derek s’aperçut qu’il semblait plus gêné en présence de son oncle que lorsqu’il était seul avec eux comme ce matin dans la chambre, où il paraissait plus effronté, l’autorité de l’oncle devait y être pour quelque chose.
Derek n’en fit pas cas, et posant sa main sur l’épaule de l’enfant pour le mettre en confiance.
-- Bon, assez perdu de temps, viens m’aider à atteler les bêtes et emmènes-nous dans les rues les plus commerçantes, d’accord ?
-- Bien sûr messire, bien sûr, suivez-moi à l’écurie, nous pourrions si vous voulez, décharger une partie de la carriole, dans l’étable, elle est vide actuellement, les bêtes sont à l’estive pour l’été, on peut, n’est-ce pas mon oncle ?
-- Bien sûr, le petit à raison, utilisez l’étable, c’est une très bonne idée !
-- Et ça nous coûtera combien, cette mobilisation de l’étable ?
-- Rien messire, absolument rien, vous allez employer le petit pour la journée, ce serait malhonnête de te demander quoi que ce soit pour l’étable !
-- Et pour le gamin, je ne suis pas habitué aux tarifs locaux ?
-- Normalement c’est ce que tu veux, vois ça avec le môme, les enfants comme tu le sais sans doute n’ont pas le droit de travailler, mais la vie est si dure qu’il faut bien aider sa mère, n’est-ce pas ?
-- Ne t’inquiètes pas alors, je prendrais bien soin de lui, sa mère peut avoir confiance et sois rassuré, je ne vous trahirais pas !
L’aubergiste paraissait vraiment heureux, ses yeux se vitrèrent de larmes et il se retourna. Derek comprit contrairement à ce qu’il avait constaté hier, où il n’y avait vu que des gens faire la fête, la vie devait être plus dure pour certains que pour d’autres.
Et il partit à l’écurie avec le gamin. Et Deborah attendit leur retour.
Le môme revint seul chercher Deborah, après une demi-heure d’attente, tous deux disparurent en direction de l’écurie.
Ils rejoignent la carriole où Derek les attendait et la charrette s’ébranla en direction de la place du petit marché local.
Le gamin bloqué entre les deux adultes, pensant sans doute leur être agréable, leur dit soudain.
-- On devrait peut-être aller dédier notre journée à la Grande Sagesse, quand pensez-vous ?
C’est Deborah qui n’avait rien dit jusqu'à maintenant qui réagit la première.
-- C’est une excellente idée, emmènes-nous, on vient d’arriver et on ne connaît pas l’endroit et de remettre le sort de notre journée dans les mains de La Grande Sagesse me paraît plus que judicieux !
Ravi, l’enfant prit les rênes et activa les chevaux et rajouta.
-- A cette heure-ci, il n’y a pas grand monde, les paysans viennent rarement et les villageois ne sont pas encore tous levés, on pourra passer très vite !
Derek se demandait bien ce que « on pourra passer très vite » voulait bien vouloir dire, mais pour l’instant, ils se laissaient guider par l’enfant et ils allaient enfin voir à quoi ressemblait ce lieu de culte et peut-être en apprendre plus sur ses origines.
Ils s’arrêtèrent près d’un petit édifice qui ne devait guère faire plus d’une vingtaine de mètres de long sur autant de large avec une hauteur de deux niveaux, sans aucune distinction particulière par rapport aux autres qui le ceinturaient. Rien ne pouvait le distinguer des autres, construit dans le même matériau et sans couleur particulière, la façade se présentait sous une teinte plutôt terne, une porte en bois en fermait l’entrée.
Nous pénétrâmes à l’intérieur où quelques hommes et femmes assis se trouvaient déjà présents. Tous avaient la tête tournée vers le cœur de l’édifice d’où une douce musique en sortait.
A tour de rôle, chaque personne se présentait devant une stèle où se trouvait une sorte de niche verticale dont ni Deborah, ni Derek ne pouvait voir l’intérieur.
Chaque intervenant se présentait devant cette stèle et prenait à deux mains ce quelque chose qui était encore caché à leur vue.
Ils s’assirent près du môme et attendirent patiemment leur tour.
Il ne restait plus que deux personnes au bout d’un petit quart d’heure, notre jeune guide se leva et sans doute par respect, nous demanda de passer devant lui.
Là, c’était la tuile, Deborah me regarda avec un regard suppliant, implorant silencieusement que je trouve une solution.
Je me penchai vers le jeune ado et à l’oreille, je lui glissai.
-- Tu nous as fait l’amitié de nous guider jusqu’ ici, aussi ce sera un honneur pour nous que tu nous précèdes !
Bien qu’il ne fasse pas très clair dans la pièce, je crus voir ses yeux briller de reconnaissance.
Fièrement, le gamin se redressa et prit la tête de notre petit groupe.
Rendu devant la niche, je puis voir qu’il s’agissait en faite d’un simple promontoire recouvert d’un tissu jaune sur lequel reposait un immense cristal de quartz qui renvoyait en miroitant de mille feux les lumières de la salle.
L’enfant, respectueusement enserra l’objet dans ses mains et adressa sa requête.
-- Grande Sagesse fasse que notre journée nous soit bénéfique !
Et toujours emprunt de la même considération, il s’en alla et nous céda la place.
Pour être rapide, ça a été rapide, à peine une minute.
J’en fis de même et enveloppa le bijou de mes mains.
Au même instant, je ressentis un tressaillement du cristal qui se transmettait dans mon corps, sans paraître trop troublé, je répétais une formule du même style que notre ami en culotte courte, demandant à la Grande Sagesse de nous être favorable pour cette journée et je laissais la place à Deborah.
Deborah s’approcha et saisit la pierre à son tour, lorsque je me retournas je la vis les yeux grands ouverts, elle ne disait rien, mais sa face dénotait une vive émotion et semblait en grande concentration.
Elle resta ainsi prostrée durant cinq bonnes minutes, je n’osais pas l’interrompre de peur de choquer les témoins de la scène qui eux semblaient trouver cette attitude parfaitement normale. Plus inquiétant, son Aura après avoir viré du jaune au vert fini par refléter une blancheur presque transparente.
Lorsqu’elle refit surface, elle était transfigurée et me rassura d’un sourire, le môme lui semblait ravi en observant la scène.
Et il prit la tête de notre trio pour rejoindre la sortie.
Dehors, notre guide remit son béret et s’adressant à Deborah sur ces termes.
-- La Grande Sagesse vous a parlé Madame, est-ce qu’elle vous a dit si on allait faire une bonne journée ?
Deborah lui rendit son sourire et déclara.
-- Elle n’a pas été aussi précise, elle m’a juste dit de ne pas m’inquiéter sur le déroulement de cette journée, elle a rajouté qu’il fallait que l’on te fasse confiance et que nous avions eu raison d’avoir confiance en toi ! dit-elle en me regardant.
Je n’en croyais pas un mot, mais la seule chose dont je suis sûr c’est qu’il s’était bien passé quelque chose dans cette pièce, mais quoi, son Aura avait réfléchi tout d’abord de l’inquiétude, ensuite de la gaîté pour finir par une joie immense semble t-il.
Nous repartîmes avec notre charrette et approchâmes du marché municipal.
Nous trouvâmes un emplacement à l’entrée du marché, très bien placé où la clientèle ne pouvait ne pas manquer de passer devant son stand.
Ils déballèrent leurs marchandises et Deborah, après avoir voulu parler des prix au gosse, celui-ci semblait déjà être incollable sur le tarif à pratiquer, confia la place au gamin.
Deborah avant de s’éloigner du môme avec Derek, demanda au gamin.
-- Veux-tu que je te ramène quelque chose à grignoter, Karr ? Karr était le vrai prénom du gamin.
Sur ce, le môme répondit.
-- Ils font d’excellents mâchons à emporter à l’auberge fleurie, à l’entrée du marché, tout près du maréchal ferrant, il n’a qu’à dire à Pauline la patronne que c’est pour moi, elle connaît mes goûts !
Notre couple s’éloigna de la place en direction de l’auberge indiquée.
La foule était encore plus nombreuse à l’auberge fleurie qu’à la taverne de l’oncle de Karr, apparemment la proximité du marché y était pour beaucoup.
Derek n’attendait que d’être assis à table pour s’enquérir de l’étrange conduite de Deb ce matin-là à la maison de la Grande Sagesse.
-- Bon, dis-moi, Deb que s’est-t-il passé ce matin, tu avais l’air toute émue, ça t’a marqué tant que ça cette prière, tu ne vas pas me dire que le cristal t’as parlé ?
-- Tu l’as bien dis, le cristal m’a réellement parlé, directement dans ma tête par télépathie. !
-- La Grande Sagesse a reconnu en moi mon hypersensibilité, c’est grâce à cela qu’elle a pu entrer en contact avec moi.
-- Tu as dû ressentir tout comme moi, la vibration du cristal de quartz, ce sont les fonctions piézo-électriques du minéral qui ont permis la transmission du message qui m’a été adressé, ce cristal n’est qu’un transmetteur, rien d’autre.
-- Et que t’a révélé La Grande Sagesse, oh prêtresse divine !
-- Ne te moques pas Derek, c’est très sérieux, l’Entité qui m’a parlée semblait très inquiète, elle m’a annoncée que le temps pressait, qu’elle désespérait de nous voir arriver. Elle s’affaiblit de jour en jour, et les Canéens sont trop primitifs pour qu’ils puissent accéder à ce niveau de conscience, d’après elle, il ne reste que quelques mois, quelques jours peut-être avant la fin.
-- La fin mais de quelle fin veut-elle parler et qui est-elle cette Entité ?
-- Impossible de répondre à tes deux questions, tout ce que je peux te dire, c’est qu’elle semblait vraiment angoissée !
-- Nora, as-tu détecté quelque chose toi ?
Absolument rien, n’oubliez pas que vous étiez à couvert et je vous répète que je ne suis pas télépathe !
-- J’ai beau essayer d’analyser le problème, cela dépasse les compétences de mes circuits. Je n’ai jamais entendu parler d’un esprit qui parlerait aux humains par le biais d’un quartz et je dois avouer que la notion d’Entité ou d’esprit est une conception plus qu’abstraite pour moi, il faudrait me donner plus de détails ?
-- Impossible, je vous ai dit tout de ce que je savais sur cette chose, ah non, elle a ajouté qu’il fallait absolument que je reprenne contact avec elle, elle a ajouté aussi que le sort de l’Univers tout entier en dépendait !
-- L’Univers, rien que ça, et bien tu vois chérie, on a bien fait de venir se perdre par ici, sans notre venue, le cosmos courait à sa perte !
-- Ne sois pas ridicule chéri, je dois aussi t’avouer que je l’ai cru, elle semblait vraiment sincère !
Nora choisit ce moment pour intervenir de nouveau dans la conversation.
-- Attention, je pars du principe que tout ce qui nous est étranger peut être dangereux et ce n’est pas parce qu’elle avait un accent de sincérité qu’elle l’est ! De plus, cet esprit se trouve sur cette planète depuis très longtemps, et bien qu’il ne semble pas avoir de mauvaise intention envers la population locale, loin de là d’ailleurs, nous débarquons un peu comme un cheveu sur la soupe, et nous l’avons sans doute dérangée dans l’organisation de ses plans!
-- Oh ! Oh ! Tout doux, Nora, tu oublies une chose, si elle n’avait pas pris contact avec Deb, nous ne serions même pas au courant de son existence, aussi quel besoin avait-elle de se dévoiler la première si elle n’était pas sincère ?
Nora restait silencieuse, mon argument apparemment l’avait touchée et Deb vint à mon aide.
-- Derek a raison Nora, elle n’avait pas d’obligation d’agir ainsi, si elle l’a fait, c’est qu’elle doit avoir raison, tu ne crois pas ?
-- Mes circuits logiques me disent que votre raisonnement se tient, aussi je me rallie à votre opinion !
-- D’après Karr, la maison du culte est ouverte jour et nuit et le soir tard, il y a paraît-il très peu de monde, je pense qu’il serait utile de retourner voir ce cristal, quand pensez-vous ?
D’un commun accord, Nora et Deborah acceptèrent ma proposition et il était temps pour nous de rejoindre Karr.
De retour au stand, nous remplacions le môme qui devait commencer à trouver le temps long. Mais à la vue de son mâchon que Deborah lui avait rapporté, un large sourire envahit son visage.
Le restant de la journée nous parut très long, heureusement que la plupart des exposants commençaient à partir vers le début de l’après-midi, aussi lorsqu’il fut près de quatorze heures, nous décidions Deborah et moi de plier bagage au grand dam de Karr qui prétendait que les meilleurs affaires se réalisaient justement dans l’après-midi.
Nous rentrions à l’auberge et remisions la carriole, il était temps, déjà le soleil à son zénith dardait ses rayons sans ménagement et pour Deb et Derek loin d’y être habitués nous souffrions le martyr, ils ne se firent pas prier pour rentrer à l’auberge.
Sitôt arrivés, ils firent prévenir le taulier qu’ils ne souhaitaient être dérangés sous aucun prétexte, et se précipitèrent dans leur chambre. Une minute plus tard, Nora les avait téléportés à bord.
Après un passage à la salle de relaxation ou ils purent apprécier les bienfaits de la douche, ils se retrouvèrent dans leur chambre et la clim de bord ne fut pas de trop pour récupérer un peu de bien être qui leur faisait cruellement défaut depuis qu’ils avaient mit le pied sur la planète. Et c’est avec un certain plaisir qu’ils trouvèrent enfin le sommeil.
A leur demande, ils furent réveillés par Nora vers dix sept heures.
Après un nouveau passage à la douche, Deborah revint en pleine forme et déclara qu’elle se sentait prête à redescendre, à condition toutefois de ne pas être obligée de renouveler l’expérience de la veille.
Nora la rassura.
-- Ne t’inquiètes pas, les petites gélules que je vous ai concoctées feront des miracles, une seule de ces pastilles et tu pourras boire tout ton soûl sans éprouver les affres de l’enfer ni pendant, ni après d’ailleurs !
-- Oui mais l’accumulation de l’alcool dans l’organisme ne va pas détraquer la mécanique ?
-- Non, car les plantes sélectionnées, annulent aussi bien les effets visibles de l’alcool qu’invisibles ; dans l’estomac, ces plantes, aidées par l’action des sucs gastriques, transforment l’alcool, en sucre si bien qu’il n’a pas le temps de pénétrer dans le sang sous forme d’alcool, seul un excédant de sucre y est transporté. Certes, il ne faudrait pas poursuivre ce régime plusieurs mois sans risque de voire apparaître certains désordres internes, mais sur quelques jours, ou quelques semaines, cela ne présentera aucun problème pour votre organisme.
-- Enfin une bonne nouvelle, mais dis-moi Nora, tu m’avais caché tes dons d’apothicaire, si j’avais eu ce genre de traitement dans le passé, j’aurais évité bien des réveils difficiles, c’est parce qu’il y a Deb que tu es si prévoyante ?
-- Non, c’est mon homologue terrien qui m’a enseigné ce traitement, hier lorsque je l’ai contacté pour le rapport hebdo ; au fait, en parlant de la Terre, je n’arrive plus à rentrer en communication avec elle depuis ce matin, il était convenu entre nous que je devais la recontacter pour la tenir informer sur ton était de santé, Deborah et j’ai essayé toute la matinée, mais en vain !
-- Tu as informé la Terre de notre petite beuverie d’hier soir, je t’avais dit de passer ça sous silence pour ne pas affoler mon père !
-- Rassures-toi, Deb, ceci est resté entre nous, mon collègue me l’a promis !
-- De toutes façons, ce n’est pas le plus important, répliquais-je, les communications par contre cela l’est un peu plus, je ne connais pas trop comment ce système Intercom fonctionne, mais je doute que cela soit très normal, est-ce que je me trompe ?
-- Oui et non, de violentes tempêtes électromagnétiques dans la zone géographie du lieu de départ ou dans celle d’arrivée peuvent arriver à perturber les communications sub –spatiales, mais cela reste très exceptionnel, sinon il n’y a pas d’autres possibilités !
-- Et cela peut durer une dizaine d’heures ?
-- Rarement, mais on a vu des tempêtes perdurer plusieurs mois !
-- Pour l’instant donc, si j’ai bien compris, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, nous continuons donc notre enquête et on verra au fil des jours si le phénomène persiste, il est temps de réintégrer la taverne !
Deux secondes plus tard, ils se retrouvèrent assis sur le lit de la chambre de l’auberge.
Deborah et Derek en profitèrent pour changer de vêtements avant de redescendre en salle.
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